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décrétée. La crête de la montagne s'électrise, elle s'entr'ouvre et vomit par l'organe des. membres des comités de gouvernement, les laves brûlantes évoquées par Chaumette.

Cette armée révolutionnaire, portée à six mille hommes, et qui se transportera par-tout pour l'exécution des loix, sera suivie d'un tribunal incorruptible, redou table, qui traînera à sa suite la hache sanglante qui tranche la tête des conspirateurs et coupe le fil des conspirations. Elle effrayera les égoïstes, et son aspect fera regorger aux riches les productions de la terre ; la prospérité va naître de cette promenade civique. Mais c'est peu encore; l'on vent que, pour accélérer l'expédition projetée, on ferme à l'instant même les barrières, et qu'on suspende la délivrance des passe-ports: Billaud-de-Varennes veut que sur l'heure on incarcère tous les contrerévolutionnaires, tous les suspects, ou du moins tous ceux qui sont désignés comme teis ; qu'on donne aux comités révolutionpaires le droit de lancer, de leur chef des mandats-d'arrêt, et qu'on rapporte le décret qui défendoit les visites domiciliaires

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nocturnes. Bazire demande à son tour, qu'on déclare suspects les nobles, les prêtres, les membres de l'ancien club des Feuillans, les hypocrites, les Brissotins, les gens ayant boutique, les agioreurs, les commerçans, les procureurs, les huissiers, les intendans des ci-devant seigneurs et leurs valets ; enfin, un autre législateur', craignant de rester au-dessous des préopinants, et ne sachant plus de quelles exprèssions se servir pour être à la hauteur des circonstances, s'écrie tant qu'il a de pous mons: « Puisque notre modération, nos idées philosophiques ne nous ont servi de rien, soyons brigands pour le bonheur du peuple; que les suspects répondent sur leur tête de tous les malheurs de l'état ». On s'imagine que d'après des sorties aussi virulentes, des propositions de cette nature, on ne peut aller plus loin; erreur arrive à son tour la société-mère, la société des Jacobins, l'antre des exclusifs, dominée par une faction cannibale. « Placez, dit-elle, placez la terreur à l'ordre du jour, et que Fégalité promène sa faulx sur toutes les rêtes »

cette

Ce carnage demandé en masse, nouvelle septembrisation n'eut pas lieu, on la prépara en détail; en conséquence on ordonna que la délivrance des passe-ports seroit suspendue, que les comités révolutionnaires mettroient sans délai en arrestation toutes les personnes suspectes ; et il leur fut permis de faire des visites domiciliaires à toute heure de jour et de nuit, ainsi que des désarmemens et des arrestations, sans qu'ils eussent besoin de motiver leurs jugemens souverains. Nous disons sans motiver leur arrêt de pleine puissance , parce qu'un premier décret ayant restreint les membres des comités révolutionnaires à donner aux personnes par eux arrêtées les motifs de leur incarcération, ce premier décret fut rapporté par un second, qui supprima cette formalité, et ce second décret fut rendu sur la demande des comités révolutionnaires de Paris, dont l'orateur s'exprima en ces termes: « Nous ne voyons pas sans douleur le décret que vous avez rendu à notre égard, ( il parloit du premier décret qui astreignoit les membres des comités révolutionnaires

lutionnaires à donner aux personnes arrêtées les motifs de leur arrestation ) nous ne voyons pas sans douleur, disoit cet orateur, le décret que vous avez rendu à notre égard. La conviction morale détermine souvent les mesures que nous prenons contre les gens suspects. Il seroit difficile de consigner dans un procès-verbal les motifs de leur arrestation; d'ailleurs, citoyens législateurs, les comités révolutionnaires composés de sans-culottes, feroient souvent, dans la rédaction des procèsverbaux, des erreurs involontaires, dont profiteroient les contre- révolutionnaires pour se faire mettre en liberté ».

Ce discours suffit pour donner une juste idée de la moralité et des opérations des individus qui composoient les cinquante mille comités révolutionnaires, dont le dernier recoin de la France étoit infecté. Soyons justes toutefois, s'il s'est trouvé en grand nombre dans ces comités, des voleurs, des assassins, des brigands dignes du dernier supplice, il s'y est trouvé aussi des hommes vertueux qui, pleurant sur les nombreux forfaits dont ils étoient

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environnés, exposèrent leurs jours pour Sauver ceux de leurs semblables,

L'armée révolutionnaire fut à peine organisée,, que sa formation, qui n'étoit qu'un amalgame impur de tout ce que la capitale -receloit de plus immonde, augmenta la -terreur qui pèsoit sur les citoyens : âpres à la rapine, ces hommes que l'on envoya aux environs de Paris pour accélérer l'entrée des comestibles, se rendirent fameux par leurs brigandages et leurs dévastations en tout genre. La crainte les devançoit, tout trembloit à leur aspect, ou fuyoit à leur approche; aussi lâches qu'ils étoient fanfarons, il sembloit qu'ils n'avoient de courage que dans leurs longues moustaches, leur chapeau sur l'oreille et les blasphêmes qu'ils vomissoient sans cesse. Il pouvoit très-bien se faire qu'il y eût parmi cette bande d'escrocs, quelques braves gens, quelques citoyens que la misère et le défaut d'occupations avoient poussés à s'enrôler dans cette horrible milice; mais nous pouvons affirmer qu'ils étoient en petit nombre, et que ce dût-être pour eux un supplice bien cruel, que d'être associés

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