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trefois l'esprit public étoit anéanti, le des▾ potisme avilissoit tout, détruisoit tout; on voyoit le brigandage uni avec le pouvoir; tous les principes du gouvernement étoient corrompus, les caprices du despote tenoient lieu de toutes les loix; la tyrannie exercée à l'ombre de la justice, enlevoit aux tribunaux leur énergie et aux particuliers leur liberté; il falloit une révolution aussi étonnante que la nôtre, pour parvenir à une résurrection morale et perdre jusqu'au souvenir de nos mœurs ridicules et barbares, Les méchans se rapprochent pour conspirer contre nous, unissons-nous cous pour nous insurger contre le vice, Nous avons battu les tyrans, détruisons la tyrannie des hommes corrompus! Nous avons conquis la liberté, rappelons-nous que les vertus en sont les conservatrices, et que tout partisan du vice, est l'ennemi de la république ».

Peut-on sans, indignation, entendre un tel langage sortir de la bouche d'un pareil scélérat. Si le succès eût couronné l'ambi tion de Robespierre, il n'y a pas de doute que Payan n'eût joué un grand rôle sous

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sa dictature; il régnoit entre ces deux personnages une intimité et une confiance parfaites. Robespierre avoit même une trèsgrande déférence pour le génie malfaisant de Payan; c'est d'après les notes de ce dernier, que le tribunal révolutionnaire d'Orange, son pays natal, fut organisé. Voici la manière dont il en dressa le plan.

Neuf ou dix mille prévenus mettre en jugement. Impossibilité de les transférer à Paris, puisque cette translation exigeroit, dans une distance de deux cents lieues, une armée pour escorte. convénient de déplacer trente mille citoyens au moins, voilà les motifs de l'établissement.

Quant à l'organisation, on propose les articles suivans:

1o. Créer un tribunal révolutionnaire qui siégera à Orange, à l'effet de juger les contre-révolutionnaires du département de Vaucluse et ceux des Bouches-du-Rhône. 2°. Le composer d'un accusateur public et de six juges. 3°. L'autoriser & se diviser en deux sections en cas de surcharge de travail. 4°. Il jugera révolutionnairement sans instruction écrite ET SANS ASSISTANCE DE JURES. 5. Nommer pour le composer FAU.

YETTY, etc. etc.

On envoya les individus qu'avoit nommés Payan, et peu de jours après ce Fau

vetty lui écrivoir: « Enfin, mon cher Payan, nous allons; nous avons plus fait dans les six premiers jours de notre activité, que n'a fait, dans six mois, le tribunal révolutionnaire de Nîmes; nous avons rendu cent-quatre-vingt-dix-sept jugemens dans dix-huit jours; je te promets que nous mettrons ici la probité à l'ordre du jour ».

Ainsi, et particulièrement depuis la loi du 22 prairial, la mort planoit sur toute la France, sans trouver aucune espèce de résistance. On avoit la force de mourir, et l'on n'avoit pas celle de résister à ses bourreaux; cet amalgame d'héroïsme et de lâcheté, seroit incompréhensible pour quiconque n'en auroit pas été le témoin. Il est vrai que le systême de délation étoit si bien organisé, sur tous les coins et recoins de la république , que personne n'osoit

Ouvrir la bouche, ni communiquer ses craintes ou sa fureur à son voisin, dans l'appréhension d'être dénoncé par lui; et cette terreur universelle ne fut pas le moindre des leviers qu'employèrent les égorgeurs des comités de gouvernement, pour

mouvoir toute la France à leur gré et lá mutiler par parcelles, Le même systême de délation qui pesoit dans l'intérieur de la république sur tous les citoyens, pesoit également aux frontières sur tous les officiers de nos armées; la vie leur étoit à charge, sur tout aux officiers supérieurs qui, voyant chaque jour tomber les têtes de leurs anciens amis, sous la hache révo Jutionnaire, ne cherchoient plus que la mort dans les combats. Quant aux soldats, ils furent plus heureux que nous sous le règne de la terreur; quels qu'aient été, leurs maux, leurs privations, leurs souffrances dans ces tems désastreux, ils n'ont point été torturés par les angoisses qui dér chiroient les citoyens dans l'intérieur. Ils n'avoient que l'ennemi à combattre, et ils étoient Français; ils ignoroient les abominations qui se commettoient dans leur patrie; on ne leur laissoit parvenir qu'un imprimé mensonger, fabriqué par ordre des comités de gouvernement un im❤ primé qui les mettoit si peu au courant des choses, que beaucoup d'entre eux, après le thermidor, rentrant un moment 2

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dans leurs foyers, pour embrasser leurs parens, ne trouvèrent plus mi pères, ni mères, ni amis; pendant que ces braves versoient leur sang aux frontières pour le soutien de la liberté, les tyrans des comités, avoient, au nom de cette même liberté, fait disparoître leur famille du nombre des vivans.

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Depuis la fète à l'Etre suprême, et la loi Couthon qui l'avoit couronnée, que faisoient cependant ces comités de gouvernement, que faisoit Robespierre, que faisoit la convention? La convention Robespierre et les comités de gouvernement avoient tous un intérêt différent, marchoient tous à un but opposé; et tous étoient frappés de la terreur la plus profonde Robespierre vouloit à lui seut écraser les comités de gouvernement et la convention, pour établir une puissancé UNE dont il étoit le type. Les comités vouloient écraser la convention qui les gênoit encore, et Robespierre qui les offusquoit ; et la convention froissée entre ces assassins, qui lui mettoient le poignard sur la gorge, de quelque côté qu'elle se

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