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DE LITTÉRATURE.

DE LA LITTÉRATURE EN GÉNÉRAL.

I.

Classification des divers genres de littérature en prose et en vers.

Le domaine des Lettres embrasse toute l'étendue de la pensée humaine. La Littérature exprime, par le langage, sous des formes diverses, les créations, les conceptions, les connaissances et les passions de l'âme. Toutefois la littérature proprement dite se distingue de la science et de l'érudition pure, dont elle reproduit seulement les résultats généraux. On peut dire qu'elle touche à tous les points de leur surface sans en embrasser les détails ni en atteindre les profondeurs.

Les produits de l'intelligence se divisent d'abord en deux grandes familles profondément distinctes par la forme extétérieure de l'expression; en effet, le langage se déploie librement sans être assujetti à une forme rigoureuse, ou bien il est soumis à certaines règles qui limitent le nombre ou qui déterminent la quantité des syllabes, et qui amènent le retour périodique, soit de certains accents, soit de certaines consonnances. Dans le premier cas, il s'appelle Prose; dans le second, il prend le nom de Vers.

L'emploi de la prose ou des vers n'est pas arbitraire. Les œuvres dans lesquelles l'imagination et la passion dominent appellent naturellement la versification; celles qui sont plus

Littérature.

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particulièrement le produit du savoir et du raisonnement revêtent plus volontiers la forme de la prose. Cependant cette division n'est pas rigoureuse, et d'illustres exemples prouvent que la prose peut exprimer avec succès les créations de l'imagination, et que les vers s'appliquent heureusement aux sévères conceptions de la raison.

Les vers sont l'expression habituelle de la poésie; mais la poésie subsiste indépendamment de la versification, de même que la forme du vers ne suffit pas pour donner le caractère poétique aux pensées d'un ordre différent. Nous dirons plus tard quel est le caractère propre de la poésie, et ce qui la distingue des autres manifestations de l'intelligence. Nous devons maintenant nous borner à classer les genres de littérature, soit en prose, soit en vers.

Les genres littéraires sont établis sur des rapports et des différences, soit de forme, soit de fond. Chaque classe ou genre se compose d'ouvrages de nature identique ou analogue, et elle est séparée des autres par quelque trait spécial. L'étendue de chaque genre est limitée par les dissemblances qui servent à constituer d'autres classes, et sa compréhension se compose de toutes les analogies qui rattachent un certain nombre d'ouvrages à une même famille. Au reste, les genres littéraires se touchent tous par quelques points qui attestent leur commune origine; c'est surtout de cette grande famille qu'on peut dire avec le poëte :

Facies non omnibus una,

Nec diversa tamen, qualem decet esse sororum. Ov.

:

Les principaux genres en prose sont le genre oratoire, le genre historique et le genre didactique.

Le genre oratoire se subdivise en espèces d'après la nature des sujets, ou même suivant le lieu dans lequel s'exerce l'éloquence. Ainsi l'éloquence, qui est ou d libérative, ou judiciaire, ou démonstrative, se divise encore en éloquence de la tribune, du barreau, de la chaire, et de l'académie.

Ces divisions ne sont pas parfaitement rigoureuses, parce que la matière ne comporte pas l'exactitude mathématique ; mais elles sont légitimes, parce que la différence générale du sujet modifie assez la forme pour motiver une distinction, et que l'influence du lieu et de l'auditoire sur l'auteur suffit pour marquer le discours d'un caractère particulier; locus regit actum. Au reste, nous reviendrons plus tard sur ces divisions.

Le genre historique, dans son ensemble, embrasse le récit, le tableau et l'appréciation des faits religieux, politiques, militaires, sociaux, littéraires et scientifiques dont se compose la vie de l'humanité.

L'histoire, considérée sous le rapport de l'étendue du sujet, est ou universelle, ou générale, ou particulière : universelle, si elle embrasse, soit dans toute la durée des temps, soit dans une période limitée, l'ensemble des faits dont la terre a été le théâtre ; générale, si elle comprend la vie complète et continue d'un peuple; particulière, si elle s'attache exclusivement à un certain ordre de faits, ou à une période limitée de l'existence d'une nation. L'histoire individuelle prend le nom de Biographie.

Considérée sous le point de vue de la méthode ou système de composition, l'histoire est ou narrative, ou descriptive, ou philosophique : narrative, si elle se contente du simple récit des faits; descriptive, si elle procède par tableaux; philosophique, si elle cherche la raison humaine ou providentielle de l'enchaînement des événements. Ces différentes méthodes ne sont pas exclusives; on peut les unir dans un même récit.

Lorsque l'histoire reproduit les faits dans leur ordre de succession, année par année, elle prend le nom d'Annales.

A l'histoire proprement dite il faut ajouter les Mémoires, espèces d'histoires individuelles, dans lesquelles l'écrivain raconte ses propres actions et l'impression qu'il a reçue des faits auxquels il s'est trouvé mêlé comme acteur ou comme

témoin. Les ouvrages de ce genre servent de matériaux à la véritable histoire.

Le tableau des mœurs mêlé à une action feinte, soit complétement, soit partiellement, constitue un genre de compositions qu'on appelle Roman. Si l'action domine, roman d'intrigue; si c'est la peinture des mœurs, roman de mœurs ; s'il reproduit, avec un mélange de fiction dans les faits et dans les personnages, des événements réels, on l'appelle roman historique.

Il y a certains ouvrages que la science ne réclame pas et qui ont cependant un enseignement pour objet, tels que les dissertations morales, les traités et mélanges littéraires, etc. Ces ouvrages ne peuvent être rattachés ni à l'histoire ni à l'éloquence, et forment une classe à part que nous rapporterons au genre didactique. Les Essais de Morale de Nicole et le Traité des Études de Rollin appartiennent à cette catégorie.

Le genre épistolaire admet, sous une forme familière, une grande variété de sujets. C'est moins un genre littéraire qu'une image embellie de la conversation.

Les genres en vers sont très-nombreux; ils embrassent tout le champ de la poésie les principaux sont les genres lyrique, épique et dramatique. Les genres secondaires renferment les poëmes didactiques, descriptifs, élégiaques. On compte en outre un grand nombre de petits genres, dont quelques-uns sont particuliers à certaines littératures : contentons-nous de citer pour exemples le sonnet, le rondeau, la ballade, puisque nous allons entrer, sur ce point, dans de plus grands détails, au chapitre suivant.

La classification de ces genres divers peut s'établir d'après le rôle du poëte dans la composition de son œuvre. En effet, il n'y a que trois cas possibles : ou le poëte exprime en son nom ses propres émotions, et alors la poésie est personnelle ou subjective; ou il reproduit directement toutes les circonstances de l'action, et alors la poésie est impersonnelle ou objective; ou bien il raconte avec émotion ce qu'il sait de

l'humanité ou de la nature, et, dans ce cas, la poésie est mixte. La première classe comprend toutes les variétés du genre lyrique, l'élégie, la satire, et tous les petits genres. qui expriment, soit un sentiment de l'âme, soit une saillie d'esprit, comme le sonnet, le rondeau, le madrigal, l'épigramme; la seconde admet le drame sous toutes les formes, et les poésies pastorales, qui ne sont la plupart du temps que des scènes plus ou moins animées de la vie champêtre ; la troisième enferme toutes les espèces d'épopées, les poëmes didactiques et descriptifs, l'apologue, l'épître narrative, le conte.

Cette division, malgré sa rigueur extérieure et son élastique compréhension, laisse encore en dehors bien des œuvres où le caprice du poëte fait entrer une grande variété de formes; mais il sera facile de renvoyer les différentes parties de ces compositions à la classe qui les réclame.

Plusieurs genres, au moins chez les modernes, admettent la prose ou les vers. Le Télémaque et les Martyrs, pour ne pas citer d'autres exemples, sont des épopées en prose; dans le genre dramatique, Shakspeare, chez les Anglais, a mélé la prose et les vers. En France, La Serre, au XVIIe siècle, et Lamotte, au XVIII, ont essayé sans succès la tragédie en prose. Les tragédies populaires, qu'on appelle chez nous drames ou mélodrames, mettent en scène des personnages trop vulgaires et des incidents trop rapprochés de la vie commune pour être écrites en vers. La comédie en prose a pour elle l'autorité du succès et de l'usage qui fait loi. Le mélange de la prose et des vers se rencontre souvent dans des ouvrages qui se rapportent aux genres satirique, didactique et épistolaire. Ce mélange, dont l'exemple donné chez les Romains par Varron (satires) a été suivi par Pétrone, Boëce, etc., n'est pas un des moindres ornements de quelques. ouvrages célèbres dans notre littérature, parmi lesquels on distingue surtout la Satire Menippée, le Voyage de Chapelle et Bachaumont, le Temple du Goût, par Voltaire.

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