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LE SATYRE ET LE PASSANT.

Au fond d'un antre sauvage
Un satyre et ses enfants
Alloient manger leur potage,
Et prendre l'écuelle aux dents.

On les eût vus sur la mousse,
Lui, sa femme, et maint petit:
Ils n'avoient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appétit

Pour se sauver de la pluie,
Entre un passant morfondu.
Au brouet on le convie :
Il n'étoit pas attendu.

Son hôte n'eut pas la peine
De le semondre deux fois.
D'abord avec son haleine
Il se réchauffe les doigts,

Puis sur le mets qu'on lui donne, Délicat il souffle aussi.

Le satyre s'en étonne :

Notre hôte, à quoi bon ceci?

L'un refroidit mon potage;

L'autre réchauffe ma main.
Vous pouvez, dit le sauvage,
Reprendre votre chemin.

Ne plaise aux dieux que je couche

Avec vous sous même toit!

Arrière ceux dont la bouche

Souffle le chaud et le froid.

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LE CHEVAL ET LE LOUP.

Un certain loup, dans la saison
Que les tièdes zéphyrs ont l'herbe rajeunie,
Et que les animaux quittent tous la maison
Pour s'en aller chercher leur vie ;

Un loup, dis-je, au sortir des rigueurs de l'hiver,
Aperçut un cheval qu'on avoit mis au vert.
Je laisse à penser quelle joie.

Bonne chasse, dit-il, qui l'auroit à son croc!"
Eh! que n'es-tu mouton! car tu me serois hoc *;
Au lieu qu'il faut ruser pour avoir cette proie.
Rusons donc. Ainsi dit, il vient à pas comptés;
Se dit écolier d'Hippocrate;

Qu'il connoît les vertus et les propriétés
De tous les simples de ces prés;

Qu'il sait guérir, sans qu'il se flatte,

Toutes sortes de maux. Si dom coursier vouloit

Ne point celer sa maladie,

Lui loup, gratis, le guériroit;
Car le voir en cette prairie

Paître ainsi, sans être lié,

Témoignoit quelque mal, selon la médecine.

J'ai, dit la bête chevaline,

Un apostume sous le pied.

*Tu me serais assuré. Cette expression vient du jeu de cartes appelé hoc.

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