ceux de Souverain; car chaque magiftrat est prespue toujours chargé de quelque fonction du Gouvernement, au lieu que chaque citoyen pris à part n'a aucune fonction de la fouveraineté. D'ailleurs, plus l'Etat s'étend, plus sa force réelle augmente, quoiqu'elle n'augmente pas en raison de fon étendue: mais l'Etat restant le même, les magistrats ont beau semultiplier, le Gouvernement n'en acquiert pas une plus grande force réelle, parce que cette force eft celle de l'Etat, dont la mesure est toujours égale. Ainsi la force rélative ou l'activité du Gouvernement diminue, sans que sa force absolué ou réelle puisse augmenter. IL EST für encore que l'expédition des affaires devient plus lente à mesure que plus de gens en font chargés, qu'en donnant trop à la prudence on ne donne pas assez à la fortune, qu'on laisse échapper l'occasion, & qu'à force de délibérer on perd souvent le fruit de la délibération. JE VIENS de prouver que le Gouvernement se relâche à mesure que les magistrats se multiplient, & j'ai prouvé ci-devant que plus le peuple est nombreux, plus la force réprimante doit augmenter. D'où il suit que le rapport des magistrats au Gouvernement doit être inverse du rapport des sujets au Souverain: C'est a dire que, plus l'Etat s'aggrandit, plus le Gouvernement doit doit se ressferer; tellement que le nombre des chefs diminue en raison de l'augmantation du peuple. AU RESTE je ne parle ici que de la force rélative du Gouvernement, & non de sa rectitude: Car au contraire, plus de magistrat eft nombreux, plus la volonté de corps se rapproche de la volonté générale; au lieu que sous un magistrat unique cette même volonté de corps n'est, comme je l'ai dit, qu'une volonté particuliere. Ainsi l'on perd d'un côté ce qu'on peut gagner de l'autre, & l'art du Législateur est de savoir fixer le point où la force & la volonté du Gouvernement, toujours en proportion réciproque, se combinent dans le rapport le plus avantageux à l'Etat. CHAPITRE IX. Division des Gouvernemens. N A vu dans le chapitre précédent pourquoi l'on diftingue les diverses especes ou formes de Gouvernemens par le nombre des membres qui les composent; il reste à voir dans celui-ci comment se fait cette division. LE SOUVERAIN peut, en premier lieu, commettre le dépôt du Gouvernement à tout le peuple ou à la plus grande partie du peuple, en forte qu'il y ait plus de citoyens magistrats que que de citoyens simples particuliers. On donne à cette forme de Gouvernement le nom de OU BIEN il peut refferrer le Gouvernement entre les mains d'un petit nombre, en forte qu'il y ait plus de simples Citoyens que de magiftrats, & cette forme porte le nom d'Aristocratie. moh ENFIN il peut concentrer tout le Gouvernement dans les mains d'un magiftrat unique dont tous les autres tiennent leur pouvoir. Cette troisieme forme est la plus commune, & s'appelle Monarchie ou Gouvernement royal. HON DOIT remarquer que toutes ces formes ou du moins les deux premieres sont susceptibles de plus ou de moins, & ont même une affez grande latitude; car la Démocratie peut embraffer tout le peuple ou se resserrer jusqu'à la moitié. l'Aristocratie à son tour peut de la moitié du peuple se resserrer jusqu'au plus petit nombre indéterminement. La Royauté même est susceptible de quelque partage. Sparte ent conftamment deux Rois par sa constitution, & l'on a vu dans l'empire romain jusqu'à huit Empereurs à la fois, sans qu'on pût dire que l'Empire fût divisé. Ainsi il y a un point où chaque forme de Gouvernement se confond avec la suivante, & l'on voit, que fous trois feules dénominations, le Gouvernement eft reelle. G ellement fufceptible d'autant de formes diverses que l'Etat a de Citoyens IL Y A plus: Ce même Gouvernement pouvant à certains égards se subdiviser en d'autres parties l'une adminiftrée d'une maniere & l'autre d'une autre, il peur réfulter de ces trois formes combinées une multitude de, formes mixtes, dont chacune est multipliable par toutes les formes fumples ON A de tous tems beaucoup difputé fur la meilleure forme de Gouvernement, fans confidérer que chacune d'elles eft la meilleure én certains eas, & la pite en d'autres. SIDANS les différens Etats le nombre des magistrats suprêmes doit étre en raifon inverse de celui des Citoyens, il s'enfuit quen général le Gouvernement Démocratique convient aux petits Etats, l'Aristocratique aux médiocres, & le Monarchique aux grands. Cette regle se tire immédiatement du principe; mais comment compter la multitude de confiftances qui peuvent fournir des exceptions? CHAPITRE IV. De la Démocratie. ELUI qui fait la loi fait mieux que perfonne comment elle doit être exécutée & in ter terprétée. Il fenible donc qu'on ne fautoit avoit une meilleure constitution que celle où le pouvoir exécutif eft joint au legislatif: Mais c'est cela même qui rend ce Gouvernement insuffisant à certains égards, parce que les choses qui doivent être distinguées ne le font pas, & quede prince & le Souverain n'étant que la même perfonne ne forment, pourainfi dite, qu'un Gouvernement sans Gouvernement. -IL N'EST pas bon que celui qui fait les loix les exécute, ni que le corps du peuple détourne son attention des vues générales, pour les donner aux objers particuliers. Rien n'est plus dangereux que l'influence des intérêts privés. dans les Affaires publiques, & l'abus des loix, par le Gouvernement est un mal moindre que la corruption du Législateur, suite infaillible des vues particulieres. Alors l'Etat étant altéré. dans sa substance, toute reforme devient, im-, possible. Un peuple qui n'abuseroit jamais du Gouvernement n'abuseroit pas non plus de l'in-, dépendance; un peuple qui gouverneroit tour . jours bien n'aurois pas besoin d'être gouverné. A PRENDRE de terme dans la figueur de l'acception, il n'a jamais existé de véritable Démocratie, & il n'en existera jamais. Il est contre Pordre naturel que le grand nombre gouverne & que le peuple foit gouverné. On ne peut imaginer que le peuple refte incellamment affem to :: G2 |