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Page 81, ligne 5: Un grand nombre d'ouvrages.

D'Olivet a donné une liste des ouvrages de l'abbé Cotin, qui paraît complète; cependant il donne à ses Poésies chrétiennes la date de 1657, et j'ai un volume intitulé Poésies chrétiennes de l'ABBÉ COTIN, à Paris, chez Pierre le Petit, M DC LXVIII. Le privilége porte : «< Achevé d'imprimer, pour la première fois, le 15 mars 1668. » Ce volume commence par un poëme intitulé la Madeleine au sépulchre de Jésus-Christ, et il se termine par des Vers au roi sur son retour de la Franche-Comté, qui sont nécessairement postérieurs à 1657. — D'Olivet, ni l'auteur de l'article Cotin dans la Biographie universelle, n'ont point connu ce volume.

Page 82, ligne 2: Humilier son sot et insolent.orgueil.

Pour donner une idée de la fatuité de Cotin, il suffira de citer un passage de ses Œuvres galantes, t. I, p. 14:

« Mon chiffre, c'est deux CC entrelacés, qui, retournés et joints ensemble, feraient un cercle. Je m'appelle Charles, comme vous savez; et parce que mes énigmes ont été traduits' en italien et en espagnol, et que mon Cantique des cantiques a été envoyé par toute la terre, à ce qu'a dit un deviseur du temps, ou, si vous voulez, un faiseur de devises, il m'a bien voulu, de sa grâce, appliquer ce mot des deux chiffres d'un grand prince et d'une grande princesse, Charles, duc de Savoie, et Catherine d'Autriche:

Juncta orbem implent.

Cela veut dire un peu mystiquement que mes oeuvres rempliront le rond de la terre, quand elles seront toutes reliées ensemble. » Nous pourrions transcrire beaucoup d'autres passages de ce genre qui justifient ce que Molière a dit de lui :

Je vis, dans le fatras des écrits qu'il nous donne,
Ce qu'étale en tous lieux sa pédante personne,
La constante hauteur de sa présomption,
Cette intrépidité de bonne opinion,

Cet indolent état de confiance extrême,

I Cotin fait le mot énigme masculin, et on était partagé alors sur le genre de ce mot; on le faisait assez indifféremment masculin ou féminin. (Voyez RICHELET, Dictionnaire, 1680, t. I, p. 286, au mot Enigme.)

Qui le rend en tout temps si content de soi-même,
Qui fait qu'à son mérite incessamment il rit,

Qu'il se sait si bon gré de tout ce qu'il écrit,

Et qu'il ne voudrait pas changer sa renommée
Contre tous les honneurs d'un général d'armée.

(Les Femmes savantes, act. 1, sc. 3, t. VI, p. 111 et 112,
édit. de 1676.)

Que dire de M. Roederer, qui, dans son Mémoire pour servir à l'histoire de la société polie, p. 314, prétend que Molière n'a pas eu en vue Cotin dans le rôle de Trissotin, parce que Trissotin est un homme marié et non un prêtre, et parce que Boscheron, l'auteur de l'insipide recueil intitulé le Carpenteriana, a rapporté une anecdote évidemment fausse sur les Femmes savantes, qu'à tort a copiée l'exact auteur de la vie de Molière? M. Ræderer croit que cette application de Trissotin à Cotin est une supposition gratuite des commentateurs de Molière. M. Ræderer ignore donc que le sonnet et le madrigal ridiculisés dans les Femmes savantes se trouvent textuellement dans les Euvres de Cotin; que Visé, en rendant compte dans le Mercure galant (t. I, lettre du 12 mars 1672) de la première représentation des Femmes savantes, nous apprend que Molière lui-même, pour prévenir les suites que pouvait avoir l'outrage qu'il allait se permettre contre un homme de lettres, un prêtre ridicule mais estimé, crut devoir faire au public, avant la représentation de sa pièce, une déclaration pour désavouer l'intention d'aucune application qu'on pourrait en faire? Visé prétend que l'idée de cette application du personnage de Trissotin à Cotin est due à une querelle que Molière avait eue avec ce dernier, huit ans avant la représentation des Femmes savantes; il termine en faisant l'éloge de Cotin, et en disant qu'un homme de son mérite ne doit pas se mettre en peine d'une telle application. Enfin M. Roederer oublie l'épigramme qui fut composée sur Trissotin et Cotin en 1682, et ce qu'ont dit et écrit sur ce sujet Boileau, Brossette son commentateur, le père Niceron, d'Olivet, Bayle, Baillet, et tous ceux qui ont le mieux connu l'histoire de ces temps. Contre l'usage, un silence absolu sur Cotin paraît avoir été gardé par l'abbé Dangeau lorsqu'il lui succéda à l'Académie française, et aussi par le directeur de l'Académie, chargé de répondre au récipiendaire. Cotin mourut en janvier 1682; et l'obscurité où il vécut dans ses dernières années fut telle, que des hommes comme Richelet et Baillet ont

ignoré l'époque de sa mort, et ont commis des erreurs qui ont été reproduites dans plusieurs ouvrages.

Page 84, ligne 18: Julie d'Angennes, duchesse de Montausier, mourut trois mois avant la première représentation des Femmes savantes.

La duchesse de Montausier n'était pas non plus à la première représentation des Précieuses ridicules, qui eut lieu le 18 novembre 1659; car alors elle se trouvait à Angoulême, soignant sa fille malade de la petite vérole. (Mémoires sur la vie de M. le duc de Montausier, t. I, p. 142.)

Ceci n'infirme en rien, mais plutôt confirme ce qu'on fait dire à Ménage dans le Ménagiana, t. II, p. 65, que mademoiselle de Rambouillet, madame de Grignan, et tout l'hôtel de Rambouillet, étaient à cette première représentation des Précieuses ridicules. « Nous remarquons, dit un auteur, de singulières bévues sur les personnages accessoires, qui ôtent toute autorité à ce récit. A cette époque, mademoiselle de Rambouillet était, depuis quatorze ans, madame de Montausier, et elle n'avait pas manqué de se rendre à Angoulême avec son mari. Madame de Grignan avait suivi le sien en Provence. »> Ces lignes, écrites par un historien sérieux et de beaucoup de mérite, sont vraiment singulières. Les paroles prêtées à Ménage ou dites par lui (peu importe) prouvent qu'il n'y avait que deux des filles de madame de Rambouillet à la représentation des Précieuses ridicules. Celle qui était mariée (madame de Grignan) ne pouvait avoir été rejoindre son mari en Provence, puisqu'il n'y était pas, et qu'il n'avait rien à y faire; mademoiselle de Rambouillet n'était pas non plus avec son mari, puisqu'elle n'en avait pas, et qu'elle était mademoiselle de Rambouillet et non madame de Montausier. Le même auteur dit qu'il est las de lire cette anecdote, tant elle lui paraît suspecte. Nous croyons pouvoir assurer que cette anecdote, en ce qui concerne la présence des personnes désignées, quand elle aurait été avancée sans autorité, n'en est pas moins véritable. En effet, elle n'est pas seulement vraisemblable, mais il nous paraît impossible qu'elle ne soit pas vraie. Qu'on se reporte à cette époque où, dans la haute société, il n'existait pas un seul mari, un seul père, qui ne fût flatté d'entendre mettre sa femme ou sa fille au rang des précieuses, au rang des femmes qui fréquentaient l'hôtel de Rambouillet; qu'on juge

de l'effet que dut produire sur un tel public cette simple annonce des comédiens: Première représentation des Précieuses ridicules! Pas une seule des personnes qui étaient admises chez madame de Rambouillet, si elle n'était empêchée, ne dut manquer à cette représentation.

Page 89, ligne 7: Et que madame de Montespan jeûnait austèrement tous les carêmes.

Ce ne fut point cette année (1671), comme le prétend M. Roederer dans son Histoire de la société polie, p. 299, ch. xxvii, que, par des scrupules de religion, Louis XIV fut sur le point de se séparer de madame de Montespan, mais à la fin de l'année 1675. M. Roederer a été trompé par la mauvaise édition qu'a donnée la Beaumelle des Lettres de madame de Maintenon, t. II, p. 100, lettre 2o à madame de Saint-Géran. Les dernières lignes n'appartiennent pas à cette lettre, qui est bien donnée, d'après l'autographe, par Sautereau de Marcy dans son édition des Lettres de Maintenon, t. II, p. 110. Dans cette édition, le passage sur lequel s'appuie M. Ræderer et les lignes qui suivent ne s'y trouvent pas. L'Histoire de Bossuet par le cardinal de Bausset (liv. V, VIII, t. II, p. 44, 4o édit., 1824, in-12), et les lettres de Bossuet (20 juillet 1675, t. XXXVII des Œuvres), ne laissent aucun doute sur l'époque et les circonstances de cette tentative infructueuse pour engager le roi à répudier sa maîtresse.

Page 90, ligne 5: La place d'honneur était réservée à la Vallière.

Les Mémoires de Maucroix, que je cite en note, ont été publiés par la Société des bibliophiles de Reims, et tirés à un très-petit nombre d'exemplaires. De Maucroix fut député par le chapitre de Reims pour complimenter le Tellier, qui, de coadjuteur, avait été nommé archevêque. De Maucroix se rendit pour cet objet, en août 1671, avec trois autres chanoines ses collègues, à Fontainebleau, où la cour était alors; et voici comme il raconte ce qu'il vit, en attendant qu'il pût être reçu par l'archevêque :

<< M. Barrois et moi ayant vu les carrosses de S. M. qui étaient dans la cour de l'Ovale, nous attendîmes près d'une heure; et enfin nous vimes le roi monter en calèche, madame la Vallière placée la première, le roi après, et ensuite madame de Montespan, tous trois sur un même siége, car la calèche était fort large. Le roi était fort bien

vêtu, d'une étoffe brune avec beaucoup de passements d'or; son chapeau en était bordé. Il avait le visage assez rouge. La Vallière me parut fort jolie, et avec plus d'embonpoint qu'on ne me l'avait figurée. Je trouvai madame de Montespan fort belle; surtout elle avait le teint admirable. Tout disparut en un moment. Le roi, étant assis, dit au cocher: Marche! Ils allaient à la chasse du sanglier. » Mémoires de M. FR. DE MAUCROIX, ch. xx, 2e fascicule, p. 33.

CHAPITRE IV.

Page 107, lignes 5 et 9: Madame de Brancas avait été une des femmes les plus compromises... On crut que la beauté de mademoiselle de

Brancas...

La femme du comte de Brancas se nommait Suzanne Garnier. Au volume III, p. 217, du recueil de chansons historiques, mss. de la Bibliothèque nationale, un des couplets porte :

Brancas vend sa fille au roy,

Et sa femme au gros Louvoy.

Ménage disait que l'on ne pouvait faire l'histoire de son temps sans un recueil de vaudevilles ; mais dans ces recueils, si pleins d'impureté, toujours les faits vrais et scandaleux sont exagérés, et ils en renferment un grand nombre évidemment calomnieux. Il est cependant remarquable qu'on ne trouve pas un seul couplet qui inculpe madame de Sévigné, et ils en renferment plusieurs qui font son éloge. Quant à Suzanne Garnier, comtesse de Brancas, ces recueils en font presque une autre comtesse d'Olonne, et il y est dit (t. III, p. 195, année 1668):

Brancas, depuis vingt ans,

A fait plus de cent amants.

Dans le nombre de ces amants, l'annotateur cite d'Elbœuf, Beaufort, d'Albret, Lauzun, Bourdeilles, comte de Matha, Monnerot partisan, Fouquet.

Page 112, ligne 18: On sut d'autant plus gré à mademoiselle de Lenclos d'en prendre la peine.

En 1672, on fit sur Ninon un couplet qui ne peut être cité en entier, car les muses des chansonniers de cette époque étaient presque tou

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