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L'autre raifon qui liait Louis XII avec Alexandre VI, c'était ce droit funefte qu'on voulait faire valoir fur les Etats d'Italie. Louis XII revendiquait le duché de Milan, parce qu'il comptait parmi fes grand'mères une fœur d'un Visconti, lequel avait eu cette principauté. On lui oppofait la prescription de l'inveftiture que l'empereur Maximilien avait donnée à Louis le Maure, dont même cet empereur avait époufé la nièce.

Duché de Milan, caufe

Le droit public féodal toujours incertain ne pouvait être interprété que par la loi du plus fort. Ce des malheurs duché de Milan, cet ancien royaume des Lombards, de la France. était un fief de l'empire. On n'avait point décidé fi ce fief était mâle ou femelle, fi les filles devaient en hériter. L'aïeule de Louis XII, fille d'un Visconti, duc de Milan, n'avait eu par fon contrat de mariage que le comté d'Aft. Ce contrat de mariage fut la fource des malheurs de l'Italie, des disgraces de Louis XII & des malheurs de François I. Prefque tous les Etats d'Italie ont flotté ainfi dans l'incertitude, ne pouvant ni être libres, ni décider à quel maître ils devaient. appartenir.

Les droits de Louis XII fur Naples étaient les mêmes que ceux de Charles VIII.

à Louis XII

d'un divorce.

Le bâtard du pape, Céfar de Borgia, fut chargé Bâtard du d'apporter en France la bulle du divorce, & de pape apporte négocier avec le roi fur tous ces projets de con- permiffion quête. Borgia ne partit de Rome qu'après être affuré du duché de Valentinois, d'une compagnie de cent hommes d'armes & d'une penfion de vingt mille livres que lui donnait Louis XII, avec promeffe de faire époufer à cet archevêque la fœur du roi de Navarre.

Cefar Borgia, tout diacre & archevêque qu'il était, paffa donc à l'état féculier, & fon père le pape donna en même temps difpenfe à fon fils & au roi de France, à l'un pour quitter l'Eglife, à l'autre pour quitter fa femme. On fut bientôt d'accord. Louis XII prépara une nouvelle defcente en Italie.

Il avait pour lui les Vénitiens, qui devaient partager une partie des dépouilles du Milanais. Ils avaient déjà pris le Breffan & le pays de Bergame ils voulaient au moins le Crémonois, fur lequel ils n'avaient pas plus de droit que fur Conftantinople.

L'empereur Maximilien, qui eût dû défendre le duc de Milan, oncle de fa femme, & fon vaffal contre la France fon ennemie naturelle, n'était alors en état de défendre perfonne. Il fe foutenait à peine contre les Suiffes, qui achevaient d'ôter à la maison d'Autriche ce qui lui reftait dans leur pays. Maximilien joua donc en cette conjoncture le rôle forcé de l'indifférence.

Louis XII termina tranquillement quelques difcuffions avec le fils de cet empereur, Philippe le beau, père de Charles-Quint, maître des Pays-Bas ; & ce Philippe le beau rendit hommage en personne à la France pour les comtés de Flandre & d'Artois. Le chancelier Gui de Rochefort reçut dans Arras cet hommage. Il était affis & couvert, tenant entre fes mains les mains jointes du prince, qui découvert, fans armes & fans ceinture, prononça ces mots : Je fais hommage à monfieur le roi pour mes pairies de Flandre & : d'Artois, &c.

introduit la vénalité des

Louis XII ayant d'ailleurs renouvelé les traités Louis XII de Charles VIII avec l'Angleterre, affuré de tous côtés, du moins pour un temps, fait paffer les Alpes emplois. à fon armée. Il eft à remarquer qu'en entreprenant cette guerre, loin d'augmenter les impôts, il les diminua, & que cette indulgence commença à lui faire donner le nom de père du peuple. Mais il vendit plufieurs offices qu'on nomme royaux, & furtout ceux des finances. (1) N'eût-il pas mieux valu établir des impôts également répartis que d'introduire la vénalité honteufe des charges dans un pays dont il voulait être le père? Cet ufage de mettre des emplois à l'encan venait d'Italie : on a vendu long-temps à Rome les places de la chambre apoftolique, & ce n'eft que de nos jours que les papes ont aboli cette coutume.

L'armée que Louis XII envoya au-delà des Alpes n'était guère plus forte que celle avec laquelle Charles VIII avait conquis Naples. Mais ce qui doit paraître étrange, c'eft que Louis le Maure, fimple duc de Milan, de Parme & de Plaisance, & feigneur de Gènes, avait une armée tout auffi confidérable que le roi de France.

On vit encore ce que pouvait la furia Francefe 1499contre la fagacité italienne. L'armée du roi s'empara en vingt jours de l'Etat de Milan & de celui de

(1) On ne vit alors dans la vente de ces offices qu'un moyen d'avoir de l'argent : il en fut de même lorfque François I vendit les charges de judicature, lorfqu'Henri III vendit les maîtrifes dans les arts & métiers. Mais dans la fuite on s'eft avifé de faire l'apologie de ces ufages honteux ou tyranniques, de les regarder comme de belles inftitutions politiques, liées avec l'efprit de la nation & avec la conftitution de

l'Etat.

Il entre dans Milan.

1500.

trahi,

de l'être.

Gènes, tandis que

Crémonois.

les Vénitiens occupèrent le

Louis XII, après avoir pris ces belles provinces par fes généraux, fit fon entrée dans Milan; il y reçut les députés de tous les Etats d'Italie en homme qui était leur arbitre. Mais à peine fut-il retourné à Lyon que la négligence, qui fuit prefque toujours la fougue, fit perdre aux Français le Milanais, comme ils avaient perdu Naples. Louis le Maure, dans cet établiffement paffager, payait un ducat d'or pour chaque tête de Français qu'on lui portait. Alors Louis XII fit un nouvel effort. Louis de la Trimouille va réparer les fautes qu'on avait faites. On rentre dans le Milanais. Les Suiffes qui depuis Charles VIII fefaient ufage de leur liberté pour se vendre à qui les payait, étaient à la fois en grand nombre dans l'armée française, & dans la milanaife. Il eft remarquable que les ducs de Milan furent les premiers princes qui prirent des Suiffes à leur folde. Marie Sforze avait donné cet exemple aux fouverains,

Louis le Quelques capitaines de cette nation, fi reffemblante maurera, jufqu'alors aux anciens Lacédémoniens, par la liberté, l'égalité, la pauvreté & le courage, flétrirent fa gloire 1500. par l'amour de l'argent. Ils gardaient dans Novare le duc de Milan, qui leur avait confié fa perfonne préférablement aux Italiens. Mais loin de mériter cette confiance, ils compofèrent avec les Français. Tout ce que Louis le Maure put en obtenir, ce fut de fortir avec eux habillé à la fuiffe, & une hallebarde à la main. Il parut ainfi à travers les haies des foldats français: mais ceux qui l'avaient vendu le firent bientôt reconnaître. Il eft pris, conduit à

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Pierre-en-Scife, de-là dans la même tour de Bourges où Louis XII lui-même avait été en prifon; enfin transféré à Loches, où il vécut encore dix années, non dans une cage de fer, comme on le croit communément, mais fervi avec diftinction, & fe promenant les dernières années à cinq lieues du château.

Louis XII, maître du Milanais & de Gènes, veut encore avoir Naples ; mais il devait craindre ce même Ferdinand le catholique qui en avait déjà chaffé les Français.

Injuftices

horribles &

communes.

Ainfi qu'il s'était uni avec les Vénitiens pour conquérir le Milanais dont ils partagèrent les dépouilles, il s'unit avec Ferdinand pour conquérir Naples. Le roi catholique alors aima mieux dépouiller fa maifon que la fecourir. Il partagea par un traité avec la France ce royaume où régnait Frederic, le dernier roi de la branche bâtarde d'Arragon. Le roi catholique retient pour lui la Pouille & la Calabre: le refte eft deftiné pour la France. Le pape Alexandre VI, allié de Louis XII, entre dans cette conjuration contre un monarque innocent fon feudataire, & donne aux deux rois l'inveftiture qu'il avait donnée au roi de Naples. Le roi catholique envoie ce même général Gonfalve de Cordoue à Naples, fous prétexte de défendre parent, & en effet pour l'accabler. Les Français arrivent par mer & par terre. Il faut avouer que dans cette conquête de Naples il n'y eut qu'injuftice, perfidie & baffeffe; mais l'Italie ne fut pas gouvernée autrement pendant plus de fix cents années. Les Napolitains n'étaient point dans l'habitude 150 L de combattre leurs rois. L'infortuné monarque

fon

pour

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