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Carrier et autres révolutionnaires de cette trempe, fut informé de l'incarcération de Ronsin et de Vincent, il cria au meurtre, à l'assassin, vociféra que la liberté étoit perdue, et mit tout en usage pour les faire rendre à la liberté : Hébert, particulièrement, qui sentoit à merveille que les discours de Robespierre et de Saint-Just déceloient un coup d'autorité dont il ne tarderoit pas à être la victime, osa attaquer front plusieurs membres du comité de salut public, et s'appuya de Collot-d'Herbois, qu'il combla d'éloges pendant qu'il dénigroit les autres; sa feuille étoit hardie : les Cordeliers firent tant qu'ils intéressèrent les Jacobins, et les déterminèrent à solliciter, conjointement avec eux, la mise en liberté de Ronsin et de Vincent, qui furent effectivement élargis par le comité de sûreté générale. Mais, soit que ce comité se repentît de cette condescendance, soit que les Cordeliers se fissent craindre effectivement, en poussant l'audace jusqu'à prêcher une nouvelle insurrection, en demandant de nouveaux massacres, et en voilant la déclaration des droits de l'homme, Vin

cent et Ronsin furent mis de nouveau en arrestation par le tribunal révolutionnaire, qui reçut ordre de se charger de cette affaire, et qui les mit aussi-tôt en jugement et les condamna à mort, ainsi qu'Hébert, Momoro, Ducroquet, Laumur, les étrangers Anacharsis Clootz, Desfieux, Péreira, Dubuisson et plusieurs autres intrigans de leur trempe, pour avoir, étoit - il dit dans leur acte d'accusation, coïncidé entre eux, à la même époque, dans les moyens et le but de détruire la représentation nationale, et la livrer, ainsi que le peuple, à la fureur des scélérats détenus en leur ouvrant les prisons,

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Il est bon de remarquer ici le mot de coincidé : c'étoit une manière commode de. justifier l'amalgame inoui des condamnés, dont plusieurs ne s'étoient jamais vus. Pour aller plus vite en besogne, le tribunal révolutionnaire, quand il avoit soixante individus à condamner à mort, imaginoit un seul chef d'accusation, une prétendue conspiration émanée de la tête de Fouquier Tinville, et envoyoit à l'échafaud, pour un seul fait, cinquante ou soixante indivi

dus qui, loin d'avoir pu conspirer ensemble, étoient, les uns du nord, les autres du midi, et se voyoient pour la première fois au tribunal révolutionnaire.

On vit généralement avec plaisir la mort d'Hébert: il avoit été si atroce, il avoit tant vexé de monde, il s'étoit tant moqué des malheureux qu'on égorgeoit à la jour née, qu'il fut couvert de huées et de sarcasmes pendant tout le cours du trajet qu'il eut à parcourir pour arriver de la pri son à l'échafaud : il n'avoit fait que des escroqueries avant la révolution; depuis la révolution il n'avoit commis que des forfaits; il avoit renié Dieu publiquement ; il étoit baffoué en allant au supplice : dans cet instant fatal quelle dut être la torture de ce monstre! Son châtiment fut regardé comme l'aurore de la justice qui alloit renaître le journal de Camille, qui ne prêchoit toujours que la clémence, qui redemandoit le règne de l'humanité, fortifioit dans l'espoir où l'on étoit, que la pitié alloit se faire entendre, et que les comités de gouvernement vouloient adoucir les formes hideuses du régime révolutionnaire: cette

espérance s'évanouit en un moment, car le malheureux Camille fut jeté dans un cachot, l'instant d'après celui où l'hypocrite Robespierre venoit de le presser sur son cœur, et traîné à l'échafaud peu de jours après.

par

En effet, Hébert et autres avoient été condamnés par le tribunal révolutionnaire, le premier germinal, et dans la nuit du 10 au 11 de ce mois, Danton, Lacroix, PheHippeaux et Camille - Desmoulins furent ar rêtés ordre des comités de gouvernement. Le patriotisme de ces individus, la popularité dont ils avoient joui, leur influence dans la convention, tout cela sembloit rendre impossible le nouveau coup d'autorité que s'étoient permis les comités de gouvernement contre la représentation nationale; elle en fut atterrée,

Cependant la nouvelle officielle n'en étoit point encore parvenue à la conven tion, qu'un homme à caractère, et vraiment courageux, Legendre, osa prendre la défense de son ami Danton. « Je ne suis, disoit-il avec amertume, je ne suis que le fruit du génie de la liberté, je ne dévelop

perai qu'avec une grande simplicité la proposition que je vous fais: mon éducation n'est pas l'ouvrage des hommes, je ne la tiens que de la nature; n'attendez de moi que l'explosion du sentiment. J'ai le droit de craindre que des haines particulières et des passions individuelles n'arrachent à la liberté des hommes qui lui ont rendu les plus éminens services. Il m'appartient de dire cela de l'homme qui, en 1792, fit lever la France entière par les mesures énergiques dont il se servit pour ébranler le peuple; de l'homme qui fit décréter la peine de mort contre quiconque ne donneroit pas ses armes, ou n'iroit pas en frapper l'ennemi. L'ennemi étoit aux portes de Pa ris, Danton vint et sauva la patrie : j'avoue que je ne puis le croire coupable : il est dans les fers, de cette nuit ; on craint sans doute que ses réponses ne détruisent les accusations dirigées contre lui; je demande qu'ayant que la convention entende aucun rapport de ses comités, les détenus soient mandés et entendus »

Il n'est pas douteux que si la demande de Legendre eût été appuyée, que si la

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