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exécutée ainsi que sa fille, comme complices d'une conspiration ourdie par les puissances étrangères, pour assassiner Collot et Robespierre, ne durent leur mort qu'à une indiscrétion lâchée devant elles par ce dernier. Elles avoient dîné avec Robespierre, qui ayant bu plus que de coutume, se permit inconsidérément de laisser échapper quelques mots sur le projet qu'il avoit de faire périr un grand nombre de députés. Robespierre, étourdi par les fumées du vin, ne songeoit plus le lendemain à ce qu'il avoit dit la veille», lorsqu'un certain Trial, acteur du théâtre Italien, meinbre de son comité révolutionnaire, et par-dessus tout, grand ami du tyran, vint le trouver au chevet du lit, le gourmanda sur le propos qu'il avoit renu, et lui fit remarquer que cette indiscrétion pouvoit le compromettre; Robespierre sentit toute la justesse de la réprimande, et demanda les noms de ceux qui avoient assisté à ce dîner; Trial les lai nomma; il les inscrivit sur un morceau de papier, et envoya cette liste à FouquierTinville, avec ordre de faire arrêter

sur-le-champ, et promptement exécuter, les personnes dont il lui adressoit les noms; ce qui fut fait.

Le jour destiné à la célébration de la fère dédiée à l'Etre suprême arrivé, Robespierre se trouvoit président de la convention; à l'exception de trois ou quatre députés, tous lui avoient donné leurs voix ; il sembloit qu'il régnât dans la convention et dans les comités de gouverne ment un accord unanime pour l'écrâser sous le poids de la gloire et de la puissance; cette conduite étoit très-politique, tant de la part du sénat qui se voyoit mutilé et menacé sans cesse par ce tyran, que de la part des membres des comités qui ne lui étoient pas vendus, et qui redoutoient son pouvoir: quand un homme est parvenu au dernier période de la puissance, il ne peut plus que décheoir. Nommer Robespierre président, pour qu'il fû le pontife de la fête de l'Éternel, c'étoir parer la victime de fleurs. Cette fête eut lieu, et fut célébrée avec une pompe extraordinaire; Robespierre sembloit être le Dieu à

qui cette cérémonie étoit consacrée ; il se montroit à la multitude avec une complai sance, avec une affectation qui désignoient assez combien il aimoit à dominer au-dessus des autres ; isolé du reste des députés qui le suivoient à une certaine distance, il étoit charmé de faire voir combien il y avoit de disproportion entre eux et lui, il savouroit avec ivresse l'encens qui fumoit sur la montagne élévée à dessein, au milieu de la place dans laquelle se passoit la cérémonie; ce n'étoit point au ciel, c'étoit à lui que s'a dressoient les vœux d'une multitude insensée. Mais si le peuple étoit égaré, les conventionnels ne partageoient pas cet enthousiasme; au moment où ce monstre planoit sur eux dans toute la plénitude de sa gloire, ils formoient le projet salutaire de lui plonger au plutôt le poignard dans le cœur; et l'un d'eux, Lecointre, fut si peu maître de l'indignation qui le transportoit, en voyant ce scélérat affecter la dictature avec si peu de ménagement, qu'au moment même, où encore sur son char de triomphe, il venoit de débiter un

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discours en l'honneur de l'Etre suprême il lui dit très haut : J'aime la morale dé ton discours, quant à toi, je te méprise. Assurément cette apostrophe étoit hardie, et dut faire pressentir au tyran lé sort qui l'attendoit ; mais il dissimula sa haine et se proposa d'envelopper Lecointre dans le massacre prochain qu'il méditoit.

Cependant, ses projets ultérieurs, qui n'étoient soupçonnés que par quelques individus, n'empêchoient pas qu'une classe, nombreuse de citoyens honnêtes, qui n'étoient point encore incarcérés, ne crussent, qu'après une fête où l'on avoit prêche l'humanité, le systême de la terreur alloir insensiblement se tempérer. Bercé de cette idée consolante, on s'endormit d'autané plus avec cette douce sérénité, qu'il avoit été defendu à toutes les autorités révolutionnaires de faire des arrestations ce jourlà, à tous les tribunaux et commissions révolutionnaires, de condamner à mort Grand Dieu, que le réveil fut terrible!

C'étoit le 20 prairial, que la fête à 'Etre suprême avoit eu lieu. Le 22, Cou thon paroît à la tribune avec un code de

sang. Jamais Dracon n'imagina rien d'aussi infernal, jamais Marius et Sylla ne signèrent une proscription en masse aussi délirante. Ce n'étoit point assez de toutes les loix atroces déjà rendues, pour faire juguler tous les citoyens, il en falloit une encore plus expéditive. Couthon, après s'être plaint de ce qu'on donnoit aux accusés le tems de parler, de ce qu'on leur laissoit la faculté d'avoir des défenseurs ; après avoir dit qu'on avoit eu tort d'en donner un à Louis XVI, que c'étoit une conspiration contre la liberté, que de laisser parler un homme prévenu de conspiration, proposa la loi suivante :

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de salut public, décrèce ce qui suit:

ART. I. Il y aura au tribunal révolutionnaire un président et trois vices-présidents, un accusateur public, quatre substituts et douze juges,

II. Les jurés seront au nombre de cinquante.

III. Ces diverses fonctions seront exercées par les citoyens dont les noms suivent. (Ces citoyens désignés par le comité de salut public pour exercer l'office en titre de carnifex à gages, et dont nous supprimons la nomenclature dégoutante, quoique tous ces scélérats obscurs aient bien mérité

d'être

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