pres; comme la modération dans les riches & le contentemens dans les pauvres; car il semble qu'une égalité rigoureuse y feroit déplacée; elle ne fur pas même observée à Sparte. AURESTE, fi cette forme comporte une certaine inégalité de fortune, c'est bien pour qu'en général l'administration des affaires publiques soit confiée à ceux qui peuvent les mieux y donner tout leur tems, mais non pas, comme prétend Ariftote, pour que les riches foient toujours préférés. Au contraire, il importe qu'un choix oppose apprenne quelquefois au peuple qu'il y a dans le mérite des hommes des raisons de préférence plus importantes que la richefle. JUSQU CHAPITRE VI. De la Monarchie. USQU'ICI nous avons considéré le Prince comme une personne morale & collective, unie par la force des loix, & dépositaire dans l'Etat de la puissance exécutive. Nous avons maintenant à considérer cette puissance réunie entre les mains d'une personne naturelle, d'un homme réel, qui seul ait droit d'en disposer selon les loix, C'est ce qu'on appelle un Monarque ou un Roi. ン 1 Tour au contraire des autres administratinns, où un être collectif représente un individu, dans celle-ci un individu représente un être collectif; en forte que l'unité morale qui constitue le Prince eft en même tems une uni-. té physiqué, dans laquelle toutes les facultés que la loi réunit dans l'autre avec tant d'effort se trouvent naturellement réunies. AINSI la volonté du peuple, & la volonté du Prince, & la force publique de l'Etat, & la force particuliere du Gouvernement, tout répond au même mobile, tous les refforts de la machine font dans la même main, tout marche au même but, il n'y a point de mouvemens oppoles qui s'entredétruisent, & l'on ne peut imaginer aucune forte de constitution dans laquelle un moindre effort produise une action plus considérable. Archimede assis tranquilement sur la rivage & tirant fans peine à flot un grand Vaiflean, me représente un monarque habile gouvernant de fon cabinet ses vastes Etats, & faisant tout mouvoir en paroissant immobile. MAIS s'il n'y a point de Gouvernement qui ait plus de vigueur, il n'y en a point où la volonté particuliere ait plus d'empire & domine plus aisement les autres; tout marche au même but, il est vrai; mais ce bur n'est point celui de la félicité publique, & la force même de 101 de l'Administration tourne fans cesse au préjudice de l'Etat, LES Rois veulent être absolus, & de loin on leur crjet que le meilleur moyen de l'être eft de fe faire aimer de leurs peuples. Cette maxime est trés belle, & même trés vraye à certains égards. Malheureusement on s'en moquera toujours dans les Cours. La puislance qui vient de l'amour des peuples eft fans doute la plus grande; mais elle est précaire & conditionnelle, jamais les Princes ne s'en contenteront. Les meilleurs Rois veulent pouvoir être méchans s'il leur plait, fans ceffer d'être les maîtres: Un fermoneur politique aura beau leur dire que la force du peuple étant la leur, leur plus grand intérêt est que le peuple foit floriflant, nombreux, redoutable: Ils favent très bien que cela n'est pas vrai. Leur intérêt personnel est premierement que le Peuple foit foible, miferable, & qu'il ne puisse jamais leur résister. J'avoue que, supposant les sujets toujours parfaitement soumis, l'intérêt du Prince feroit alors que le peuple fut puitsant, afin que cette puiflance étant la fienne le rendit redourable à ses voisins; mais comme cet intérêt n'est que secondaire & fubordonné, & que les deux suppositions sont incompatibles, il est naturel que les Princes donnent toujours la préférence à la maxime qui leur eft le plus immédiate 3 diatement utile. C'est ce que Samuel représen toit fortement aux Hébreux; c'est ce que Ma chiavel a fait voir avec évidence. En feignant de donner des leçons aux Rois il en a donné de grandes aux peuples. Le Prince de Machiavel est le livre des républicains. Nous avons trouvé par les rapports généraux que la monarchie n'est convenable qu'aux grands Etats, & nous le trouvons encore en l'examinant elle-même. Plus l'administration publique est nombreuse, plus le rapport du Prince aux sujets diminue & s'approche de l'égalité, en forte que ce rapport est un ou l'égalité même dans la Démocratie. Ce même rapport augmente à mesure que le Gouvernement se resserre, & il est dans son maximum quand le Gouvernement est dans les mains d'un seul. Alors il se trouve une trop grande distance entre le Prince & le Peuple, & l'Etat manque de liaison. Pour la former il faut donc des ordres intermédiaires; Il faut des Princes, des Grands, de la noblesse pour les remplir. Or rien de tout cela ne convient à un petit Etat, que ruinent tous ces degrés. MAIS s'il est difficile qu'un grand Etat foit bien gouverné, il l'est beaucoup plus qu'il foit bien gouverné par un seul homme, & chacun fait ce qu'il arrive quand le Roi se donne des fubflituts.. : UN UN DEFAUT essenciel & inévitable, qui mettra toujours le gouvernement monarchique au dessous du républicain, est que dans celuici la voix publique n'éleve presque jamais aux premieres places qué des hommes éclairés & capables, qui les rempliffent avec honneur: au lieu que ceux qui parviennent dans les monarchies ne font le plus souvent que de petits brouillons, de petits fripons, de petits intrigans, à qui les petits talens qui font dans les Cours parvenir aux grandes places, ne fervent qu'à montrer au public leur ineptie auffi-tôt qu'ils y sont parvenus. Le peuple se trompe bien moins fur ce choix que le Prince, & un homme d'un vrai mérite est presque auffi rare dans le ministere, qu'un sot à la tête d'un gouvernement républicain. Aufsi, quand par quelque heureux hazard un de ces hommes nés pour gouverner prend le timon des affaires, dans une Monarchie presque abimée par ces tas de jolis régisseurs, on eft tout surpris des, refsources qu'il trouve, & cela fait époque dans un pays, • Pour qu'un Erat monarchique pût être bien gouverné, il faudroit que la grandeur ou son érendue fut mesurée aux facultés de celui qui gouverne. Il est plus aisé de conquérir que de régir. Avec un levier suffisant, d'un doigt on peut ébranler le monde, mais pour le fourenir il i |