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des Dames tenant cour d'Amour à Pierrefeu et à Signe. La voici: Qui aime plus sa Dame absente que présente, et qui induit plus fort à aimer, ou les yeux, ou le coeur?

L'amante de Pétrarque, la belle Laure, fut de la seconde Cour d'Amour, qui s'assemblait, au 14. siècle, dans le Comtat à Sorgues ou à l'Isle.

A la faveur de ces jeux d'esprit, l'humanité se fit jour en des coeurs encore barbares; elle devint bientôt l'apanage des Français, et cette révolution dans les moeurs fut en partie l'ouvrage de l'Amour.

Les femmes n'eurent pas seulement des Cours d'Amour, elles devinrent aussi magistrats, en possédant des seigneuries, et exercèrent la jurisdiction des fiefs dans toute son étendue: elles tinrent leurs Assises ou leurs Plaids, y présidèrent, et jugêrent dans la Cour de leurs suzerains.

Les Troubadours finirent au 14. siècle, et le génie poétique baissa beaucoup en France. Pour le ranimer, Clémence Isaure fonda les prix des Jeux floraux. Cette jeune et savante bienfaitrice de sa patrie, dit Lefranc de Pompignan,

.. Annonce les jours célèbres,
Qui sous François et sous Louis',
Après des siècles de ténèbres,
Frapperont nos yeux éblouis.

Ses jeux entr'ouvrent la barrière

Aux arts plongés dans le sommeil.

Il y aurait de l'injustice à passer sous silence deux reines du treizième siècle, dont les noms sont chers aux lettres. L'une est Marie de Brabant, qui combla de bienfaits les favoris des Muses, et qui même aida un fameux poëte de son tems, nommé Ly Roix Adenez, à mettre en bon ordre le roman de Cléomadez. L'autre est Jeanne de Navarre, protectrice des savans, qui fonda, avec une magnificence vraiment royale, le collége qui porta son nom.

Les événemens mémorables qui se passèrent sous Charles VII, sont des titres glorieux de l'influence des femmes. Jeanne d'Arc releva le courage abattu des Français, et ramena la victoire sous leurs drapeaux. Marie d'Anjou, épouse de Charles, et même Agnès Sorel, son amante, contribuèrent beaucoup par la sagesse de leurs conseils au rétablissement des affaires de ce prince, qui ne fut guère que le témoin des merveilles de son règne. Agnès Sorel imprima une galanterie décente à son siècle. Anne de Bretagne, épouse de Charles VIII et ensuite de Louis XII, eut le mérite encore plus grand de rendre la sagesse et la modestie si

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estimables, que les femmes du plus haut rang n'osaient paraître à la cour sans ces deux qualités. Les savans eurent part aux libéralités d'Anne de Bretagne; Jean Marot prenait le titre de poëte de la magnifique reine.

Le seizième siècle fut une époque très-brillante de l'influence des femmes. Louise de Savoie, mère et institutrice de François I.er avait protégé les gens de lettres; leur reconnaissance couvrit de fleurs son tombeau. La gloire de protectrice des littérateurs et des savans fut héréditaire dans cette famille se rappellera toujours avec une vénération religieuse les noms de Marguerite de Valois, de Jeanne d'Albret sa fille, et de Marguerite de France. A l'exemple de ces Princesses, les Dames Desroches de Poitiers firent de leur maison le sanctuaire des Muses.

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Anne de Bretagne avait commencé à attirer des femmes à la cour; mais ce ne fut que sous François I.er qu'elles y parurent avec éclat. Clément Marot puisa dans leur conversation cette naïveté dans les pensées, ce naturel dans l'expression, cette vivacité dans les tours, en un mot cet élégant badinage qui fait le charme de ses poésies:

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Le règne de Henri II fut celui de Diane de

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Poitiers elle protégea les lettres. Je trouve parmi les enfans de ce prince Diane d'Angoulême, qui, après la mort du duc de Guise, négocia le traité d'union entre Henri III et Henri IV. Vous ne voulez pas que je vous entretienne de l'épouse de Henri II, de cette femme d'un génie vaste et d'un caractère atroce, qui, sous le règne du second de ses fils, effraya par ses fureurs l'Amour et les Muses. Songez plutôt à l'heureuse influence des régences mémorables de la mère de Louis IX et de celle de François I.er. Vous donnerez quelques larmes à la sanglante catastrophe qui termina les jours infortunés de Marie Stuard, cette jeune et belle reine, pleine d'esprit et de grâces, qui fit des adieux si touchans à la France, où elle avait été élevée. La calomnie s'est attachée à sa mémoire; et, pour enlever à cette princesse jusqu'aux regrets de la postérité sur sa fin tragique, elle a peint des couleurs les plus affreuses toutes les actions de sa vie. Marie Stuard n'avait pas encore épousé Francois II, lorsqu'elle prononça, avec l'applaudissement de toute la cour de France, un discours latin, où elle prouvait qu'il est bienséant aux femmes d'étudier et d'être savantes. Elle en fut elle-même la preuve, et les lettres

adoucirent les horreurs de sa longue détention. Le mérite poétique de Ronsard pénétra jusque dans la prison de cette reine; et, en 1583, elle lui envoya un buffet fort riche, représentant le mont Parnasse, au haut duquel était un Pégase, avec cette inscription:

A Ronsard, l'Apollon de la source des Muses.

C'est ici le lieu de vous parler de la duchesse de Retz. Cette femme, d'une érudition étonnante, fit la fortune de son époux, sous les règnes de Charles IX, de Henri III et de Henri IV. Elle était la seule personne à la cour de Charles IX, qui possédât toutes les langues vivantes de l'Europe. Aussi ce prince la consultait sur toutes les affaires politiques où l'intelligence de ces langues était nécessaire. Elle répondit en latin aux ambassadeurs qui vinrent annoncer au roi l'élection du duc d'Anjou à la couronne de Pologne. Mère de dix enfans, elle consacrait une partie de la journée à leur éducation. La nuit la trouvait souvent occupée à cultiver les sciences et les lettres. Son fils, le marquis de Belle-Isle, après la mort de Henri III, se laissa gagner par les Ligueurs, et résolut de s'emparer du bien paternel. La duchesse assembla des soldats, se mit à leur tête, effraya

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