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Une autre cause concourut, au dix-septième siècle, au même résultat nous voulons parler de la création des académies.

Il y avait à Paris, sous Louis XIII, un fort savant homme, qui suivait avec intérêt le mouvement de toutes les sciences : c'était le P. Mersenne, le même qui avait traduit en français les écrits de Galilée, et qui correspondait avec les hommes les plus éclairés de l'Europe, particulièrement avec Descartes. Le P. Mersenne réunissait chez lui, vers 1635, un certain nombre de savants, qui faisaient en commun des expériences de physique. Plus tard, ces réunions eurent lieu chez Montmort et Thévenot. Là se forma le noyau de l'Académie des sciences de Paris qui fut fondée en 1666, sous Louis XIV.

L'idée de se réunir et de s'associer, pour travailler en commun aux progrès des connaissances humaines, remontait aux anciens; mais, dans les temps modernes, le renouvellement des associations libres ne date que du dix-septième siècle. Ce furent les Italiens qui prirent l'initiative à cet égard. L'Académie des Lyncei à Rome, fut créée en 1602, et Galilée en fit partie. Les réunions des savants qui, dès 1615, avaient lieu à Oxford et à Londres, sous la direction de Robert Boyle, s'annexant l'une à l'autre, n'en formèrent plus, en 1659, qu'une seule, qui eut son siége à Londres. Elle obtint, en 1662, la sanction de Charles II, et se constitua sous le nom de Société royale de Londres. L'Académie del Cimento, qui avait été créée en Italie sous le patronage du prince Léopold de Toscane, rendit de grands services à la cause des sciences, mais elle n'eut qu'une courte durée.

Après ces considérations générales, nous présenterons le tableau de l'état des connaissances scientifiques au dix-septième siècle, dans chacune de ses principales divisions, l'astronomie, la mécanique, les mathématiques, la physique, la chimie et les sciences naturelles.

Astronomie. - Tycho-Brahé, le grand astronome danois, était parvenu, en étudiant le ciel pendant vingt années consécutives, à l'aide d'instruments qu'il avait perfectionnés ou inventés, à réunir une série d'observations plus précises et plus nombreuses que celles de Ptolémée. Ces matériaux précieux n'étaient encore qu'une continuation de l'astronomie

ancienne, mais ils devaient servir à fonder l'astronomie moderne, lorsqu'ils auraient été mis, après la mort de Kopernik et de Tycho, à la disposition d'un architecte habile. Cet architecte fut Keppler.

Keppler était élève de Mostlin, professeur de mathématiques à Tubingue et astronome de quelque réputation. Il adopta de bonne heure le système de Kopernik, et des dissertations sur le double mouvement de la terre furent ses premiers essais en astronomie. A l'âge de vingt-cinq ans, il composa son Mysterium cosmographicum, ouvrage sur les rapports et les proportions des orbites des corps célestes, qui fit sa réputation. Tycho-Brahé, retiré à Prague, désira avoir Keppler pour collaborateur. Il l'attira près de lui et lui fit donner une pension, avec le titre de mathématicien de l'empereur. A la mort de Tycho, Keppler, chargé de la continuation des tables Rudolphines, lui succéda, et devint le dépositaire de ses instruments et de ses registres d'observations. Si le successeur de Tycho eût été un autre astronome que Keppler, ce qui pouvait arriver, nous n'aurions peut-être pas encore les trois grandes lois astronomiques; car les faits isolés, quelque précis et en tel nombre qu'on les suppose, ne conduisent guère à la détermination des lois générales de la nature que les hommes doués, comme Keppler, d'un génie profond, secondé par une imagination féconde. Comme nous consacrons dans ce volume une biographie détaillée à cet astronome, nous renvoyons à cette partie de notre ouvrage l'analyse des découvertes d'ensemble et de détail que Keppler réalisa dans l'étude du ciel.

C'est par la découverte de la loi de la pesanteur, par l'invention du pendule, et par celle de la lunette astronomique, que Galilée inaugura la grande méthode expérimentale, que François Bacon recommandait à titre de simple amateur. Cette méthode, qui consiste à interroger sans cesse la nature par l'expérience, l'observation et le calcul, doubla les forces de l'esprit humain et agrandit indéfiniment l'espace où s'étaient renfermées jusque-là ses investigations.

En 1609, Galilée était professeur à Padoue, lorsque la nouvelle se répandit qu'un instrument, au moyen duquel les objets éloignés, vus distinctement, paraissaient beaucoup plus rapprochés, venait d'être inventé en Hollande. Aussitôt Galilée

sur quelques indications qu'il recueille, car il n'avait pas encore vu cet instrument, se met à l'œuvre. Comme il sait que l'instrument est composé de deux lentilles de verre disposées dans un tube, il combine et dispose de diverses façons les deux verres. Il parvient à construire une lunette qui donne des images trois fois plus grandes que les objets vus à l'œil nu. Encouragé par ce premier succès, il essaie de nouvelles combinaisons, et bientôt il obtient un télescope qui amplifie jusqu'à trente fois la grandeur de l'objet. C'est ainsi que Galilée entra dans la longue et admirable série de découvertes astronomiques que nous raconterons avec détails dans sa biographie.

Keppler et Galilée avaient posé les véritables fondements de l'astronomie moderne, et avaient montré, l'un par des considérations philosophiques de l'ordre le plus élevé, l'autre par les plus heureuses applications de la méthode expérimentale, la voie dans laquelle il fallait désormais s'engager en astronomie. Leurs contemporains et leurs successeurs entrèrent en foule dans cette voie; les découvertes se multiplièrent, et l'astronomie marcha à pas de géant. Nous ne citerons guère ici que les idées nouvelles et les faits importants qui ont servi à étendre ou à éclairer le domaine de l'astronomie.

Après avoir achevé ses tables Rudolphines, Keppler s'était hâté de calculer les époques où Vénus et Mercure effectueraient leur passage sur le disque solaire, et de les annoncer au public. Le 7 novembre 1631, Gassendi observa sur le disque solaire un point noir, qu'il prit pour une tache. Lorsqu'il reconnut sa méprise, le point noir, qui était Mercure lui-même, était déjà près du bord du disque, et il ne put l'observer avec soin qu'au moment de sa sortie. Le calcul de Keppler, relativement à Mercure, se trouva ainsi vérifié par l'observation de Gassendi. Il n'en fut pas de même relativement à Vénus. Son passage sur le disque solaire fut vainement attendu le 6 décembre de la même année. Gassendi et beaucoup d'autres sans doute observèrent pourtant ce jour-là le disque solaire avec beaucoup de soin; mais le phénomène ne se produisit pas.

Gassendi, dont le nom se présente fréquemment dans l'histoire des sciences modernes, et qui a partagé avec Descartes la gloire d'avoir fondé en France une philosophie nouvelle, était le fils d'un paysan des environs de Digne. Il était né le

22 janvier 1592, dans la petite ville de Champțercier. Comme on remarqua de bonne heure en lui un goût déterminé pour l'étude et un développement intellectuel qui paraissait précoce, on chercha et on trouva le moyen de le mettre à même de faire ses études. Il n'avait que seize ans lorsqu'il fut nommé professeur de rhétorique à Digne, et, trois ans après, professeur de philosophie à Aix. Un peu plus tard, grâce à un privilége attaché au grade de docteur, il fut nommé à un canonicat. A l'âge de vingt-huit ans, il accompagna, dans un voyage en Belgique, François l'Huilier, maître des comptes à Paris. Enfin l'évêque de Lyon, frère du cardinal de Richelieu, le fit nommer à la chaire d'astronomie du Collège de France.

Gassendi était modeste et désintéressé, mais enclin à l'ironie. Bien que d'une constitution faible, il vécut jusqu'à l'àge de soixante-trois ans. Il composa des ouvrages considérables sur la philosophie, sur la physique, sur l'astronomie, etc. Il s'attachait à vérifier, par l'expérience et par l'observation, toutes les découvertes un peu importantes qui se faisaient de son temps. C'était un de ces esprits d'élite, qui, par leur grande pénétration et leur incessante activité, sont faits pour seconder puissamment l'activité féconde des génies créateurs. Il observa l'obliquité de l'écliptique et la libration de la lune, découverte par Galilée; il mesura le diamètre du soleil par une méthode qui, au fond, est la même que celle d'Archimède. Il mesura ainsi, par une méthode semblable à celle d'Hortensius, les diamètres des petites planètes. Sans se laisser intimider par la condamnation de Galilée, il défendit dans des Lettres, le système de Kopernik. Il publia les biographies de Peyresc, Purbach, Regiomontanus, Kopernik et Tycho-Brahé, travaux que nous avons cités dans les volumes précédents de cet ouvrage. Les œuvres de Gassendi, remplies de recherches curieuses, forment six volumes in-folio.

En Hollande, Godefroi Vendelinus fit un grand nombre d'observations astronomiques. Il se trompa souvent, mais ses travaux ne furent pas inutiles aux progrès de la science. Il établit d'une manière formelle, la variation de l'écliptique, en comparant les observations des anciens avec celles des modernes. Mais il se hâta un peu trop de conclure de ses calculs la période et la quantité de cette variation. La parallaxe du

soleil avait été regardée comme inaccessible par sa petitesse: Vendelinus en donna une détermination. Il avait, à cet égard, sur les anciens tout l'avantage que le télescope donne sur la vue simple.

Snellius, Blacus, Hortensius, astronomes hollandais, ne firent. aucune découverte importante. Ils contribuèrent néanmoins, bien qu'indirectement et dans une mesure restreinte, au progrès de la science Snellius, par son aptitude à résoudre des problèmes difficiles de mathématiques; Blacus, par la manière dont il représenta sur des globes, sur des sphères la disposition des planètes dans le système de Kopernik; Hortensius, par sa détermination des diamètres des petites planètes.

En Italie, le célèbre auteur de la méthode des indivisibles, Cavalieri, professait l'astronomie. Il composa, d'après les tables de Lansberg, une machine en carton, au moyen de laquelle on pouvait sans calcul trouver les positions des planètes. Remeri, disciple de Galilée, s'occupa, suivant la recommandation de son maître, à observer les satellites de Jupiter et å dresser des tables de leurs mouvements.

Le P. Zucchi découvrit les bandes obscures qui entourent, comme d'une ceinture, le disque de Jupiter.

Le P. Riccioli était né à Ferrare, le 17 avril 1598. Il entra chez les jésuites en 1614. Il professa, à Parme et à Bologne, la rhétorique, la poétique, la philosophie et la théologie. C'étai un homme d'une érudition immense, mais dépourvu de génie. Son Almagestum novum est un vaste répertoire où l'on trouve toutes les observations, toutes les méthodes, toutes les explications physiques des phénomènes présentées tant chez les anciens que chez les modernes. Il est bon à consulter, non pour connaître les appréciations et les idées qui appartiennent en propre à l'auteur, mais pour retrouver, en remontant à l'origine des temps historiques, les faits, les hypothèses, les opinions, que Riccioli a puisés aux sources mêmes. Quant à la portée de son esprit, il en a donné lui-même la mesure par la manière dédaigneuse dont il a parlé de Keppler, qu'il n'était pas assurément en état de comprendre.

Riccioli fut aidé dans son travail par le P. Grimaldi, religieux de son ordre, qui fit beaucoup d'observations. Ils dressèrent ensemble un nouveau catalogue d'étoiles. Le P. Grimaldi

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