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VAN HELMONT REÇOIT DANS SON LABORATOIRE

UN ALCHIMISTE QUI LUI PRÉSENTE LA PIERRE PHILOSOPHALE

temps, était difficile à tromper; il était lui-même incapable d'imposture, et il n'avait aucun intérêt à mentir, puisqu'il ne tira jamais le moindre parti de cette observation. Enfin, l'expérience ayant eu lieu hors de la présence de l'alchimiste, on ne pouvait que difficilement soupçonner une fraude.

Van Helmont fut si bien trompé à ce sujet, qu'il devint, à dater de ce jour, partisan avoué de l'alchimie. Il donna, en l'honneur de cette aventure, le nom de Mercurius à son fils nouveau-né. François Mercure Van Helmont ne démentit pas, d'ailleurs, son baptême alchimique: il s'adonna avec passion aux sciences occultes, et pendant toute sa vie il chercha la pierre philosophale. Il mourut sans l'avoir trouvée, il est vrai, mais en fervent apôtre de l'alchimie.

Van Helmont donnait des conseils et distribuait des remèdes sans vouloir accepter, même à titre de présent, la moindre rétribution. Il croyait servir Dieu en se rendant utile aux hommes. Le succès des traitements qu'il avait prescrits était la seule récompense à laquelle il aspirât.

Cette manière d'exercer l'art de guérir gâtait un peu le métier. Aussi tous les médecins n'étaient-ils pas les amis ou les admirateurs du solitaire de Vilvorde. Van Helmont avait des ennemis, secrets ou déclarés, qui s'attachaient à le dénigrer, et qui ne laissaient échapper aucune occasion de lui susciter des tracasseries. Ces occasions étaient assez rares, car un homme riche et illustre, qui vit dans une solitude profonde, loin des grands centres, où s'agitent les intérêts et les mesquines ambitions du monde, et qui se consacre tout entier au service de l'humanité, ne donne pas grande prise à la médisance.

Cependant, lorsqu'il s'agit de persécuter un homme de génie, la jalousie et la haine arrivent toujours à leurs fins, et l'on va voir que le seigneur de Vilvorde, tout puissant qu'il était, eut à subir la plus violente attaque à laquelle un honnête homme puisse être exposé.

Van Helmont avait publié à Paris, en 1621, un ouvrage ayant pour titre De magneticâ vulnerum naturali et legitimâ curalione, contrà Joannem Roberti societatis Jesu theologum. C'était une réfutation des ouvrages de Goclenius et de Jean Robert, sur le magnétisme. La première édition de ce livre eut un succès prodigieux. Il y avait déjà neuf ans qu'elle avait paru,

lorsque le promoteur de la cour spirituelle de Malines sollicita de l'official une accusation contre Van Helmont, sous le chef d'hérésie catholique.

La Faculté de théologie de Louvain déclara, en effet, que l'ouvrage de Van Helmont « était fort pernicieux et contenait des assertions hérétiques, blasphématoires contre Dieu et les saints. Cependant l'archevêque de Malines, Jacques Boomn, prélat éclairé et qui aimait les sciences, considérant que le livre incriminé était rare, ordonna de surseoir à la procédure.

Malheureusement, en 1634, un péripatéticien galéniste, dans un but facile à comprendre, fit réimprimer le livre, en y ajoutant, comme supplément, les censures prononcées contre Van Helmont par les Universités catholiques et par les docteurs en médecine, ainsi qu'un décret rendu par l'Inquisition d'Espagne. Dès lors l'archevêque de Malines, n'ayant plus de prétexte pour suspendre la procédure, délivra, le 3 mars 1634, au procureur de l'official, l'autorisation de saisir la personne de Van Helmont, ses papiers et ses livres ».

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L'official de Malines, accompagné d'une escorte, se transporta aussitôt à Vilvorde. Une visite domiciliaire fut faite dans le château; tous les papiers de Van Helmont furent saisis. Luimême fut appréhendé au corps, conduit à Malines, et renfermé dans le monastère des Frères-Mineurs.

Pour le soustraire aux mauvais traitements auxquels il eût pu se trouver exposé dans ce monastère, l'archevêque de Malines le fit transférer dans la prison de son palais. Van Helmont obtint, au bout de quelques mois, et grâce à une caution de mille florins, la permission de revenir à Vilvorde. Mais ce ne fut qu'à la suite de démarches actives qu'Isabelle de Halmale, sa belle-mère, avait faites auprès du Conseil de Brabant, qu'il avait pu obtenir sa mise en liberté.

L'histoire du long procès de Van Helmont a été exposée dans tous ses détails par un savant médecin d'Anvers, le docteur C. Broeckx, qui a pu étudier son immense dossier dans les archives archiepiscopales de Malines et qui a fait connaître tout ce que l'on peut savoir aujourd'hui sur la marche et les péripéties de cette affaire étrange (1)

(1) Interrogatoires du docteur J.-B. Van Helmont sur le magnétisme animal, réuni

Nous ne reproduirons pas ici les épisodes nombreux et fastidieux de cette longue procédure, qui n'était que l'expression de la haine des péripatéticiens et des galénistes contre le novateur qui prétendait révolutionner la médecine de son temps.

Comment se termina le procès? C'est ce que l'on ignore encore aujourd'hui. Ce qui paraît certain, c'est qu'il n'y eut pas de jugement prononcé, et qu'après avoir poursuivi pendant plus de dix ans un homme honorable, un savant que l'Europe entière admirait, on se borna, faute de preuves de culpabilité, à ne pas donner suite à l'accusation.

Cette issue favorable fut due principalement à l'influence de la reine-mère, Marie de Médicis, qui intercéda auprès de l'archevêque de Malines. Voici ce que dit à cet égard, Guy Patin, dans une lettre du 3 décembre 1649.

« Van Helmont était un enragé. Les Jésuites le voulaient faire brûler pour magie; la feue reine-mère le sauva, parce qu'il lui prédisait l'avenir, étant induite à cela par un certain Florentin, nommé Fabrini, qu'elle avait près de sui, qui la repaissait de ces vanités astrologiques. »>

Il faut avouer que c'était là des mœurs étranges, et que la société du dix-septième siècle est encore bien souvent inexpl}cable pour nous !

En quelle année Van Helmont obtint-il sa mise en liberté ? On l'ignore. La dernière pièce que M. Broeckx a pu recueillir porte la date du 10 décembre 1638. C'est une lettre adressée. par Van Helmont à l'archevêque de Malines. L'accusé se plaint des dommages que lui cause son procès et de la confiscation de plusieurs ouvrages d'une valeur considérable. Il termine en suppliant l'archevêque de Malines de lui pardonner, puisqu'il n'existe plus aucun exemplaire de son Traité sur les› cures magnétiques, et qu'il est prêt, d'ailleurs, à souscrire telle déclaration qu'on exigera de lui..

D'après cette dernière pièce, Van Helmont ne fut donc laissé tranquille qu'en 1638. Toutefois, comme nous l'avons dit,, aucun jugement n'avait été rendu, la poursuite avait été seule

pour la première fois, par C. Broeckx. Anvers, in-8°, 1856. (Extrait des Annale de l'Académie d'archéologie de Belgique.)

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