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QUINTUS de Smyrne, qu'on appelle aussi Quintus Calaber, est auteur d'un poëme en quatorze chants, complément de l'Iliade, qui conduit les événements de la guerre de Troie depuis la mort d'Hector jusqu'à la prise de la ville. Quintus ne manque ni d'élégance ni de pureté, et l'imitation d'Homère l'a préservé de la plupart des défauts de ses contemporains. COLUTHUS, né à Lycopolis, appartient à la même époque. Il avait composé un poëme en six chants, les Calydoniaques, dont le sujet était sans doute la chasse du sanglier de Calydon. Ce poëme ne nous est pas parvenu; mais nous avons de CoJuthus une courte épopée, l'Enlèvement d'Hélène, de beaucoup inférieure au poëme de Quintus de Smyrne, froide et entachée d'affectation.

TRYPHIODORE, contemporain et compatriote de Coluthus, nous est connu par un poëme sur la prise de Troie, dans lequel on remarque le soin puéril d'exclure de chaque vers une des lettres de l'alphabet. Nestor de Laranda avait été beaucoup plus loin, s'il est vrai, comme on l'a dit, que ce tour de force s'étendît chez lui à un chant tout entier.

George PISIDÈS (vers 630 de J. C.), garde des chartes et référendaire de Constantinople, jouit longtemps d'une grande célébrité. Ses contemporains le comparaient aux meilleurs poëtes de l'antiquité. Sa fécondité est incontestable, et ses vers ont une certaine élégance. Parmi les ouvrages qu'il a laissés, le plus important est l'Hexameron, poëme en vers ïambiques sur la création. On peut encore citer de lui deux chroniques versifiées, l'une sur l'expédition d'Héraclius contres les Persans, et l'autre sur la guerre des Awares.

Jean TZETZÈS de Constantinople (xII° siècle) a composé un nombre considérable de vers qui nous sont presque tous parvenus. On les sacrifierait volontiers en échange d'une comédie de Ménandre. Ses Chiliades, au nombre de treize, et renfermant chacune mille vers, forment un recueil d'his

toires mêlées assez précieux pour l'érudition. Les Iliaques, du même auteur, de mille six cent soixante-cinq vers, se divisent en trois parties: Ante-Homerica, Homerica, PostHomerica.

Les poësies de saint GRÉGOIRE de Naziance mériteraient un examen approfondi. Elles sont de deux espèces; les unes appartiennent au genre épigrammatique, au nombre de deux mille cent cinquante-quatre; les autres sont des poëmes sacrés de quelque étendue, parmi lesquels on remarque le poëme sur la Vanité et l'Instabilité de la vie, et le poëme sur l'Homme. On y trouve exposées, avec charme et profondeur, ces pensées mélancoliques qu'inspirent au chrétien la vue des misères et des contradictions de la destinée humaine. On croit entendre un prélude aux méditations de Pascal et de M. de Lamartine.

Dans le genre lyrique, il faut citer le philosophe PROCLUS, une des gloires de l'école d'Alexandrie, commentateur de Platon, qui a composé plusieurs hymnes d'une inspiration forte et élevée. Parmi les poëtes chrétiens on distingue SYNÉSIUS, évêque de Ptolémaïs et contemporain de Chrysostome. Il nous reste de lui dix hymnes remarquables par la pureté du style, la facilité de la versification, la noblesse des idées et des images. M. Villemain a traduit la première de ces pièces lyriques sur Dieu et l'Ame, avec une aisance merveilleuse qui, sans rien enlever à la fidélité, ajoute quelque chose à la grâce et à la force du modèle.

Au dixième siècle, JOSÈPHE, surnommé l'Hymnographe, composa des chants lyriques pour chacune des fêtes de la Vierge.

ÉLOQUENCE GRECQUE.

XXV.

Des principales époques de l'éloquence
grecque.

L'éloquence devait naître chez les Grecs, le peuple le plus heureusement doué de la terre pour exprimer et pour communiquer ses émotions.

Graiis ingenium, Graiis dedit ore rotundo
Musa loqui.

Cette puissance se développa de bonne heure dans les États où tout se traitait par la parole. Ce qui prouve victorieusement l'existence et l'autorité des orateurs dans les nations grecques ou d'origine grecque, c'est le crédit des rhéteurs qui enseignent l'éloquence, et des sophistes qui jouent avec la parole. Les Solon, les Pisistrate, les Thémistocle, furent certainement d'habiles orateurs avant qu'Empedocle, Corax et Tisias eussent donné les règles de l'éloquence, et que les Gorgias et les Prodicus se servissent de l'art oratoire pour en faire le divertissement des oisifs. Mais cette époque antérieure de l'éloquence pratique n'ayant laissé aucun monument, l'histoire proprement dite de l'éloquence grecque ne commence pour nous qu'au moment où Périclės prit la direction des affaires. Cependant nous ferons de cette période une première époque.

La seconde époque de l'éloquence grecque s'ouvre avec Périclès et se ferme avec Démosthène ; elle embrasse les cent six années qui s'écoulèrent depuis la guerre du Péloponnèse (430 avant J. C.) jusqu'à la mort d'Alexandre (324 ans avant J. C.). Les dangers que court l'indépendance de la Grèce et le patriotisme de ses orateurs sont les ressorts de

l'éloquence, qui atteint alors sa perfection. C'est pendant cette période que brillent, à côté de Démosthène, les Eschine, les Lysias, les Hypéride, les Isocrate, qui avaient eu pour devanciers les Périclès et les Alcibiade.

Dans la troisième époque, la ruine de la liberté et la chute de l'indépendance font succéder la déclamation à l'éloquence. Le faux goût des Asiatiques, plus soucieux des périodes sonores que de la force des pensées, précipite cette décadence qu'amenait nécessairement l'influence des causes morales. C'est un second avénement de rhéteurs et de sophistes, dont le talent, n'ayant à s'exercer que sur la théorie de l'art ou sur des sujets d'importance secondaire, dissimule, par l'éclat et l'abondance des mots, le vide et la stérilité des pensées. Toutefois, les premiers Pères de l'Église, qui se produisent pendant cette période, relèvent déjà l'éloquence qui va prendre un nouvel essor sous les Pères dogmatiques. Même parmi les païens tout n'est pas à dédaigner Dion Chrysostome, Lucien et Longin, à des titres divers, occupent une place honorable dans l'histoire des lettres.

Une révolution morale était nécessaire au retour de la vẻritable éloquence; la propagation du christianisme en fut la cause et le signal. Ce n'est plus le salut ou la grandeur des républiques qui inspire les orateurs, c'est un intérêt plus élevé l'humanité tout entière est en cause dans ses rapports avec Dieu. Les chrétiens défendent la doctrine qu'ils ont reçue du législateur divin contre les imputations calomnieuses des aïens et des philosophes; ils l'exposent dans sa simplicité sublime pour vaincre la résistance des peuples. Les développements de l'éloquence chrétienne inaugurée pendant les siècles précédents forment, à dater du quatrième siècle, une dernière époque illustrée par des chefs-d'œuvre. Les Grégoire de Naziance, les Basile, les Chrysostome, donnent des rivaux de génie aux orateurs profanes de l'antiquité, et ils ont sur eux l'avantage de proclamer des vérités impérissables.

XXVI.

Des orateurs qui ont brillé à chacune des quatre époques de l'éloquence grecque.

Première époque.

Les rhéteurs siciliens.

L'éloquence qui fit une partie de la force de Solon, de Pisistrate, d'Aristide et de Thémistocle n'a pas laissé de monuments, mais son influence est attestée par l'histoire. Les Athéniens n'auraient pas accueilli avec tant de faveur les rhéteurs et les sophistes venus de la Sicile, si ces habiles artisans de paroles n'eussent annoncé des méthodes propres à donner plus de force à cette puissance oratoire qui dominait déjà les esprits.

Le plus célèbre des rhéteurs, GORGIAS de Léontium, venu à Athènes pour plaider la cause de ses compatriotes contre les Syracusains, séduisit l'assemblée du peuple par l'harmonie de ses paroles. Les Léontins lui dressèrent des statues en récompense du service qu'il leur avait rendu ; mais il s'établit à Athènes, où il ouvrit une école. Gorgias est regardé comme l'inventeur de la période : ce fut lui qui enseigna l'art de mesurer, de symétriser les membres des phrases, et de les terminer harmonieusement. Les seuls ouvrages qui nous restent de Gorgias, l'Eloge d'Hélène et l'Apologie de Palamède, ne justifient pas l'enthousiasme de la Grèce ; mais il serait injuste. d'apprécier son talent sur des compositions d'école, puisqu'il avait traité des sujets plus importants.

ALCIDAMAS, d'Élée en Eolie, disciple de Gorgias, acquit à Athènes une certaine considération par l'enseignement de la réthorique. Il nous reste de ce rhéteur deux morceaux, savoir un Discours d'Ulysse contre Palamède, déclamation sophistique, et un Discours contre les Sophistes. Sans doute, le premier de ces discours fut composé pour l'école, et le second, contre l'abus des enseignements de l'école. La contradiction n'est qu'apparente.

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