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convention eût eu le courage de convertir cette proposition en décret, et que Danton et Camille, tirés de leurs cachots, eussent paru à la tribune, il n'est pas douteux, disons-nous, que leur présence n'eût rallumé l'énergie de leurs collègues, et de ce moment, Robespierre et ses comités étoient pulvérisés. Robespierre le savoit bien: Robespierre n'ignoroit pas que Danton pouvoit encore beaucoup dans son cachot, et que tant qu'il respireroit, il y auroit tout à craindre pour lui. Il entra à l'assemblée au moment où Legendre achevoit de parler. Furieux de ce qu'on ose résister aux ordres absolus des comités de gouvernement, il roule des regards menaçans sur tous ceux qu'il soupçonne de vouloir ravir à ses griffes sanglantes la proie qu'il se dispose à dévorer ; il ose proclamer traîtres à la patrie, ceux qui veulent appuyer la proposition de Legendre, et demande impérieusement la question préalable, Legendre est obligé de se taire ; et quand il eût insisté, il n'eût fait qu'appeler la hache sur sa tête, sans pouvoir sauver celle de son ami.

Danton, Camille Desmoulins, Phelippeaux, Lacroix, Hérault de Séchelles, Fabre-d'Églantines arrêtés, il falloit bien ourdir une grande conspiration, dont tous ces conventionnels seroient les agens ; il falloit ourdir cette trame très-promptement; le moindre retard pouvoit être funeste à Robespierre, au comité de salut public. Le verbeux Saint-Just en fut encore chargé: c'étoit particulièrement Danton qu'il falJoit noircir, déchirer, rendre hideux ; il n'épargna rien pour y parvenir; il l'accusa d'avoir servi la tyrannie; d'avoir été vendu à d'Orléans et à Dumourier; d'avoir été du parti de Lafayette et de Brissot; d'avoir été couler d'heureux jours à Arcis-surAube, pendant que les patriotes étoient persécutés ; d'avoir voulu se coucher dans la nuit qui précéda la journée du 10 août ; d'avoir fait nommer d'Orléans et Fabred'Eglantines à la convention; d'avoir enrichi, pendant son' ministère, ce même Fabre-d'Églantines, qui, à cette époque, prêchoit tout haut le fédéralisme; d'avoir protégé Vergniaux et la Gironde; d'avoir empêché Duport-du-Tertre d'être assas▾

siné dans une émeute; enfin, d'avoir été l'ennemi de Marat et l'ami intime de Lacroix, conspirateur depuis long-tems décrié, avec l'ame impure duquel on ne pouvoit être uni que par le nœud qui associe des conjurés; et pour terminer cette longue suite de crimes que nous ne faisons qu'analyser très-succinctement, Saint-Just ajoutoit que Danton étoit un homme si corrompu et si pervers, qu'il comparoit l'opinion publique à une femme de mauvaise vie; que, selon lui, l'honneur n'étoit qu'un ridicule, la gloire et la postérité qu'une sottise.

Danton et les cinq autres députés que nous venons de nommer furent donc traduits aussi-tôt devant le tribunal révolutionnaire on leur amalgama Delaunay d'Angers, Chabot, Bazire, d'Espagnac, Junius Frey, Étienne Frey, Gusman et d'autres individus moins connus. Interrogés, comme c'étoit l'usage, sur leur nom demeure et profession, Camille répondit « J'ai l'âge du sans-culotte Jésus, trentetrois ans quand il mourut ». Danton : « Ma demeure sera bientôt dans le néant ; quant

à mon nom, vous le trouverez dans le Pan théon de l'histoire ». Hérault de Séchelles :

Je m'appelle Marie Jean, noms peu fameux parmi les saints; je siégeois dans cette salle, où j'étois détesté des parlemenmentaires. Le tribunal révolutionnaire' tenoit effectivement ses séances dans le lieur où avoit siégé le parlement de Paris, dont Hérault avoit été membre.

Les accusés demandèrent que le rapport fait contre eux par Saint Just leur fût communiqué; on accéda à leur demande; mais après en avoir entendu la lecture, ils déclarèrent formellement qu'ils ne s'expliqueroient pas, qu'ils ne répondtoient pas aux calomnies qui étoient dirigées contie eux, tant que les membres des comités de gouvernement ne seroient pas présens aux débats, afin qu'ils pussent s'expliquer avec eux, et nommément avec Robespierre, Couthon et Saint-Just. Ils en appelèrent au peuple et crièrent contre la tyrannie des comités de gouvernement avec tant de force, que le président du tribunal révoluGionnaire, Herman, et l'accusateur Fou

quier, se décidèrent à en référer aux comités.

Ils écrivent en conséquence à Robespierre et à ses complices, qu'un orage terrible gronde au tribunal révolutionnaire depuis que la séance est commencée ; que les accusés réclament, comme des forcenés, l'audition de témoins à décharge ; qu'ils en appellent au peuple du refus qu'ils prétendent éprouver; que, malgré la fermeté du tribunal, leurs réclamations multipliées troublent la séance, et qu'ils annoncent hautement qu'ils ne se tairont pas que les té moins qu'ils demandent ne soient entendus. Herman et Fouquier invitent en conséquence les comités à leur tracer définitivement une règle de conduite sur cette réclamation, l'ordre judiciaire ne leur fournissant aucun moyen de motiver ce refus, Cette excuse de Fouquier n'étoit qu'an subterfuge de sa part; car dans l'affaire de la Gironde et le procès de Custine et de tant d'autres, il avoit bien su déclarer, pour assassiner son monde, que le tribunal étoit suffisamment instruit, et qu'il étoit

inutile

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