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comme tous les yeux sont dirigés sur Robespierre et ses complices; chaque phrase des orateurs qui parlent contre eux, annonce un nouveau crime de la part de ces tyrans ; chaque crime apporte avec lui la convićtion et appelle le supplice sur leurs têtes sacrilèges. Robespierre voyant la foudret gronder de tous côtés, oppose d'abord à l'orage un calme feint et apparent : il s'enveloppe comme Catilina du manteau de l'hypocrisie, mais les dénonciations et les charges se succèdent; enfin bourrelé par sa conscience, agité par ses remords, hon. teux de la nudité de son cœur atroce, il se tourmente ouvertement et crie ; qu'on m'envoye à la mort ?-tu l'as méritée scélérat, lui répond-on, tu l'as méritée mille fois. Il insulte alors, il menace, il demande la parole; Thuriot, qui préside en place de Collot-d'Herbois qui est au comité de salut public, Thuriot l'empêche de parler, lui refuse cette parole tant demandée et agite la sonnette avec tant de violence et de continuité aux oreilles de Robespierre, qu'il l'empêche de se faire entendre ; Robespierre ne sachant plus où

il en est, l'appelle président de brigands, Thuriot ne se déconcerte point et continue le même manége. Garnier de l'Aube voyant. la langue de Robespierre s'épaissir et sa voix s'éteindre, lui crie, malheureux, ne vois tu pas que le sang de Dunton t'étouffe? il te sort par la bouche.

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Cependant, au milieu de ce tumulte, le tyran parvient à se faire entendre, et voyant qu'il n'a plus rien à espérer du côté de la Montagne, il regarde les députés de la Gironde qui siégeoient au Marais, et dont beaucoup n'avoient encore rien dit, ni pris aucun parti jusqu'alors, parce qu'ils vouloient, en portant un coup à Robespierre, que les députés de la Montagne fussent tellement engagés dans l'action, qu'ils ne pussent plus reculer que s'il y avoit du risque à courir, ils ne fussent pas sacrifiés par la Montagne dans cette circonstance, comme ils l'avoient été par elle dans plusieurs autres. C'est donc aux députés siégeant dans le Marais, ces députés si souvent appelés par Vadier les crapauds du Marais, que Robespierre s'adresse; il s'adresse à eux avec d'au•

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tant plus de confiance, qu'il avoit eu l'adresse de les ménager pour s'en servir au besoin ; c'est à vous, leur dit-il, hommes vertueux, c'est à vous que je demande la parole et non pas à ces brigands de la Montagne. Mais les députés du Marais au lieu de donner aucun signe d'approbation, gardent un morne silence, tous ont les yeux baissés, tous gardent une attitude sombre et morne, et le tyran lit sur leur 'front qu'il ne lui reste pas un seul appui, qu'il est perdu enfin. Oui, ce silence terrible fit autant d'effet sur le tyran, que les laves brûlantes dont l'inondoit la Montagne; une sueur froide coule de son vi. sage, il pâlit; la rage reprend le dessus, il devient pourpre, ses yeux effarés se promènent au hasard, et de sa bouche écumante, de ses lèvres bleuâtres, il ne sort que des injures étouffées par le désespoir le plus poignant. L'instant est propice, la victoire ne peut plus être douteuse, puisqu'il ne lui reste plus de partisans; Lɔuchet, le premier, demande qu'on décrète sur-le-champ Robespierre d'arrestation ; Thuriot saisit la proposition, la met aux

voix, et par un mouvement spontané et aussi rapide que l'éclair, tous les députés, Montagne et Marais, tout se lève et l'arrestation est prononcée. Robespierre jeune demande à partager le sort de son frère dont il dit avoir partagé les vertus. Robespierre jeune est décrété d'arrestation. Fréron demande que la mesure s'étende à Lebas, Couthon et Saint-Just. Couthon Lebas et Saint-Just sont décrétés d'arrestation et sur la propositión d'un membre, et d'après le décret qui s'ensuivic, Saint-Just, qui resta muet pendant tout le cours de cette scène terrible, déposa sur le bureau du président le discours qu'il tenoit dans ses mains et dont il n'avoit lu que les premières phrases.

Le décret d'arrestation étoit bien rendu, mais n'étoit pas exécuté; il se faisoit un silence profond, et Robespierre semblable à ces criminels qui se flattent, même sur l'échafaud, qu on viendra les en délivrer, promenoit avec confiance ses regards factieux sur le public qui remplissoit les tribunes de la convention. Mais ces tribunes qui dans le commencement de la séance s'étoient

s'étoient déclarées pour lui, avoient fini par se ranger du bord de la représentation nationale, tant elles avoient été frappées des monstruosités reprochées à ce cannibale.

Pour en finir, Clausel dèmande que les huissiers exécutent le décret d'arrestation, Cette proposition ayant été appuyée, on fit passer les coupables à la barre, la gendarmerie s'en empara et les conduisit au comité de salut public, qui donna des or dres pour qu'on transférât sous bonne escorte Robespierre dans la prison du Luxembourg, et Lebas, Couthon et Saint-Just dans d'autres maisons de réclusion. Mais les Jacobins présidés par un nommé Vivier, et la commune sur tout qui tenoient pour Robespierre, avoient déjà pris des meŝures contre la convention. Les concierges =des maisons d'arrêts avoient ordre de ne recevoir personne ; celui du Luxembourg, malgré les ordres des comités de gouver nement, refusa de recevoir Robespierre qui parvint, ainsi que ses complices, à se sous. traire à la vigilance de ses gardes et sẽ réfugia avec eux dans le sein de la com Tome XII. 3. part. LI

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