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matelots appuie cette prière, et cette triste consolation leur est laissée en mourant. A peine ces victimes sont elles précipitées dans la Loire, qu'elles sont assommées à coups de crosse, et les soldats-Marat font un feu continuel sur la surface qui les entoure; le bruit des vagues, celui de la mousqueterie et les chants affreux des principaux agens de ces supplices, étouffent les cris des mourans. Les habitans des bords de la Loire ont entendu plus d'une fois, dans le courant de la nuit, ces mousquetades qui se prolongeoient pendant plusieurs heures.

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Le comité avoit d'abord choisi la nuit pour ces expéditions; mais cet essai de la tyrannie, effectué sans le moindre obstacle, le rendit plus audacieux. Il jeta toutà-fait le masque, et le soleil éclaira bientôt ses nombreux forfaits.

Des hommes, des femmes, des enfans, totalement nuds, sont précipités du haut des gabares dans les flots. Les bourreaux s'amusent sur le pont à les frapper à coups de sabre; ils tranchent la tête aux uns, ils en saisissent d'autres par les jambes, et les

culbutent dans la Loire. Lorsque le nombre des victimes est trop considérable, tout est prévu pour qu'aucune n'échappe; les crocs, les rames, le plomb, plus sûrement dirigés, les atteignent de toutes parts.

Une quantité de femmes, la plupart enceintes, et d'autres pressant leur nourrisson sur leur sein, sont menées à bord des gabares; les cris les plus lamentables se mêlent aux sombres murmures des flots; ces infortunées n'attendent plus rien de la pitié des hommes. Leur douleur se manifeste sous les traits les plus affligeans; une d'elles venoit d'accoucher sur la grêve, les bourreaux lui donnent à peine le tems de terminer ce grand travail ; ils avancent, toutes sont amoncelées dans la gabare, et après les avoir dépouillées à nud, on leur attache les mains derrière le dos; les cris les plus aigus, les reproches les plus tou

chans de ces malheureuses mères se font entendre de toutes parts contre leurs bourreaux; les monstres y répondent à coups de sabre; et la timide beauté, déjà assez occupée à cacher sa nudité aux scélérats qui l'outragent, détourne en frémissant ses

regards de sa compagne défigurée par le sang, et qui, chancelante, vient rendre le dernier soupir à ses pieds ; mais le signal est donné, les charpentiers, d'un coup de hache, lèvent les sabords, et l'onde les ensevelit pour jamais.

On fait monter à vingt-cinq le nombre des noyades qui ont eu lieu à Nantes. On ne peut affirmer au juste le nombre des individus qui ont été précipités dans les flots. Mais quelle idée sera-ce en donner, en di❤ sant que pendant long tems, et dans une étendue de dix-huit lieues, la Loire étoit, depuis Saumur jusqu'à Nantes, toute rouge de sang ! Enflée par la foule immense des cadavres qu'elle rouloir avec ses flots, elle portoit l'épouvante avec l'Océan ; mais tout-à-coup une marée violente repousse jusques sous les murs de Nantes, ces affreux monumens de tant de cruautés; Toute la surface du fleuve est couverte de membres flottans çà et là, que se disputent avec acharnement les poissons qui les dét chirent. Quel spectacle pour les Nantais Une sage prévoyance leur interdit l'usage de cette eau, et des poissons qu'elle

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Bourrit. L'un et l'autre empoisonneroient infailliblement les sources de la vie.

Mais comme si le ciel eût voulu épouvanter le crime lui-même, par le spectacle forcé des victimes de ses forfaits, une multitude considérable de ces cadavres, portée tout-à-coup par le remoux de l'onde sur les grêves, y reste déposée lors de la baisse de la marée. Les oiseaux de proie, les animaux carnaciers, les déchirent par lambeaux. L'effroi éloigne d'abord tour secours; mais bientôt des invitations pres santes et le sentiment de la conservation personnelle, font courir en foule les habitans riverains, qui consacroient plusieurs jours aux devoirs de l'inhumation.

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Ainsi périrent des milliers d'individus ; mais les outrages qu'on leur fit éprouver avant de leur donner la mort furent si variés, les agens de ces atrocités y portèrent un tel raffinement, que la plume ne peut saisir tous les traits que ces phénomènes de cruauté inventoient à chaque minute.

Habiles dans la funeste science de don per la mort, ils créèrent un nouveau genre

de supplice qu'ils nommèrent : mariages républicains. Cette horrible cérémonie consistoit dans l'assemblage de deux personnes de différent sexe, nues et attachées l'une à l'autre. La bizarre imagination de ces monstres y réunit tantôt la vieillesse à côté de la vieillesse, la jeunesse à côté de la jeunesse, et quelquefois ces deux âges furent entremêlés. On peut d'abord se faire une idée de l'ironie et des sarcasmnes que vomissoient les auteurs de ces atroces tra❤ gédies: mais on se peindra difficilement les impressions douloureuses qui déchiroient ainsi la pudeur, et combien étoit terrible pour le cœur sensible et aimant ce jeu cruel, qui consistoit à exposer à nud › avec d'aussi horribles circonstances, des charmes que l'imagination ne se peint jamais que sous les couleurs du plaisir et avec l'idée du bonheur.

Tant de forfaits seroient-ils moins affreux, quand ils n'auroient eu pour objet que les royalistes sanguinaires et fanatiques de la Vendée ? L'arbre de la li berté est coupé à Bédouin, distant de trois lieues de Carpentras, département de Vau

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