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fandre: il raconte une autre fois quels ap plaudiflemens a eu un difcours qu'il a fait dans le public, en repete une grande partie, mêle dans ce recit ennuyeux des inveЄtives contre le peuple; pendant que de ceux quil écoutent les uns s endorment,les autres le quittent, & que nul ne fe reffouvient d'un feul mot qu'il aura dit. Un grand caufeur en un mot, s'il eft fur les tribunaux, ne laiffe pas la liberté de juger; il ne permet pas que l'on mange à table; & s'il fe trouve au theatre, il empêche non feulement d'entendre, mais même de voir les acteurs: on luy fait avouer ingenuëment qu'il ne luy eft pas poffible de fe taire, qu'il faut que fa langue fe remue dans fon palais comme le poiffon dans l'eau, & que quand on l'accuferoit d'être plus babillard qu'une hirondelle, il faut qu'il parle; auffi écoute-t-il froidement toutes les railleries que l'on fait de luy fur ce fujet; & jusques à fes propres enfans, sils commencent à s'abandonner au fommeil, faites nous, luy difent-ils, un conte qui acheve de nous en+ dormir.

Du DEBIT DES NOUVELLES.

UN nouvellifte ou un conteur de fables, eft un homme qui arrange fefon fon caprice des difcours & des faits

remplis de fauffeté; qui lors qu'il rencon-
tre l'un de fes amis, compofe fon vifage,
& luy foûriant, d'où venez-vous ainsi, luy
dit-il? que nous direz vous de bon; n'ya-
t-il rien de nouveau? & continuant de l'in-
terroger, quoy donc n'y a-t-il aucune nou-
velle? cependant il y a des chofes étonnan-
tes à raconter, & fans luy donner le loifir
de luy répondre, que dites-vous donc,
pourfuit-il, n'avez vous rien entendu par
la ville? Je vois bien que vous ne fçavez
rien, & que je vais vous regaler de gran-
des nouveautez: alors ou c'est un foldat "
ou le fils d'Aftée le joueur de flûte, ou ⋆ L'usa-
Lycon l'Ingenieur, tous gens qui arrivent
ge de la
fraîchement de l'armée, de qui il fçait tou-
tes choses; car il allegue pour témoins de cien dans
ce qu'il avance, des hommes obscurs qu'on les trou-
ne peut trouver pour les convaincre de pes.
faufleté: il affure donc que ces perfonnes frere
luy ont dit, que le * Roy &* Polifpercon d'Ale-
ont gagné la bataille, & que Caffandre xandre le
leur ennemi eft tombé † vif entre leurs Grand,
* Capi-
mains; & lors que quelqu'un lui dit, mais
en verité cela eft-il croyable? il lui repli- même
que que cette nouvelle fe crie & fe repand Alexan-
par toute la ville, que tous s'accordent à dre.
dire la même chofe, que c'est tout ce qui
fe raconte du combat, & qu'il y a eu un

† C'étoit un faux bruit, & Cassandre fils d'Antipater difputant à Aridée & à Polifpercon la tutelle des enfans d'Alexandre, avoit eu de l'avantage fur eux.

Aure

tres-an

* Aridée

taine du

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grand carnage. Il ajoûte qu'il a lû cet évenement fur le vifage de ceux qui gouvernent, qu'il y a un homme caché chez l'un de ces Magiftrats depuis cinq jours entiers, qui revient de la Macedoine, qui a tout veu & qui lui a tout dit; enfuite interrompant le fil de fa narration, que penfez vous de ce fuccés, demande-t-il à ceux qui l'écoutent? Pauvre Caffandre malheureux Prince, sécrie-t-il d'une maniere touchante! voyez ce que c'eft que la fortune, car enfin Caffandre étoit puiffant & il avoit avec luy de grandes forces; ce que je vous dis, pourfuit-il, eft un fecret qu'il faut garder pour vous feul, pendant qu'il court par toute la ville le debiter à qui le veut entendre. Je vous avouë que ces difeurs de nouvelles me donnent de l'admiration, & que je ne conçois pas quelle eft la fin qu'ils fe propofent; car pour ne rien dire de la baffeffe qu'il y a à toûjours mentir, je ne vois pas qu'ils puiffent recueillir le moindre fruit de cette pratique, au contraire, il eft arrivé à quelques-uns de fe laiffer voler leurs habits dans un bain public, pendant qu'ils ne fongeoient qu'à raflembler autour d'eux une foule de peuple, & à luy conter des nouvelles:. quel*V.le ques autres aprés avoir vaincu fur mer & chap. de fur terre dans le * Portique, ont payé la flatte- l'amende pour n'avoir pas comparu à une

rie.

caufe appellée enfin il s'en eft trouvé

qui le jour même qu'ils ont pris une ville, du moins par leurs beaux difcours ont manqué de dîner. Je ne crois pas qu il y ait rien de fi miferable que la condition de ces perfonnes: car quelle eft la boutique. quel eft le portique, quel eft l'endroit d'un marché public où ils ne paffent tout le jour à rendre fourds ceux qui les écoutent, ou à les fatiguer par leurs mensonges?

DE LEFFRON TERIE caufée par l'avarice.

Pour faire connoître ce vice, il faut di

toit la

re que c'eft un mépris de l'honneur dans la vûë d'un vil intereft. Un homme que l'avarice rend effronté, ofe emprunter une fomme d'argend à celui à qui il en doit déja, & qu'il luy retient avec injuftice. Le jour même qu'il aura facrifié aux Dieux, au lieu de manger religieufe-* C'ément chez foy une partie des viandes confacrées, il les fait faler pour luy fervir dans plufieurs repas, & va fouper chez l'un de Grecs. V fes amis, & là à table à la vûë de tout le le chap. monde, il appelle fon valet qu'il veut en- du con-3 core nourrir aux dépens de fon hôte, & lui coupant un morceau de viande qu'il met fur un quartier de pain, tenez, mon

coûtume

des

tre

temps.

menu

cuitiers.

ami, luy dit il, faites bonne chere. 11 * Com- va luy-même au marché acheter des me le viandes cuites, & avant que de convenir du prix, pour avoir une meilleure compeuple pofition du Marchand, il le fait reffouqui achetoit fon venir qu'il luy a autrefois rendu service: Loupé il fait enfuite pefer ces viandes, & il en chez les entafle le plus qu'il peut; s'il en est emChair- peché par celuy qui les luy vend, il jette du moins quelque os dans la balance; fi elle peut tout contenir, il eft fatisfait, finon il ramaffe fur la table des morceaux de rebut, comme pour fe dédommager, foûrit & s'en va. Une autre fois fur l'argent qu'il aura reçû de quelques étrangers pour leur louer des places au theatre, il trouve le fecret d'avoir fa place franche du fpectacle, & d'y envoyer le lendemain fes enfans & leur precepteur. Tout luy fait envie, il veut profiter des bons marchez & demande hardiment au premier venu une chofe qu'il ne vient que d'acheter: fe trouve-t-il dans une maison étrangere, il emprunte jufques à l'orge & à la paille, encore faut-il que celuy qui les luy préte, faffe les frais de les faire porter jufquez chez luy. Cet effronté en un mot, entre fans payer dans un bain public, & là en prefence du Baigneur qui crie inutilement contre luy, prenant le premier vafe qu'il rencontre, il le plonge dans une cuve d'airain qui eft

rem

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