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livres, comprenait l'histoire des rois, de la république, et les cent premières années de l'empire. Dix seulement de ces vingt-quatre livres nous sont parvenus; les plus précieux sont les cinq où sont racontées les guerres civiles de la république. Appien excelle dans le récit des opérations mili taires, et réussit assez dans les discours. Son style, sans ornement, est clair et généralement pur. On lui reproche d'avoir distribué les faits, non dans l'ordre synchronique comme la plupart des historiens, mais d'avoir établi ses divisions d'après le théâtre des événements; de sorte qu'il consacre tel livre au récit de toutes les expéditions faites dans un même pays, et qu'il réserve pour d'autres livres les faits accomplis aux mêmes époques, mais dans des lieux différents chaque livre forme ainsi une histoire particulière. Cette innovation, dont Appien se félicite, parce qu'elle a, dit-il, l'avantage de ne pas dépayser le lecteur, morcelle l'histoire générale et introduit dans le temps l'inconvénient qu'il veut éviter dans l'espace; car, si l'attention se fatigue à passer brusquement d'un lieu dans un autre, elle n'est pas moins désagréablement éprouvée en voyageant, par secousses, à travers la durée.

CASSIUS, né en Bithynie (155 ans après J. C.), fils du sénateur romain Cassius Apronianus, descendant par sa mère de Dion Chrysostome, ajouta à son nom celui de DION. Il occupa sous les empereurs, depuis Commode jusqu'à Alexandre Sévère, d'importants emplois publics. Sénateur sous Commode, il obtint plus tard le gouvernement de Smyrne; consul, proconsul en Afrique et en Pannonie, il fut enfin collègue d'Alexandre Sévère dans le consulat. Il fut donc mêlé activement aux affaires publiques : excellent apprentissage pour écrire l'histoire, qui demande une connaissance approfondie et pratique des hommes et des choses. Dion Cassius composa, en quatre-vingts livres, une Histoire romaine qui, remontant au berceau de Rome, conduisait les événements jusqu'à l'année 229 de J. C. Une partie très

Littérature

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considérable de cet ouvrage nous est parvenue, et forme un des monuments les plus précieux de l'histoire romaine. Il y a certaines époques où le témoignage de Dion est le seul flambeau de l'historien. Dion Cassius, quoique bien inférieur à Polybe, qu'il s'est aussi proposé pour modèle, est encore au nombre des bons historiens. Son style est inégal; on trouve qu'il manque quelquefois de critique, et plus souvent d'impartialité : il est sévère jusqu'à l'injustice contre Cicéron.

HÉRODIEN, qui vécut dans le cours du troisième siècle après J. C., est encore un disciple fidèle des grands historiens de l'antiquité. Dans la retraite paisible qui succéda pour lui à des emplois honorablement remplis, il écrivit l'histoire des empereurs romains depuis la mort de Marc-Aurèle jusqu'à l'avènement de Gordien le jeune, c'est-à-dire pendant une période de cinquante-neuf ans. L'Histoire d'Hérodien porte l'empreinte de la probité et de la véracité; sa narration est claire et élégante; les harangues qu'il mêle au récit, toujours judicieuses et vraisemblables, sont quelquefois éloquentes. Toutefois, il est bien éloigné d'avoir le nerf et l'énergie pittoresque de Thucydide, qu'il avait pris pour modèle.

Après Constantin, l'histoire trouve encore des interprètes dignes d'être cités.

EUSEBE, évêque de Césarée en Palestine, a composé un grand nombre d'ouvrages historiques. Les plus remarquables sont l'Histoire ecclésiastique, en dix livres, depuis la naissance de J. C. jusqu'à la défaite de Licinius par Constantin, et une Chronique, en deux livres, qui contient beaucoup de faits curieux. Eusèbe est un médiocre écrivain, partisan déclaré de l'arianisme.

ZOSIME, qui appartient au cinquième siècle de notre ère, n'est pas un historien sans valeur ni sans intérêt. Hostile au christianisme, il n'en est pas précisément le détracteur : il déplore surtout la perte de la liberté et la décadence de l'empire; trompé par le rapport des temps, il attribue au christianisme les maux qui en accompagnent les progrès, tandis

qu'il en est réellement la seule compensation et qu'il en sera le remède. Historien philosophe, Zosime recherche les causes morales et politiques des événements. Son Histoire de Rome, depuis Auguste jusqu'à l'année 410 de l'empire, est un précis curieux et rapide, écrit par un homme supérieur.

PROCOPE, né à Césarée en Palestine, vers le commencement du sixième siècle, est l'historien de Bélisaire, dont il fut le conseiller et le compagnon dans ses expéditions contre les Goths et les Vandales. Les huit livres de son Histoire contemporaine nous font connaître le règne de Justinien et les grandes guerres de cette époque. L'impartialité de Procope nous laisse ignorer s'il était chrétien ou païen. Après avoir raconté et célébré les événements publics du règne de Justinien, Procope écrivit, sous le titre d'Histoire secrète, le complément ou plutôt la contre-partie de son premier ouvrage. L'Histoire secrète est la chronique scandaleuse du palais, qui dévoile tant de turpitudes et de faiblesses qu'on a pu soupçonner la véracité de l'écrivain. Ces curieux mémoires témoignent au moins de sa malignité et de sa mauvaise humeur; ils n'en sont que plus piquants. Procope, d'abord rhéteur, puis avocat, devint sénateur et préfet de Constantinople; mais il éprouva des disgrâces passagères, et il est probable que l'Histoire secrète est le produit de ses ressentiments, tandis que l'Histoire contemporaine exprime son admiration et sa reconnaissance. Procope écrit purement et donne du charme à ses récits.

L'énumération des historiens byzantins proprement dits nous entraînerait trop loin, et ne présenterait aucun intérêt littéraire; il suffira de nommer, après AGATHIAS qui continua Procope jusqu'à la fin du règne de Justinien, les quatre historiens dont les écrits forment le corps de l'histoire byzantine et présentent, sans solution de continuité, toute la suite des faits depuis l'avènement de Constantin jusqu'à la prise de Constantinople par les Turcs: ce sont ZONARAS, NICÉTAS ACOMINATUS, NICEPHORE GRÉGORAS et LAONICUS CHALCONDYLE.

POÉSIE LATINE.

XXVIII.

Des principales époques de la poésie latine.

Si la poésie latine offre dans ses monuments une grande ressemblance avec la poésie grecque, la même analogie n'existe pas dans l'ordre des développements. Cette différence et ce rapport tiennent à une même cause : l'imitation de modèles qui, présentés en même temps, agirent simultanément sur l'imagination.

Les cinq premiers siècles de Rome, remplis par cette suite de guerres qui achevèrent laborieusement la conquête de l'Italie, laissèrent Rome sans littérature. La grossièreté des mœurs, les travaux de la guerre et de l'agriculture, ne donnaient point lieu à ce délassement des peuples civilisés qu'on appelle la poésie. Aussi, pour trouver quelque chose qui en donne l'idée, faut-il se rattacher à ces chants barbares que poussaient les habitants de la campagne parmi les orgies de la moisson ou des vendanges, et à ces prières que les prêtres de Mars entonnaient en promenant les boucliers sacrés. On trouve encore un germe de poésie dans les Atellanes, espèces de farces licencieuses qui se jouaient dans les campagnes et que Rome emprunta aux Osques. Cette première période n'a pas, à proprement parler, d'histoire littéraire 1.

La littérature romaine ne commence réellement qu'à la fin de la première guerre punique par l'introduction de la poésie grecque c'est alors seulement qu'il est permis de

1. On consultera avec fruit, sur ces temps reculés, le curieux et savant recueil: Latini sermonis vetustioris reliquiæ selectæ, publié récemment par M. Egger, sous les auspices de M. Villemain.

l'étudier et de la diviser. Elle se divise naturellement en quatre époques : la première s'étend depuis le temps des Scipions jusqu'au siècle d'Auguste, et comprend environ deux cents ans; le siècle d'Auguste forme une époque distincte, qui est la seconde; la troisième est comprise entre la mort d'Auguste et le siècle des Antonins; la quatrième, ouverte avec les Antonins, s'étend jusqu'au sixième siècle de l'ère chrétienne et clôt l'histoire de la littérature romaine proprement dite. Nous n'avons pas à nous occuper des développements ultérieurs des lettres, qui se confondent dans l'histoire des différents peuples de l'Europe avant et après l'avénement. des littératures modernes.

La première époque est déjà riche en monuments, mais elle manque d'originalité. La littérature s'introduit dans Rome au lieu d'y naître; les essais antérieurs sont rejetés dans l'ombre par cette importation étrangère. A une enfance chétive et barbare succède brusquement une jeunesse robuste et presque polie, qui sera suivie d'une maturité vigoureuse et brillante des tentatives d'épopée, des succès dans la tragédie et dans la comédie, la satire et le poëme didactique, signalerent cette époque, pendant laquelle le génie de Rome commence à s'humaniser et à s'assouplir sous la discipline des Grecs. Nous voyons alors Ennius, Pacuvius, Lucilius, poëtes rudes encore, mais non barbares, donner la main à Plaute et à Térence, ces maîtres de la comédie latine, auxquels succèdent, pour d'autres œuvres, Lucrèce et Catulle qui annoncent les Virgile et les Horace.

Le siècle d'Auguste présente la fusion harmonieuse du génie grec et du génie romain. C'est le point de perfection de cette alliance qui aboutit à une poésie exquise, originale dans l'imitation. Horace et Virgile, dans l'ode, l'épopée, le genre didactique, la pastorale et la satire, opposèrent des chefs-d'œuvre rivaux aux chefs-d'œuvre de la Grèce; Ovide, Properce et Tibulle, dans la poésie érotique, s'élevéèrent à la hauteur de leurs modèles, qu'ils ont souvent surpassés.

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