Page images
PDF
EPUB

partiel, mais le résultat du vœu de la na

tion ».

La pétition étoit à peine lue, qu'un détachement de l'armée révolutionnaire parut dans la salle; les uns portoient des piques, et au bout de ces piques des ornemens d'église ; d'autres, grotesquement affublés, avoient recouvert leurs uniformes de chasubles et de chapes; is annoncèrent ensuite avoir arrêté plus de cent prêtres dans le seul département de l'Oise ; « nous les avons renfermés à Chantilly, disoient-ils, où ils ont le tems de lire leur bréviaire; vous voyez sur nous une partie des dépouilles de l'évêque de Senlis. Là nous avons pris cent soixante deux marcs d'argent, ici trois cent vingt; les cloches sont tombées par tout où nous avons passé ».

La descente des cloches étoit encore un des exploits familiers de l'armée révolutionnaire on n'en laissoit qu'une ou point dans chaque commune, et cette disparution totale des cloches avoit alors plus d'un objet; d'abord de supprimer une partie essentielle au culte, en second lieu d'empê Tome XII.

cher, en cas de soulèvement, que les campagnes pussent se réunir par le bruit communicatif du tocsin, troisièmement de faire de la monnaie de billon ou des canons avec le métal provenant de la fonte de ces cloches.

Après avoir parlé de ses exploits, l'armée révolutionnaire demanda à la convention la permission de chanter et danser devant elle la Carmagnole autour des brinbo rions qu'ils vencient d'apporter. La Carmagnole fut dansée et la pétition du département décrétée.

En conséquence, peu de jours après, la fête de la Raison eut lieu dans toute la république, et particulièrement dans Paris, où les musiciens et les plus célèbres artistes reçurent ordre, de concourir à sa célébration, sous peine, d'être déclarés suspects. La divinité Raison, représentée par une actrice de l'Opéra, étoit portée par quatre. hommes, sur un fauteuil entouré de guirlandes de chêne; elle avoit un bonnet rouge, sur la tête, une pique à la main, et un manteau bleu sur les épaules; des jeunes, femmes, vêtues en blanc, ceintes d'un tu-.

[ocr errors]

ban tricolor, et la tête ornée de fleurs marchoient devant elle. Lé cortège qui la suivoit, étoit composé des représentans et d'une multitude d'hommes coëffés comme la déesse. Cette foule, après avoir traversé Paris, se rendit en la ci-devant église Notre Dame, où l'on recommença à chanter des hymnes patriotiques qui avoient été entonnés pendant la route.

[ocr errors]

D'après cette conduite, d'après les voies de fait de l'armée révolutionnaire, d'après les invitations de la commune et de l'autorité départementale, quel ecclésiastique, sans courir risque de sa vie, auroit encoré osé se permettre d'exercer le culte catholique ? Dans les provinces, où les révolutionnaires et les peureux se hâtoient, les uns par goût, les autres pour leur sûreté, de singer Paris et d'outre-passer ce qui s'y pratiquoit, on ne vit plus que des temples dédiés à la Raison, que des commissaites apportant à la convention les ornemens, les vases, l'or et l'argenterie des églises : chaque jour les cours du Carrouzel et du palais où siégeoit la convention, étoient remplies de voitures. chargées de ces objets précieux.

Les habitans de Saint-Denis, comme étant les plus près de la capitale, furent des premiers à venir faire leur offrande : ceux qui étoient chargés de la présenter buvoient dans des calices, offroient à boire dans ces vases à ceux qu'ils rencontroient sur leur route: ils étoient vêtus d'étoles de surplis, de chasubles, et se faisoient précéder d'un âne décoré, ainsi qu'eux, de riches habits pontificaux.

[ocr errors]

Une des sections de Paris, celle de l'Unité, ne se présenta qu'après la commune de Saint-Denis; mais elle ne fut pas moins remarquable par la bizarrerie de sa procession sa marche, qu'elle dirigeoit dans le sein de la convention, étoit ouverte par un peloton de la force armée, suivie de tambours, de sapeurs et de canonniers, tous revêtus d'habits sacerdotaux ; à leur suite venoit un groupe de femmes habillées de blanc, et portant une ceinture aux trois couleurs après ces femmes venoit une file immense d'hommes rangés sur deux lignes, et bigarrés de dalmatiques et d'aumuces. Tous ces vêtemens, qui étoient ceux des religieux de l'église de Saint-Germain-des

1

[ocr errors]

Prés, étoient remarquables par leur ri chesse, leur magnificence et l'éclat des broderies d'or et d'argent qui en rehaussoient le prix des brancards chargés de calices, de ciboires, de soleils, de plats d'or et d'argent, relevés en trophées, suivoient ces hommes dont nous venons de parler. Ce cortège, qui étoit entré dans la salle, aux acclamations des spectateurs et aux cris de vive la montagne, étoit terminé par une espèce de catafalque en drap noir, qui fermoit la marche au son d'une musique qui jouait l'air : Malbroug est enterré. Sans les suites que ces orgies entraînoient, sans la manière dont elles s'opéroient, rien peut-être n'eût été plus risible. qu'une semblable caricature: la carmagnole fut dansée de nouveau dans cette séance, et les représentans, ou du moins plusieurs d'entre eux y prirent part: mais au milieu de ces plaisantes caricatures, on invita sérieusement dans la même séance, et d'une manière assez formelle, tous les prêtres à se marier, en décrétant que ceux qui l'étoient déjà ne seroient point sujets à la déportation ni à la réclusion.

« PreviousContinue »