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n'est pas de fon essence, on trouvera qu'il se reduit aux termes suivans. Chacun de nous met en commun sa personne & toute sa puissance sous la fupréme direction de la volonté générale; & nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout.

cet acte

A L'INSTANT, au lieu de la personne particuliere de chaque contractant, d'association produit un corps moral & collectif composé d'autant de membres que l'assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie & sa volonté, Cette personne publique qui se forme ainsi par Punion de toutes les autres prenoit autrefois le nom de Cite*, & prend maintenant celui de Répu

B

* Le vrai sens de ce mot s'est presque entierement efface chez les modernes; la plupart prennent une ville pour une Cité & un bourgeois pour un Citoyen. Ils ne favent pas que les maisons font la ville mais que les Citoyens font la Cité. Cette même erreur coûta cher autrefois aux Carthaginois. Je n'ai pas lû que le titre de Cives ait jamais éte donné aux sujets d'aucun Prince, pas méme anciennement aux Macédoniens, ni de nos jours aux Anglois, quoique plus près de la liberté que tous les autres. Les seuls François prennent tout familiérement ce nom de Citoyens, parce qu'ils n'en ont aucune véritable idée, comme on peut le voir dans leurs Dictionnaires, sans quoi ils tomberoint en l'ufurpant dans le crime de Léze-Majefté: ce nom chez eux exprime une vertu & non pas un droit. Quand Bodin a voulu parler de nos Citoyens & Bourgeois, il a fait une lourde bevue en prenant les uns pour les autres. M. d'Alembert ne s'y eft pas trompé, & a bien diftingue dans son article Genève les quatre ordres d'homines (méme cinq en y comptant les simples étrangers,) qui font dans notre vil

Républiqua ou de corps politique, lequel eftappellé par ses membres Etat quand il eft paffif, Souverain quand il est actif, Puiffance en le comparant à ses semblables. A l'egard des afsociés ils prennent collectivement le nom de peuple, & s'appellent en particulier Citoyens comme participans à l'autorité souveraine, & Sujets comme soumis aux loix de l'Etat. Mais ces termes se confondent souvent & fe prennent l'un pour l'autre; il suffit de les savoir diftinguer quand ils font employés des toute leur précision.

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CHAPITRE VII.

Du Souverain.

N VOIT par certe formule que l'acte d'affociation renferme un engagement réciproque du public avec les particuliers, & que chaque individu, contractant, pour ainsi dire, avec luimême, se trouve engagé sous un double rapport; savoir, comme membre du Souverain envers les particuliers, & comme membre de l'Eat envers le Souverain. Mais on ne peut appliquer ici la maxime du droit civil que nul n'est tenu aux engagemens pris avec lui-même; car il y a bien de la difference entre s'obliger envers foi; ou envers un tout dont on fait partie.

n'est

le, & dont deux seulement composent la République. Nul autre auteur François, que je fâche, n'a compris le vrai sens du mot Citoyen.

IL FAUT remarquer encore que la délibération publique, qui peut obliger tous les fujets envers le Souverain, à cause des deux différens rapports sous lesquels chacun d'eux est envisagé, ne peut, par la raison contraire, obliger le Souverain envers lui même, & que, par conféquent, il est contre la nature du corps politique que le Souverain s'impose une loi qu'il ne puisse enfreindre. Ne pouvant se considérer que sous un seul & même rapport il est alors dans le cas d'un particulier contractant avec soi même: par où l'on voit qu'il n'y a ni ne peut y avoir nulle espece de loi fondamentale obligatoire pour le corps du peuple, pas même le contract social. Ce qui ne signifie pas que ce corps ne puisse fort bien s'engager envers autrui en ce qui ne déroge point à ce contract; car à l'égard de l'étranger, il devient un être simple, un individu.

MAIS le corps politique ou le Souverain ne tirant son être que de la sainteté du contract ne peut jamais s'obliger, même envers autrui, à rien qui déroge à cet acte primitif, comme d'aliéner quelque portion de lui-même ou de se soumettre à un autre Souverain. Violer

l'acte

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l'acte par lequel il existe seroit s'anéantir, & ce qui n'est rien ne produit rien.

SITÔT que cette multitude est ainsi réunie en uncorps, on ne peut offenfer un des membres fans attaquer le corps; encore moins offenser le corps fans que les membres s'en reffentent. Ainsi le devoir & l'intérêt obligent également les deux parties contractantes à s'entre-aider mutuellement, & les mêmes hommes doivent chercher à réunir sous ce double rapport tous les avantages qui en dépendent.

OR LE Souverain n'étant formé que des particuliers qui le composent n'a ni ne peut avoir d'intérêt contraire au leur; par conféquent la puissance Souveraine n'a nul besoin de garant envers les sujets, parce qu'il eft impossible que le corps veuille nuire à tous fes membres, & nous verrons ci-après qu'il ne peut nuire à aucun en particulier. Le Souverain, par cela seul qu'il est, et toujours tout ce qu'il doit être.

MAIS il n'en est pas ainsi des sujets envers le Souverain, auquel malgré l'intérêt commun, rien ne répondroit de leurs engagement s'il ne trouvoit des moyens de s'affurer de leur fidélité.

EN EFFET chaque individu peut comune homme avoir une volonté particuliere contraire ou diffemblable à la volonté générale qu'il

a com

a comme Citoyen. Son intérêt particulier peut lui parler tout autrement que l'intérêt commun; fon existence absolue & naturellement independante peut lui faire envisager ce qu'il doit à la cause commune comme une contribution gratuite, dont la perte fera moins nuisible aux autres que les payement n'en eft onéreux pour lui, & regardant la personne morale qui constitue l'Etat comme un être de raison parce que ce n'est pas un homme, il jouiroit des droits du citoyen sans vouloir remplir les devoirs du sujet; injustice dont le progrès cauferoit la ruine du corps politique.

AFIN donc que le pacte social ne soit pas un vain formulaire, il renferme tacitement cet engagement qui seul peut donner de la force aux autres, que quiconque refusera d'obéir à la volonté générale y fera contraint par tout le corps: ce qui ne signifie autre chose finon qu'on le forcera d'être libre; car telle est la condition qui donnant chaque Citoyen à la Patrie le garantit de toute dépendance perfonnelle; condition qui fait l'artifice & le jeu de la machine politique, & qui seule rend légitimes les engagemens civils, lespuels fans cela seroient absurdes, tyraniques, & sujets aux plus énormes abus.

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