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Je hais tant la calomnie que je ne veux pas même qu'on impute des fottifes aux Turcs, quoique je les détefte comme tyrans des femmes & ennemis des arts.

Je ne fais pourquoi l'hiftorien du bas empire prétend (a) que Mahomet parle dans fon Koran de fon voyage dans le ciel Mahomet n'en dit pas un mot; nous l'avons prouvé.

:

Il faut combattre fans ceffe. Quand on a détruit une erreur, il se trouve toujours quelqu'un qui la reffufcite. (*)

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QUE je fuis malheureux d'être né! disait Ardassan

Ougli, jeune icoglan du grand padisha des Turcs. Encore fi je ne dépendais que du grand padisha: mais je fuis foumis au chef de mon oda, au capigi bachi; & quand je veux recevoir ma paye, il faut que je me profterne devant un commis du tefterdar, qui m'en retranche la moitié. Je n'avais pas fept ans que l'on me coupa, malgré moi, en cérémonie, le bout de mon prépuce; & j'en fus malade quinze jours. Le derviche qui nous fait la prière eft mon maître; un iman est encore plus mon maître ; le molla l'eft encore plus que l'iman. Le cadi est un autre maître; le cadilefquier l'est davantage; (a) XII vol. page 209.

(*) Voyez Arot & Marot, & Alcoran.

le muphti l'eft beaucoup plus que tous ceux-là enfemble. Le kiaïa du grand-vifir peut d'un mot me faire jeter dans le canal ; & le grand-vifir enfin peut me faire ferrer le col à fon plaifir, & empailler la peau de ma tête, fans que perfonne y prenne feulement garde.

Que de maîtres, grand DIEU! quand j'aurais autant de corps & autant d'ames que j'ai de devoirs à remplir, je n'y pourrais pas fuffire. O Allah! que ne m'as-tu fait chat-huant! je vivrais libre dans mon trou, & je mangerais des fouris à mon aife fans maître & fans valets. C'eft affurément la vraie destinée de l'homme; il n'a des maîtres que depuis qu'il eft perverti. Nul homme n'était fait pour fervir continuellement un autre homme. Chacun aurait charitablement aidé fon prochain, fi les chofes étaient dans l'ordre. Le clair-voyant aurait conduit l'aveugle; le difpos aurait fervi de béquilles au cul-de-jatte. Ce monde aurait été le paradis de Mahomet; & il est l'enfer, qui fe trouve précisément sous le pont-aigu.

Ainfi parlait Ardassan Ougli, après avoir reçu les étrivières de la part d'un de ses maîtres.

Ardaffan Ougli, au bout de quelques années, devint bacha à trois queues. Il fit une fortune prodigieuse; & il crut fermement que tous les hommes, excepté le grand-turc & le grand-vifir, étaient nés pour le fervir, & toutes les femmes pour lui donner du plaifir felon fes volontés.

SECTION I I.

COMMENT

OMMENT un homme a-t-il pu devenir le maître d'un autre homme, & par quelle espèce de magie incompréhenfible a-t-il pu devenir le maître de plufieurs autres hommes? On a écrit fur ce phénomène un grand nombre de bons volumes; mais je donne la préférence à une fable indienne parce qu'elle eft courte, & que les fables ont tout dit.

Adimo, le père de tous les Indiens, eut deux fils & deux filles de fa femme Procriti. L'aîné était un géant vigoureux, le cadet était un petit boffu, les deux filles étaient jolies. Dès que le géant fentit fa force, il coucha avec fes deux fœurs, & fe fit fervir par le petit boffu. De fes deux fœurs l'une fut fa cuisinière, l'autre sa jardinière. Quand le géant voulait dormir il commençait par enchaîner à un arbre fon petit frère le boffu; & lorfque celui-ci s'enfuyait, il le rattrapait en quatre enjambées, & lui donnait vingt coups de nerf de bœuf.

Le boffu devint foumis & le meilleur fujet du monde. Le géant fatisfait de le voir remplir fes devoirs de fujet, lui permit de coucher avec une de fes fœurs dont il était dégoûté. Les enfans qui vinrent de ce mariage ne furent pas tout-à-fait boffus; mais ils eurent la taille affez contrefaite. Ils furent élevés dans la crainte de DIEU & du géant. Ils reçurent une excellente éducation; on leur apprit que leur grandoncle était géant de droit divin, qu'il pouvait faire de toute fa famille ce qui lui plaifait; que s'il avait

quelque jolie nièce, ou arrière-nièce, c'était pour lui feul fans difficulté, & que personne ne pouvait coucher avec elle que quand il n'en voudrait plus.

Le géant étant mort, fon fils, qui n'était pas à beaucoup près fi fort ni fi grand que lui, crut cependant être géant comme fon père de droit divin. Il prétendit faire travailler pour lui tous les hommes, & coucher avec toutes les filles. La famille fe ligua contre lui, il fut affommé, & on fe mit en république.

Les Siamois au contraire prétendaient que la famille avait commencé par être républicaine, & que le géant n'était venu qu'après un grand nombre d'années & de diffentions; mais tous les auteurs de Bénarès & de Siam conviennent que les hommes vécurent une infinité de fiècles avant d'avoir l'efprit de faire des lois ; & ils le prouvent par une raison fans réplique, c'eft qu'aujourd'hui même où tout le monde fe pique d'avoir de l'efprit, on n'a pas trouvé encore le moyen de faire une vingtaine de lois paffablement bonnes.

C'est encore, par exemple, une question infoluble dans l'Inde, fi les républiques ont été établies avant ou après les monarchies, fi la confusion a dû paraître aux hommes plus horrible que le defpotifme. J'ignore ce qui eft arrivé dans l'ordre des temps; mais dans celui de la nature il faut convenir que les hommes naiffant tous égaux, la violence & l'habileté ont fait les premiers maîtres; les lois ont fait les derniers.

MALADIE.

MEDECINE.

JE fuppofe qu'une belle princesse qui n'aura jamais

entendu parler d'anatomie, foit malade pour avoir trop mangé, trop danfé, trop veillé, trop fait tout ce que font plufieurs princeffes; je suppose que fon médecin lui dife: Madame, pour que vous vous portiez bien il faut que votre cerveau & votre cervelet distribuent une moëlle alongée, bien conditionnée, dans l'épine de votre dos jufqu'au bout du croupion de votre alteffe, & que cette moëlle alongée aille animer également quinze paires de nerfs à droite, & quinze paires à gauche. Il faut que votre cœur fe contracte & fe dilate avec une force toujours égale, & que tout votre fang, qu'il envoie à coups de piston dans vos artères, circule dans toutes ces artères & dans toutes les veines environ fix cents fois par jour.

Ce fang, en circulant avec cette rapidité que n'a point le fleuve du Rhône, doit déposer sur son passage de quoi former & abreuver continuellement la lymphe, les urines, la bile, la liqueur fpermatique de votre alteffe, de quoi fournir à toutes fes fecrétions, de quoi arrofer infenfiblement votre peau douce, blanche & fraîche, qui fans cela ferait d'un jaune grifâtre, fèche & ridée comme un vieux parchemin.

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Hé bien, Monfieur, le roi vous paye pour me faire tout cela; ne manquez pas de mettre toute chose à leur place, & de me faire circuler mes liqueurs de

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