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Etes-vous fa maitreffe, ou bien fa confidente?

AGNÈS.

Hélas! je fuis, Madame, une pauvre innocente,
Qui ne fais pas encore à quoi fert un Amant.
LA BAIL LIVE.

Vous parlez en niaife, & penfez autrement.
AGNES, Soupirant.

Qui ? moi je ne fais pas ce que vous voulez dire.
LA BAILLIVE.

Vous foupirez, je crois ?

AGNÈS.

-Non, c'eft que je respire.

LA BAIL LIVE.

Vous appellez cela refpirer? Jour de Dieu !
Si que qu'un à ma fille arrachoit un cheveu,
C'est comme s'il ofoit me l'ôter à moi-même.
Ma fille eft un bijou ; Je la chéris, je l'aime :
Eft-il rien de fi beau que cette fiile-là ?
Si-tôt qu'elle paroît, chacun dit... la voilà.
Qu'elle vienne à fourire, ou tourner la prunelle,
On entend foupirer tout le monde autour d'elle
Et cependant je vois qu'on la méprise ici.
Mort de ma vie! il faut éclaircir tout ceci.
Chargez-vous de ce foin; entendez-vous, ma mie
Sachez par qui ma fille eft aujourd'hui trahie;
Apprenez-moi fur qui doivent tomber mes coups,
Découvrez fa rivale, ou je m'en prends à vous.

(Elle s'en va.)

SCENE V.

AGNÈS, feule.

AH! Ciel! Qu'ai-je entendu ? Quelle affreufe

tempête,

Si j'en crois ses transports, va fondre sur ma tête!
Heureuse, en ce péril qui me glace d'effroi,
Si je n'avois encor à craindre que pour moi !

SCENE VI.

PIERROT, AGNÈS.

AGNÈS.

VENEZ, mon cher Pierrot.

PIERROT.

Je vous vois toute émue;

Qu'avez-vous, belle Agnès ?

AGNÈS.

Votre Agnès eft perdue:

On vous fait époufer Conftance dès ce jour.

PIERROT.

Et que deviendra donc, chere Agnès, notre amoura AGNÈS.

O trop funeste amour! Avant que de m'y rendre, Vous favez quels efforts je fis pour m'en défendre.

Un jour, dans ma Cuifine entré fecrétement,
Vous vîntes me conter votre amoureux tourment ;
Je vous priai cent fois de me laiffer tranquile;.
Vous n'écoutâtes point ma priere inutile;

Et me ferrant les mains, embraffant mes genoux,
Vous fîtes éclater les transports les plus doux.
Mais, piqué des rigueurs de ma vertu mutine,
Vous prîtes auffi-tôt le couteau de Cuisine.
Je craignis pour vos jours, j'arrêtai votre main,
Et je vous empêchai de vous percer le fein.
Vous jettâtes le trouble, & l'effroi dans mon amex
Dès ce même moment je devins votre femme.
Mais, hélas! tout confpire aujourd'hui contre nous-
On veut, mon cher Pierrot, brifer des noeuds fi doux..
Votre marâtre, enfin, que la rage transporte,.
Me foupçonne déja............

PIERRO T..

Que le diable l'emporte Mais n'appréhendez rien ; je saurai vous venger, Si quelqu'un dans ces lieux ofe vous outrager.. Calmez-vous, belle Agnès; banniffez les alarmes; Vos yeux ne font point faits pour répandre des larmes, Ils doivent s'occuper à des emplois plus doux. Vous fites tout pour moi, je ferai tout pour vous,

AGNÈS.

Point de révolte au moins! Mon fils, qu'il vous fouvienne,

Que, lorsque je reçus votre main, vous la mienne, Avant que nous coucher, vous me promîtes bieru Que jamais contre un pere.....

PIERROT.

Ah! Je ne promis rien. Que, diable, dans la tête allez-vous donc vous mettre? Ne pouvant rien prévoir, que pouvois-je promettre ? Savois-je que mon pere, à foixante & quinze ans, Reprendroit une femme avec de grands enfans? Et que de cette femme on m'offriroit la fille, Pour ne faire par-là qu'une feule famille ? Mais, pour ne rien rifquer dans des périls fi grands, Fuyez, fuyez, Agnès, avec nos chers enfans, Ces gages précieux de notre amour parfaite. AGNÈS.

Non, non, je ne dois point fonger à la retraite : Nous découvririons tout.Laiffez-moi dans ces lieux. Mais ne nous voyons plus.

PIERROT.

Chere Agnès, je le veux;

Il faut vous obéir. Mon pere va m'entendre;
Cachez bien l'intérêt que vous y pouvez prendre.
Pour quelque tems encor, diffimulons nos feux;
Et faifons fur nos cœurs ces efforts généreux.
Mais, du moins, baisez-moi, la chofe m'eft permise :
C'est une liberté que l'hymen autorise.

AGNÈS.

Que me demandez-vous?

PIERROT.

Rien qu'un petit baiser.

Cette faveur, Agnès, ne peut fe refuser;

C'est tout ce qu'à préfent mon amour se propose; Je me garderai bien d'exiger autre chofe.

AGNÈS.

Hé bien! foit...mais j'ai peine à fortir de ce lieu: Nous nous disons peut-être un éternel adieu.

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PIERROT, seul.

J'ATTENDS ici mon pere: il croira me confondre;

Mais à bon chat, bon rat ; je faurai lui répondre,
Il vient. Conftance ici devroit fuivre fes
Mais elle fera mieux de n'y paroître pas:

pas:

La belle vainement chercheroit à me plaire ;
Sa présence en ces lieux n'eft pas fort néceffaire.

J

SCENE VIII.

LE BAILLI, PIERROT.

LE BA LLI

E vous cherchois, mon fils, & je vous trouve ici.
PIERROT, d'un air fier.

A la bonne heure.

LE BAILLI.

Enfin, mon cher fils, Dieu merci

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