nous pouvons, plus que jamais, espérer le triomphe sur toutes les factions, forcées de céder, à la fin, à l'ascendant de la vertu, quand celle-ci dominera de toutes parts dans le cœur d'un peuple régénéré à l'école de l'expérience et du malheur. Citons donc encore quelques traits d'une barbarie sans exemple, et nous nous serons acquittés d'un des devoirs les plus pénibles que l'historien puisse avoir à remplir. Une proclamation, faite par Carrier, assuroit une amnistie aux rebelles qui se rendroient à Nantes. En effet, quatre-vingt cavaliers, tous armés et équipés, arrivent dans cette commune, et après avoir rejetté tout le blâme de leur insurrection sur leurs chefs, ils offroient de les livrer pieds et poingts liés. Les administrateurs s'assemblent et arrêtent qu'il en sera référé à Carrier: l'ordre est aussi-tôt donné par ce représentant, de les conduire à l'entrepôt, et le lendemain ils sont fusillés dans la plaine de Sainte-Mauve. Au même endroit est fusillé un déra chement d'infanterie qui se rendoit volöntairement. Quatre-vingt-six cavaliers remettent leurs armes au poste du Bourg-Fumée ; arrivés à onze heures du matin, à une heure ils n'existoient plus. Environ quatre-vingt femmes, extraites de l'entrepôt, traduites au champ de catnage, y sont fusillées; ensuite on les dépouille et leurs corps restent trois jours sans sépulture. Cinq cents enfans des deux sexes, dont les plus âgés avoient quatorze ans aussi conduits au même endroit Sont pour y être fusillés. Jamais spectacle ne fut plus attenidrissant et plus effroyable. La petitesse de leur taille les met à l'abri des coups de feu : ils délient leurs liens, s'éparpillent jusque dans les bataillons de leurs bourreaux, cherchent un refuge entre leurs jambes qu'ils embrassent fortement, en levant vers eux leurs visages où se peignent à-la-fois l'innocence et l'effroi ; rien ne fait impres sion sur ces exterminateurs ; ils les égor gent à leurs pieds. D'autres parviennent à s'écarter s'écarter de ces bataillons de la mort : des soldats se détachent et le plomb arrête leur course en les renversant sur la pous sière: des cavaliers les atteignent et les massacrent; les plus proches sont hachés en morceaux par ces cannibales: la vigueur de l'âge les fait relever plusieurs fois sous les coups qu'on leur porte; autant de fois ils sont renversés, jusqu'à ce qu'ils soient privés de la lumière. Un soldat perd connoissance à la vue de ce spectacle horrible, le fer acheve de le plonger dans les ténè bres. Un officier demande grâce, il est tra duit au milieu d'un de ces groupes d'enfans et fusillé avec eux. : Les routes sont couvertes de prisonniers de tout sexe et de tout âge voyageant par centaines chaque jour en voit croître le nombre et chaque jour les voit disparoître: on suppose que les brigands approchent, et des milliers de malheureux sans défense sont massacrés et fusillés. Transportons-nous maintenant sur les bords de la Loire, nous y verrons ses flots grossis par les cadavres : les enfans à la mamelle ne trouvent point de grâce auprès de Z ces bourreaux: en vain les mères, au mỡ ment de la submersion, demandent à genoux qu'on épargne ces innocentes victi– mes: «< ce sont, s'écrient les dignes échos de la morale de Carrier, ce sont des louve→ teaux qu'il faut étouffer ». Six cents enfans sont compris dans une seule noyade. Les premiers qui subirent ce nouveau genre de supplice, furent quatre-vinge prêtres du département de la Nièvre. Carrier les fit conduire sur une gabare où, sedon ses expressions, le décret de déportation fut exécuté verticalement. La seconde noyade eut lieu la nuit de 24 au 25 frimaire an 25 ( 14 au 15 décembre 1793) on conduisit cent trente-huit détenus au corps de garde de la Machine, en leur faisant accroire qu'on les conduisoit à Belle-Isle. Pendant ce trajet, un des détenus parvient à s'échapper; un des membres du comité révolutionnaire renverse d'un coup de pistolet celui avec lequel il étoit attaché. Arrivés à la gabare, les échelles se trouvent trop courtes pour les descendre au fond. On pourvoit à cet inconvenient, en les précipitant la tête la première, à fond de cale. Aussitôt on ferme l'écoutille, lès conducteurs chavirent la gabare, les charpentiers soulèvent les sabords, le fond s'ouvre et tout est englouti; quelques-uns cependant échappent aux flots, Le comité, pour se garantir de ces évasions, qui mettoient au grand jour ses forfaits, avoit pris la précaution de faire ga rotter ceux qu'il destinoit à ce supplice. La compagnie Marat étoit chargée de cette fonction; on faisoit sortir les détenus de leurs cachots à coups de sabre, on les lioir ensuite par douzaine et les soldats de Marat s'amusoient à les percer de leurs bayonnettes, en attendant l'instant du départ. Une masse de huit cents individus ainsi garottés, fut conduite à bord de la fatale gabare. Dans une autre circonstance, cinq-cents sortent de l'entrepôt à onze heures du soir, Entrés dans la barque, on leur enlève leurs vêtemens, on avoit même projeté de les dépouiller entièrement. Les femmes demandent en grâce qu'on leur laisse au moins le linge qui les couvre. L'indignation des Z z |