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avoit été employée par les anciens Francs et par beaucoup d'autres peuples, mais il nous semble que puisqu'on faisoit tant que de vouloir tout régulariser, il falloit être régulier soi-même, et conséquent dans les nouvelles opérations: on a appelé le mois des vents, Ventôse : l'origine de ce mot francisé est toute latine, tandis que fructidor est composé de deux mots, dont l'un fructus est latin, et l'autre doron est grec; c'est une disparate qu'il étoit facile d'éviter. On a donné aux jours une dénomination latine, qui par la terminaison ¿, se grave aisément dans la mémoire du peuple, mais qui n'est pas facile à comprendre pour quiconque ne sait pas le latin si vous en exceptez l'habitude, il n'y a pas de raison pour qu'un homme qui n'a pas fait ses études, ne prenne quintidi pour le 9 de la décade plutôt que pour les : cependant comme la classe non lettrée est la plus nombreuse, il étoit essentiel que la dénomination des jours fût mise à sa portée, sur-tout dans un tems où l'on prétendoit ne rien faire que pour le peuple. Un inconvénient du nouveau calen

lendrier,

drier, inconvénient beaucoup plus réel peut-être qu'on ne se l'imagine, c'est la fixation du jour de repos au dixième jour; appelé décadi. Il faut bien prendre garde que ce jour est fixé chez presque tous les peuples au septième ; que dans cette fixation, les législateurs ont eu un but plus politique encore que religieux: il a été démontré de tout tems, que quand l'homme s'étoit livré six jours de suite à un travail pénible, et particulièrement au travail fatigant qu'exige l'agriculture, il devenoit nécessaire qu'il se reposât le septième. Neuf jours d'un travail continu outre-passent en général la mesure des forces accordées à l'homme. La tension des forces du corps, ainsi que la tension des facultés de l'esprit, lorsqu'elle se prolonge trop, nuit essentiellement au physique et au moral.

Dans les jours hideux dont nous retraçons l'histoire effroyable, ce nouveau calendrier fut exécuté à la lettre, aussi-tôt qu'il fut décrété, c'est-à-dire qu'il ne fut plus question de dimanches, ni de fêtes analogues au calendrier supprimé, et que dans les campagnes, ainsi que dans les

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villes, les citoyens se conformant au nonvel ordre de choses, ne chommèrent plus que les décadis; mais ce n'étoit-là qu'un effet de la peur générale; quiconque étoit surpris à travailler un jour de décade, ou à fèter un jour de dimanche, étoit aussitôt appréhendé au corps par la nombreuse milice composant les comités révolutionnaires, et jeté dans les prisons comme royaliste, fanatique ou suspect ; du moment que le règne de la terreur cut disparu, l'habitude reprit le dessus, et dans les campagnes particulièrement, on chomma le dimanche, moins en général parce que c'est un jour de fête , que par le besoin réel où l'on est de prendre du repos après six jours de travail. C'est donc une très-grande difficulté à vaincre de la part du gouvernement actuel, que de faire adopter au peuple le décadi, et sur tout au peuple des campagnes : peut-e -être existeroit-il un moyen de concilier le besoin du repos avec l'existence du calendrier actuel; mais comme des raisonnemens de cette nature nous jetteroient hors de notre

sujet, nous ne nous étendrons pas davan tage sur cette matière.

On connoissoit les paroles de Mirabeau, qui peu d'heures avant sa mort avoit dit qu'on n'avoit encore rien fait pour la ́révolution, ou qu'on ne feroit rien pour elle, tant qu'on n'auroit pas déchristianisé la France; elles ne furent pas perdues. Mirabeau d'ailleurs ne se fût pas exprimé) de la sorte, qu'on n'en auroit pas moins agi dans le sens de ses expressions. Depuis plus d'un demi-siècle, les philosophes faisoient tout ce qui étoit en leur pouvoir pour anéantir la religion catholique, er mettre les prêtres à leur place; on outrepassa leur volonté, rien ne fut épargné de ce qui pouvoit anéantir à jamais le culte. du christ; mais les hommes sont organisés de manière que la persécution qu'on leur fait éprouver pour leur arracher l'objet de leur affection, loin de les détacher de cet objet, finit par le leur rendre plus cher.

Il eût été possible, peut-être, de déracher la masse du peuple du catholicisme, dont les principes, et le systême des prêtres qui lui sout fidèles sont entièrement oppo

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sés à un gouvernement libre; il eût été possible, en se servant de bases préparatoires, d'inoculer insensiblement une autre religion en France, car il en faut une quelque chose que l'on fasse, quelque nom, quelque base qu'on lui donne; mais ce parti exigeoit des précautions, des ménagemens, auxquels les décemvirs étoient bien loin de condescendre; accoutumés à tour emporter de vive force, à tout faire plier sous un joug accablant, à porter partout, avec la rapidité de la foudre, la flamme, le fer et la mort, ils s'embarrassèrent fort peu d'examiner s'il étoit important, en détruisant le catholicisme

de lui substituer un autre culte ; ce qu'ils vouloient, c'est que la religion du christ, la religion apostolique et romaine ne subsistât plus, et il n'y eut plus de religion apostolique ; ce qui leur importoit davantage, pour parvenir à leur but, c'étoit d'ôter l'idée d'un Dieu, idée qui arrête souvent la main du scéiérat, au moment où il va se souiller d'un crime, et l'athéïsme prit racine à leur voix. Peu clair-voyants pour l'avenir, ces misérables ne songèrent qu'au

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