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termes, que vous nourrissiez le petit Capet des projets de vengeance que vous et les vôtres n'avez cessé de former contre la liberté, et que vous vous fattiez de relever les débris d'un trône brisé, en l'inondant de tout le sang des patriotes.

Tels furent tous les débats du procès d'Elisabeth Fouquier-Tinville conclut à la mort, et les jurés de son tribunal prononcèrent, en leur ame et conscience, qu'elle avoit mérité la mort. Sa jeunesse et les grâces dont elle étoit pourvue, n'attachèrent point cette femme à la vie ; elle avoit trop souffert sans l'avoir merité; elle entendit son arrêt, le sourire sur la bouche, monta sur l'échafaud avec aisance et sérénité, et tendit le col au bourreau avec indifférence. Avec elle mourut aussi une femme intéressante par ses malheurs, la veuve Montmorin, dont le mari avoit été mas• sacré dans les prisons, le 2 septembre, dont presque toute la famille avoit été égorgée avant elle, et a qui il ne restoic qu'un fils âgé de 19 ans, qu'elle vit périr sur le même échafaud que celui où elle

monta.

Si l'on considère un moment les occu

pations multipliées des Lebas, Couthen, Saint Just, Vadier, Vouland, Amar, Collot-d'Herbois, Robespierre et autres tigres, membres des deux comités de gouvernement, si l'on réfléchit à leurs voyages dans les départemens, à la multiplicité. des affaires qu'expédioient ces deux comités où tout venoit abonti; si l'on considère que ces individus, outre les séances de leurs comités, assistoient encore aux séances de la convention, aux séances des Jacobins, et que dans toutes ces assemblées il n'y avoit guère que pour eux à parler; si l'on pèse enfin toutes leurs démarches et leurs opérations, on sera tenté de croire que la soif de la domination et le desir de conserver le pouvoir, occupoient uniquement toutes leurs facultés physiques et morales cependant on sera dans l'erreur ; presque tous ces décemvirs, aussi prodigues de la fortune publique dans leur intérieur, que prodigues du sang humain à lą tribune de la convention, avoient, dans les environs de Paris, des lieux de plaisance, des maisons secrétes et isolées, où, se vautrant dans les débauches les plus

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crapuleuses, ils renouveloient, de nos jours, les scènes de Caprée.

Comme il n'entre pas dans notre plan de décrire toutes les orgies auxquelles se livroient tous ces membres des comités de gouvernement, il nous suffira de parler de celles qui étoient familières au vertueux Robespierre, dont les discours publics respiroient la philantropie et l'amour des bonnes mœurs. Ce monstre avoit dans la commune de Maisons, à deux petites lieues de Paris, un château magnifique, entouré d'un parc superbe, et provenant d'un émigré. Il fesoit occuper ce château par un aide-de-camp d'Henriot, qui lui servoit à-la-fois de concierge et de pourvoyeur. Cet aide-de-camp avoit soin, quand Robespierre arrivoit à petit bruit et particulièrement la nuit, de tenir le château, garni de femmes de mauvaise vie et d'une table somptueusement servie, où l'on se livroit à des excès de tout genre, C'étoit là, c'étoit au milieu des images Jubriques réfléchies par des glaces nombreuses, au milieu des peintures las cives éclairées par cent bougies, à l'odeur des

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parfums brûlant dans des cassolettes précieuses, à la fumée des vins les plus exquis, que le dieu Robespierre, entouré de Couthon, Saint-Just, et Henriot, d'une main tremblante de débauche, signoit de nombreuses proscriptions, et laissoit imprudemment échapper devant des prostituées, qu'il y auroit bientôt plus de dix mille Parisiens égorgés a'un coup, et que tels députés qui se promenoient tranquillement · dans Paris, seroient bientôt guillotinés.

La terreur étoit si profonde, le nom de Robespierre en imposoit tellement aux malheureux habitans de Maisons, que quelle que fût à leur égard l'insolence du pourvoyeur Deschamps, compagnon de débauche de Robespierre, et son factotum en cette partie, ils n'osoient-murmurer ni se plaindre. Ce Deschamps, en se rendant à Maisons, traversoit les rues avec tant de rapidité, qu'il tucit ou estropioit de son cheval tous ceux qui se rencontroient sur son passage; un procès-verbal dressé après le 9 thermidor, par les autorités de la commune de Charenton, atteste, qu'en un: jour, ce misérable cassa le bras d'un enfant

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et estropia un vieillard. Que ne lui étoit-il pas permis de faire ? il étoit si avant dans les bonnes grâces de Robespierre qu'il avoit servi de parrain à un fils que ce dernier avoit eu d'une Messaline nommée Rosalie.

Le satyre Couthon, quoiqu'il n'eût que le buste d'animé, et que le reste de son corps fût paralysé, quoiqu'il fût des saturnales de son protecteur Robespierre. avoit aussi une petite maison à un quart de lieue de Paris, à Passy, où, honteux de son impuissance, il cherchoit cependant à s'en consoler, par les complaisances d'un tas de bacchantes dont il s'y faisoit entourer. Croyant sa puissance bien solide, dans le moment même où il ensevelissoit sa turpitude dans les boudoirs ou les bosquets de sa maison de Passy, il se faisoit construire un palais superbe à Chamalière, près Clermont : quatorze millions devoient être employés à embellir ce Louvre, dont le plan étoit déjà dressé par les autorités constituées des lieux, qui ne s'occupoient qu'à flagorner cet impotent triumvir.

Froidement féroce jusqu'au sein des voluptés, plus d'une fois le tyran Robespierre

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