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le projet de rejeter tous ces crimes et tous ces for faits sur une partie de la Montagne et de ses collègues membres des comités de gouvernement, de les envoyer à l'échafaud, de faire ouvrir toutes les prisons, de se proclamer le restaurateur de l'humanité et de la religion ; et nous sommes fondés à croire que ce projet qu'il mûrissoit, et que, pour son malheur, il tarda trop d'exéfut cause de la mort de Camille, qui, en demandant un comité de clémence, vola à Robespierre une idée que celui-ci regardoir comme très-essentiel de metre le premier en avant.

cuter,

Si après avoir, pour mieux consolider sa dictature, fait décréter qu'il y auroit une fère en l'honneur de l'Etre suprême; si le jour de cette fête, où Robespierre eut l'air du Dieu de la France aux yeux de Paris enchanté, il eût, en rentrant dans le sein de la convention, et après avoir pris des mesures avec des gens affidés, déclaré hautement qu'il étoit tems que le règne du carnage cessât; qu'il étoit tems que la justice et l'humanité reprissent leurs droits ; qu'il étoit tems que les bourreaux mar

chassent au supplice ( et il eût pu désigner tous ceux des comités de gouvernement et de la convention qui lui auroient fait ombrage); qu'il étoit tems que la religion de nos pères reprît sa splendeur première; Robespierre régnoit, et régnoit seul. Sorties, à sa voix, du fond des cachors où elles n'attendoient que la mort, des familles innombrables seroient venues en foule mouiller les pieds du tyran, des pleurs de la reconnoissance; un cri d'alégresse, un concert unanime de bénédictions se seroient fait entendre, en sa faveur, d'un bout de la république à l'autre ; et ce monstre, préconisé par les prêtres qui auroient consolidé son empire, eût été par eux déclaré un saint, dès son vivant, pour peu qu'il eût eu la fantaisie de joindre une auréole, à la couronne : il différa et fut perdu : l'occasion est tout ; les tyrans plus que les autres ne doivent jamais manquer de la saisir.

Pendant qu'on proscrivoit par-tout, qu'on abattoit jusques aux moindres vestiges du culte, et que l'armée révolutionnaire se convroit de gloire par ses excès et ses dilapidations, de son côté, le tribunal H;

révolutionnaire poursuivoit avec activité le cours de ses assassinats juridiques ; il égor geoit avec une telle atrocité, une telle ab négation de toutes les formes judiciaires, qu'on étoit tenté de regarder comme innocens des conspirateurs réels qu'il frappa, mais auxquels il ne se donnoit pas plus la peine de démontrer leurs crimes, qu'il ne prenoit soin de réfuter les raisonnemens des personnes innocentes qu'il envoyoit à

la mort.

Dans l'impossibilité où nous sommes de nous étendre sur chaque assassinat de ce tribunal, dont des volumes énormes suffiroient à peine pour analyser les nombreux forfaits, nous nous contenterons d'observer que, dans la foule de ceux qu'il avoit déjà fait conduire à l'échafaud, on distinguoit le fameux Manuel, le général Bru net, l'ex-président Gilbert-de-Voisin, homme très opulent; le général Houchard, qui avoit rendu de grands services à la chose publique, et qui, dit-on, aimoit sincèrement sa patrie; l'ancien contrôleurgénéral des finances Laverdy, janséniste outré, ministre inepte, mais que le tribu

nal égorgea sous le prétexte qu'il avoit voulu affamer la république, en faisant pourrir du bled dans une bouteille trouvée dans les fossés d'un château où il n'étoit point allé depuis six ans ; le général Lamarlière; l'ex- constituant Barnave, accusé d'avoir conspiré en faveur de la royauté, tandis qu'il étoit prouvé qu'il étoit incarcéré avant que la république fût décrétée; Duport-du-Tertre, nommé ministre par Louis XVI dans les derniers instans de son règne ; Kersaint, député de la convention; les banquiers Wandeniver père et fils; Cussy, ex-constituant, et lors membre de la convention, accusé de fédéralisme; et la fameuse duchesse Dubarry digne maîtresse du crapuleux Louis XV, et qui montra autant de foiblesse et de lâcheté en allant à la mort, qu'elle avoit affiché de débauche et étalé de turpitude Jorsque son stupide amant lui faisoit boire à longs traits la sueur du peuple dans des coupes de diamans.

·Comme on séquestroit, au profit de la république, tous les biens de ceux que l'on tuoit juridiquement, la fortune des fer

miers-généraux parut mériter l'attention des comités de gouvernement; en conséquence un décret intervint, qui ordonna que les fermiers-généraux, les intendans et receveurs généraux des finances seroient mis en état d'arrestation; c'étoit un coup de filet unique pour le trésor national; le tribunal révolutionnaire hâta la confiseation de leur énorme fortune; et comme il n'avoit aucun grief contre eux, il les accusa d'avoir mis de l'eau dans le tabac qu'ils faisoient vendre au public, et, d'après cette inculpation les condamna tous à perdre la tête.

En voyant l'influence des comités de gouvernement, plusieurs Montagnards, membres de la convention, n'étoient pas tranquilles sur leur sort; on envoyoit si légèrement à la mort, que la hache révolutionnaire pouvoit aussi les atteindre, malgré leur inviolabilité qui n'étoit plus qu'un mot dérisoire, sur-tout depuis qu'on avoit mis à mort et proscrit tant de conventionnels qui n'étoient pas de leur bord. En effet, le député Osselin, un des plus fougueux adversaires de la Gironde et trop connu par

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