du dernier neuf, l'excès du premier produit fera. & celui du second 15. Le rapport de ces deux excès étant donc inverse de celui des produits, le terrein qui ne produira que cinq donnera un fuperflu double de celui du terrein qui produit dix. MAIS il n'est pas question d'un produit double, & je ne crois pas que personne ofe metite en général la fertilité des pays froids en égalité même avec celle des pays chauds. Toutefois. supposons cette égalité; laissons, fil'on veut, en balance l'Anglerarre avec la Sicile, & la Pologne avec l'Egypte. Plus au midi nous aurons l'Afrique & les Indes, plus au nord nous 'aurons plus rien. Pour cette égalité de produit, quelle ditference dans la culture? En Sicile il ne faut que grater la terre; en Angleterre que de soins pour la labourer! Or là où il faut plus de bras pour donner le même produit, le superflu doit être nécessairement moindre. CONSIDEREZ, outre cela, que la même quantité d'hommes consomme beaucoup moins dans les pays chauds. Leclimat demande qu'on y foit fobre pour se porter bien: les Européens qui veulent y vivre comme chez eux périffent rous de diffenterie & d'indigeftions. Nous sommes, dit Chardin, des bêtes carnacieres, des loups, en comparaison des Asiatiques. Quelques uns attri attribuent la sobriété des Persans à ce que leur PLUS on approche de la ligne, plus les peu vers 1 vers les choses de consommation. En Angleter re, il se montre sur une table chargée de viandes; en Italie on vous règale du sucre & de fleurs... LE LUXE des vêtemens offre encore de semblables différences, Dans les climats où les changemens des saisons sont prompts & violens, on a des habits meilleurs & plus fimples, dans ceux où l'on ne s'habille que pour la parure on y cherche plus d'éclat que d'utilités les habits eux-mêmes y font un luxe. A Naples wous ver rez tous les jours se promener an Paulylippe des hommes en veste dorée, & point de bas. Geft la même chose pour les bâtimenss on donne tout à la magnificence quand on n'a rien à craindre des injures de l'air. A Paris à Londres on veut être logé chaudement & commodément, A Madrid on a des salons superbes, mais point de fenêtre qui ferment, & l'on couche dans des nids à rats. Di 21-LES alimens sont beaucoup plus substanciels & fucculens dans les pays chauds; c'est une troiGeme différence qui ne peut manquer d'influer fur la feconde. Pourquoi mange-t-on tant de légumes en Italie? parce qu'ils y font bons, nouriflans, d'excellent goût: En France où ils ne font nourris que d'eau ils ne nouriffent point, & font presque comprés pour rien fur les tables. Ils n'occupent pourtant pas moins de terrein & coûtent du moins autant de peine à culti 2207 cultiver. C'est une expérience faite que les bleds de Barbarie, d'ailleurs inférieurs à ceux de France, rendent beaucoup plus en farine, & que ceux de France à leur tour rendent plus que les bleds du Nord. D'où l'on peut inférer qu'u ne gradation semblable s'observe géneralement dans la même direction de la ligne au pole. Or n'est ce pas un desavantage visible d'avoir dans un produit égal une moindre quantité d'aliment? A TOUTES ces différentes confidérations jen puis ajoûter une qui en découle & qui les fortifie; c'est que les pays chauds ont moins besoin d'habitans que les pays froids, & pour roient en nourrir davantage; ce qui produit un double fuperflu toujours à l'avantage du despotifme. Plus le même nombre d'habitans occupe une grande furface, plus les revoltes deviennent difficiles; parce qu'on ne peut se concefter ni promptement, ni fecretement, & qu'il estroujours facile au Gouvernement d'éventer les projets & de couper les communications; mais plus un peuple nombreux se rapproche, moins le Gouvernenient peut ufufper fur le Souverain; les chefs déliberent aussi sûrement dans leurs chambres que le Prince dans fon confeil, & la foule s'affemble ausli-tôt dans les places que les troupes dans leurs quartiers. L'avantage d'un Gouvernement tyrannique est donc en ceci d'as gir à grandes distances. A Taide des points d'a.pinspui 1; pui qu'il se donne sa force augmente au loix comme cel'e des léviers*. Celle du peuple au contraire n'agit que concentrée, elle s'évapore & se perd en s'étendant, comme l'effet de la poudre éparse à terre & qui ne prend feu que grain à grain. Les pays les moins peuplés font ainsi les plus propres à la Tyrannie: les bêtes feroces ne regnent que dans les déserts. Q CHAPITRE IX, Des fignes d'un bon Gouvernement. UAND done on demande absolument quel est le meilleur Gouvernement, on fait une question insoluble comme indéterminée; ou fi l'on veut, elle a autant de bonnes solutions qu'il y a de combinaisons possibles dans les positions absolues & rélatives des peuples. MAIS si l'on demandoit à quel signe on peut connoître qu'un peuple donné est bien ou mal gouverné, ce seroit autre chose, & la question de fair pourroit se résoudre, CEPENDANT on ne la résout point, par ce *Ceci ne contredit pas ce que j'ai dit ci-devant L. II. Chap. IX. Sur les inconvéniens des grands Etats: car il s'agiffoit là de l'autorité du Gouvernement sur ses mem. bres, & il s'agit ici de sa force contre les sujets. Ses menibres épars lui fervent de points d'appui pour agir au loin fur le peuple, mais il n'a nul point d'appui pour agit directement surces membres-mêmes. Ainsi dans l'un des cas la longueur du levier en fait la foibleffe, & la force dans l'autre cas. |