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mais n'es-tu pas le complice de Robespierre? mais Couthon, Robespierre et toi, n'avezVous pas combiné vos projets ? n'avez-vous pas organisé un infâme triumvirat ? Votre déssein est de nous assassiner, mais je vous le déclare, quand bien même vous réussiriez, vous ne jouirez pas long-tems de vos forfaits, et le peuple qui ne tarderoit pas à être éclairé, vous mettroit en pièces. Cette sortie véhémente pétrifia Saint Just, qui promit de rapporter son discours à ses collègues, mais au lieu de leur tenir parole, et de revenir au comité, dont il s'éloigna aussitôt, il écrivit aux membres qui le composoient : « Vous avez flétri mon cœur, je vais l'ouvrir à la convention nationale». En effet, ce fut lui qui le lendemain 9, se présenta le premier à la tribune.

La nuit fut employée par tous les partis, pour combiner leurs moyens d'attaque ou de défense, mais Robespierre seul avoit beau jeu, s'il eût su en profiter. Les comités de gouvernement se voyoient perdus, soit par la convention, soit par Robespierre, n'importe lequel triomphât, et cette

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perplexité les tint dans une coupable apathie, qui manqua de perdre la chose publique. La convention ne pouvoit rien étant désunie; ses membres étant dispersés, le plus grand bonheur qui pût lui arriver, étoit qu'on la laissât s'assembler le lende main 9 , parce que, forte de son union elle pouvoit éclairer le peuple, et ressaisir l'autorité dont elle étoit depuis si longtems et si entièrement dépouillée. Elle se réunit effectivement le lendemain sans obstacle, et c'est-là la faute majeure que fit le tyran; car, si d'après la sortie faite le 8 au soir, aux Jacobins, contre la re présentation nationale et les comités de gouvernement, il eût, fort de la commune, des Jacobins, de tous les tribunaux et de la force armée, tourné, pendant la nuit, cette même force armée contre les comités dont il auroit fait enlever ou disperser les membres, contre la convention dont il auroit fait interdire l'entrée aux représentans épars et proscrits, le monstre regnoit seul; mais il voulut mal-adroite ment essayer une seconde fois son pouvoir sur la convention, et il échoua,

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Tallien jugea si bien la stupidité qui avoit échappé à Robespierre,de laisser les députés se réunir, que, le 9 au matin, voyant SaintJust qui alloit monter à la tribune pour débiter le discours dont il avoit été question la veille au comité de salut public, il dit à Goupilleau de Montaigu, qui sortoit de l'assemblée; « Rentre dans la salle, et viens être témoin du triomphe des amis de la liberté; ce soir Robespierrenesera plus». Saint Just, placé le 9 au matin dans la tribune, veut débiter à la convention un long discours, presqu'entièrement semblable à celui que Robespierre avoit prononcé la veille, Mais à peine a-t-il fait entendre quelques mots, à peine a-t-il commencé à inculper les comités de gouvernement, que Tallien lui coupe impérieusement la parole, reproche à Robespierre la conduite qu'il a tenue la veille, et demande que le voile soit enfin déchiré,

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Robespierre, qui depuis long-tems ne pouvoit envisager Tallien, sans qu'il fût aussitôt saisi de frayeur, et qui le regardoit comme son ennemi le plus dangereux, sept ses craintes se justifier, et pâlic de

l'apostrophe qui lui est adressée avec toute l'énergie possible; Billaud de Varennes, encouragé par les applaudissemens qu'on donnoir à la sortie de Tallien, tombe aussi sur l'incorruptible, lui fait des reproches sanglans, et l'accuse formellement de maintenir à la tête de la garde nationale, homme qui lui est veadu, le scélérat Henriot.

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Robespierre n'y tient plus, il veut parler, il monte à la tribune ; à bas le tyran! s'écrie-t-on, à bas le tyran!

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Tallien rompt la dernière lance oc Tout annonce, dit-il, que l'ennemi de la représentation nationale va tomber sous ses coups.... J'ai vu hier la séance des Jacobins, et j'ai frémi pour la patrie ; j'ai vu se former l'armée du nouveau Cromwel, et je me suis armé d'un poignard pour lui percer le sein, si la convention nationale n'avoit pas le courage de le décréter à l'instant d'accusation ». Et en prononçant ces paroles, Tallien fait briller aux yeux du tyran pétrifié, le fer de Brutus.

Tallien demande ensuite l'arrestation de

Henriot et de son état-major, il demande.

que la convention se déclare en permanence jusqu'à ce quelle ait fait justice du tyran et de ses créatures ; ces propositions mises aux voix, l'assemblée se déclare en permanence, décrete d'arrestation Henriot et les autres chefs de son état-major, et supprime à l'instant la place de comman dant général de la Gardé parisienne. Un membre fait sentir le danger de laisser la force armée de Paris sans chef, et propose de nommer un commandant provisoire. Un autre présente sur-le-champ, au choix de la convention, le citoyen Aimard commandant de la cavalerie, qu'il assure être un bon citoyen et sur-le-champ la convention l'adopte pour conduire les soldats parisiens où la défense de la liberté les appellera. Lebas veut en vain défendre Robespierre et nier les crimes qui lui sonɛ imputés par Tallien, Fréron, Lozeau, Clauzel, Bourdon, Louchet, Merlin et plusieurs autres; Lebas est conspué, on le menace de l'envoyer à l'Abbaye et sa voix criminelle est étouffée par les cris de la plus vive indignation.

La discussion s'échauffe, tous les traits

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