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patisme comme la première; mais il se peut aussi, comme plusieurs le soutiennent encore aujourd'hui, que Cécile, abandonnée de Robespierre, dont on prétend qu'elle avoit été éprise, ait été sacrifiée par ce dernier qu'elle osa fatiguer de son amour et même menacer. Quoi qu'il en soit, nous ne garantissons point cette der pière assertion : cette jeune fille étoit peutêtre aussi irréprochable, aussi pure dans ses mccurs, qu'eloignée dy desir d'attenter aux jours de ce monstre. Elle n'avoit peut être, en venant chez Robespierre, d'autre de sir que de le voir, d'aurre dessein que de savoir, comme elle le dit elle même dans son interrogatoire, comment étoit fait un tyran, qualification qu'elle entendoit sans doute prodiguer à cet homme dans l'intés rieur de la maison de son père, à un homme qui faisoit d'ailleurs tant de bruit et que la seule curiosité l'entraînoit à voir. Elle avoit en outre deux frères qu'elle chérissoit, que la réquisition avoit enlevés à son vieux père, dont ces jeunes gens estimables faisoient le bonheur et la consolation ; en falloit-il plus pour exaspérer la tête d'une Cc z

jeune fille qui croyoit que ses frères ne se sacrifioient que pour un tyran, et qui étoit d'autant plus fondée à le croire, qu'à cette époque, on n'appeloit les soldats français que les soldats de Robespierre; ajoutez à cela qu'elle vivoit aussi avec deux tantes, ex-religieuses, qui, révoltées des impiétés qu'elles voyoient commettre, ne manquoient pas sans doute d'en témoigner leur indignation devant leur nièce. Il est douloureux que, sur un événement de cette nature, nous ne puissions fixer l'opinion du lecteur, mais nous ne pourrions le faire qu'aux dépens de la vérité, et ce n'est pas notre intention. Il existe bien un procès-verbal qui constate l'interrogatoire de Cécile Renaud, mais ce procès-verbal, bien qu'il ait le cachet de la vérité, peut être falsifié, tronqué; ce sont des membres de comités révolutionnaires, dévoués à Robespierre, près desquels la jeune Renaud a d'abord été conduite ; ce sont des fonctionnaires publics d'alors qui ont dressé ce procès-verbal, tous étoient aussi dévoués à Robespierre, auroient ils osé y insérer quelque chose à sa charge? les satellites

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qui avoient arrêté cette jeune fille, disoient hautement qu'elle avoit voulu assassiner Robespierre; quel homme eût osé consta ter le contraire par écrit ? s'il s'en fût avisé, on l'eût assassiné lui-même. Quoi qu'il en soir, voici l'extrait de cet interrogatoire que nous livrons à la sagacité du lecteur. Demande. Quel est votre nom votre âge, votre profession, votre demeure? Réponse. Je m'appelle Aimée Cécile Renaud, âgée de 20 ans, demeurant chez mon père, marchand papetier, rue de la Lanterne, section de la Cité. D. Quel motif vous avoit amenée chez Robespierre ? R. Pour lui parler? D. Quelle étoit l'affaire dont vous vouliez lui parler. R. C'est selon que je l'aurois trouvé. D. Quelqu'un vous a-t il chargé de lui parler? R. Non. D. Aviez-vous quelque mémoire à lui présenter? R. Cela ne vous regarde pas. D. Connoissez-vous Robespierre R. Non, puisque je demandois à le connoître. D. Quel étoit votre motif? R. Pour savoir s'il me convenoit, D. Expliquez vous clairement sur ces mots, pour savoir s'il me convenoit. R. Je n'ai rien à répondre. D. N'avez vous pas témoigné de l'humeur de ce qu'il n'étoit pas chez luj R. Oui. D. Connoissez vous la rue de l'Estrapade R. Non. D. Avez-vous dit aux citoyens qui vous ont arrêtée chez le citoyen Robespierre, que vous verseriez tout votre sang

s'il le falloit pour avoir un roi ? R. Oui. D. Lę soutenez-vous? R. Oui. D. Quels sont les motifs qui vous déterminent à desirer un tyran? R. Je desire un roi parce que j'en aime mieux un que cinquante mille tyrans, et je n'ai été chez Robespierre que pour voir comment étoit fait un tyran. D. Pourquoi êtes-vous munie d'un paquet de hardes. R Parce que m'attendant bieg à aller dans le lieu où je vais sûrement être conduite, j'étois bien aise d'avoir du linge blanc pour mon usage. D. De quel lieu entendez-vous parler R. De la prison; pour aller de là à la guillotine. D. Quel usage vous proposicz-vous de faire de deux couteaux qu'on a trouvés sur vous ? R. Aucun, n'ayant intention de faire mal à personne.

Cet interrogatoire, à qui l'on affecta de donner une grande publicité, fût-il vrai d'un bout à l'autre, ne prouvoit pas que Cécile Renault eût réellement voulu assas siner Robespierre; mais il n'en falloit pas davantage pour vociférer par-tout que l'incorruptible avoit failli de tomber sous le poignard des rois, et pour justifier aux yeux du peuple, que Ladmiral, assassin de Collot et Cecile Renaud, assassin de Robespierre, n'avoient été dirigés dans leur action que par les puissances couron

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nées, auxquelles les comités de gouvernement, et particulièrement Robespierre, se disoient toujours en butte. Ces mêmes comités trouvèrent à propos de faire périr ces individus avec soixante autres, et notamment avec un homme d'un certain nom, le baron de Batz, qu'on qualifioit d'agent de conspirations émanées des puissances étrangères; tous ces individus, dont les trois quarts ne s'étoient jamais vus qu'au tribunal révolutionnaire, furent condamnés comme assassins de Robespierre et de Collot-d'Herbois, et conduits en chemises rouges au lieu du supplice. On ne mit pas deux heures à les juger en masse ; de leur nombre étoit Hippolite-Montmorency Laval, jeune homme âgé de 26 ans, d'une phisionomie superbe, plein d'érudition et de talens; de leur nombre aussi étoient la femme Sainte-Amarante et sa fille Sartine, dont nous avons parlé plus haut, en disant que souvent les compagnons de table de Robespierre, payoient cher l'honpeur qu'il leur faisoit de les admettre dans şon intimité.

En effet, la femme Sainte-Amarante,

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