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part au fisc, les autres ont gardé ce qu'ils avoient déterré ; et en dernier analyse, une partie de cet argent se trouvant par-là en circulation, il est à présumer que ce qui n'est pas découvert forme au plus une centième partie du numéraire qui circuloit en France avant 1789.

Robespierre, qui ne laissoit rien échapper de ce qui pouvoit un jour consolider sa puissance, mit à profit, pour son compte," les folies religieuses dont la France, et Paris sur-tout, étoient depuis quelque tems le théâtre. Quand on eut bien déchristianisé la capitale et les départemens, quand on eut bien avili les ministres du culte catholique, et sur-tout quand tout l'or et Fargenterie qui étoient naguère dans les temples, furent versés au trésor public, il parut prendre indirectement le parti des prêtres ; et, dans une des séances de la société des Jacobins, fort de l'immense popularité qu'il avoit déjà usurpée, il osa prononcer un discours qui eût, à cette époque, envoyé à l'échafaud quiconque, autre que lui, eût osé le proférer.

Robespierre déclara hautement, dans le

et

sein de cette société - mère, que la con vention nationale, en acceptant les don qui lui étoient offerts, n'avoit point pros crit le culte catholique, comme on vouloit le faire croire ; qu'elle n'avoit jamais fait et ne feroit jamais une démarche aussi téméraire, « L'intention de la convention nationale, ajoutoit-il, est de maintenir la liberté des cultes qu'elle a proclamée, de réprimer en même-tems tous ceux qui en abuseroient pour troubler l'ordre public: elle ne permettra pas qu'on persécute les ministres paisibles du culte ; elle les punira avec sévérité toutes les fois qu'ils voudront se prévaloir de leurs fonctions pour causer du désordre. On a dénoncé les prêtres pour avoir dit la messe ; ils la diront plus longtems si on les empêche de la dire : celui qui veut empêcher la messe est plus fanatique que celui qui la dit ; il est des hommes qui veulent aller plus loin; qui, sous le prétexte de détruire la religion, veulent faire une religion de l'athéïsme lui-même ».

Ces dernières paroles furent un coup de foudre pour une grande partie des Jacobins, et particulièrement pour Hébert, Chaumetto

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Chaumette et leur clique, qui étoient présens à cette séance, et qui ne purent entendre, sans frémir, les applaudissemens universels dont ce discours fut couvert : l'empire de Robespierre étoit déjà tel qu'on n'osa répliquer ceux qui se permettoient de combattre ses opinions, ou qui le devançoient dans une proposition qu'il eût été jaloux de faire lui-même pour accroître sa popularité ou sa réputation, étoient sûrs de payer de leur tête, et leur audace et leur mal-adresse.

Il étoit si jaloux de ne laisser à personne la gloire d'une innovation, que nous ne craignons pas d'avancer ici ce qui n'a encore été avancé par personne, que le malheureux et véritable patriote Camille Desmoulins, que Robespierre fera bientôt assassiner sous la hache révolutionnaire, ne dut sa perte peut-être qu'à l'idée qu'il mit au jour d'établir un comité de clémence, qui sauroit pardonner à l'erreur, au lieu et place de ces innombrables comités, de ces tribuaux et commissions révolutionnaires qui se Elisoient un devoir de juguler l'innocence. Cette demande hardie, ce cri de l'huH

manité expirante, poussé par Camille-Desmoulins, dans un moment où la terreur portée au dernier période, infectoit de sang les places publiques, et encombroit nos rivières de cadavres ; ce courage dans Camille lui concilia l'amour de toutes les victimes et la haine de tous les bourreaux. Voilà, n'en doutons point, ce qui exaspéra Robespierre contre lui ; et pourquoi ? Parce que Robespierre eût desiré avoir le mérite de cette invention, er que CamilleDesmoulins ne fit que le devancer peutêtre : mais ceci mérite explication.

La Gironde, ou si on l'aime mieux, le parti de la convention attaché aux principes des Girondins, n'étoit pas entièrement détruit certe Gironde, qui étoit nombreuse, ne consistoit pas seulement dans ceux qui avoient été guillotinés et dans les soixante-treize qui avoient été incarcérés, il restoit encore dans la convention une grande partie des Girondins; et Robespierre, qui vouloit se ménager un parti pour écraser un jour les scélérats qui partageoient ses forfaits afin de rester seul; Robespierre, à qui il suffisoit que les

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Girondins, qui avoient du mérite, fussent guillotinés, et par conséquent dans l'impuissance de renverser sa tyrannie par leurs talens, ménagea dès-lors les restes de la Gironde, pour qu'elle le servît en tems utile à anéantir la Montagne, à qui cette Gironde devoit en vouloir jusqu'à la mort; cette Montagne, ou plutôt les chefs de la Montagne, qui offusquoient aussi Robespierre par leur popularité, et dont il médi ́toit déjà de se défaire pour rester seul possesseur de l'autorité.

Si déjà Robespierre s'étoit ménagé des partisans dans les Girondins qui restoient à la convention; si déjà, en s'opposant à ce qu'ils fussent inquiétés, à ce que les 73 qui étoient incarcérés fussent mis à mort, il mettoit de son bord ces hommes qu'il se proposoit de tourner un jour contre la Montagne; quel parti encore, dans un mo ment décisif où il auroit voulu asseoir son autorité indépendante, n'auroit-il pas tiré de la protection qu'il avoit accordée aux prêtres et à la religion? Nous sommes convaincus qu'après avoir participé à tant de forfaits, commis tant de crimes, il avoit

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