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LE LION S'EN ALLANT EN GUERRE.

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Le lion dans sa tête avoit une entreprise.
Il tint conseil de guerre, envoya ses prévôts;
Fit avertir les animaux.

Tous furent du dessein, chacun selon sa guise :
L'éléphant devoit sur son dos
Porter l'attirail nécessaire,

Et combattre à son ordinaire ;
L'ours s'apprêter pour les assauts;

Le renard, ménager de secrètes pratiques;
Et le singe, amuser l'ennemi par ses tours.
Renvoyez, dit quelqu'un, les ânes, qui sont lourds,
Et les lièvres, sujets à des terreurs paniques.
Point du tout, dit le roi; je les veux employer:
Notre troupe, sans eux, ne seroit pas complète.
L'âne effraiera les gens, nous servant de trompette;
Et le lièvre pourra nous servir de courrier.

Le monarque prudent et sage,

De ses moindres sujets sait tirer quelque usage,
Et connoît les divers talents.

Il n'est rien d'inutile aux personnes de sens.

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L'OURS ET LES DEUX COMPAGNONS.

Deux compagnons, pressés d'argent,
A leur voisin fourreur vendirent

La

peau d'un ours encor vivant,

Mais qu'ils tueroient bientôt, du moins à ce qu'ils dirent.
C'étoit le roi des ours au compte de ces gens.

Le marchand à sa peau devoit faire fortune;
Elle garantiroit des froids les plus cuisants;
On en pourroit fourrer plutôt deux robes qu'une.
Dindenaut* prisoit moins ses moutons qu'eux leur ours:
Leur, à leur compte, et non à celui de la bête.
S'offrant de la livrer au plus tard dans deux jours,
Ils conviennent de prix, et se mettent en quête,
Trouvent l'ours qui s'avance et vient vers eux au trot.
Voilà mes gens frappés comme d'un coup de foudre.
Le marché ne tint pas; il fallut le résoudre :
D'intérêts contre l'ours, on n'en dit pas un mot.
L'un des deux compagnons grimpe au faîte d'un arbre,
L'autre, plus froid que n'est un marbre,
Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent,
Ayant quelque part ouï dire

Que l'ours s'acharne peu souvent

Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire. Seigneur ours, comme un sot, donna dans ce panneau : Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie;

Marchand de moutons, dans Rabelais, Pantagruel, liv. IV, chap. vi.

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