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Cette Piece,qui fait honneur à l'Auteur,eft en

Latin & en Hollandois. Le Prix eft uneMédaille d'or, dont on trouve ici la figure, Mr Grashuis avoit déjà travaillé fur cette matière, lorfque heureufement pour lui l'Academie de Chirur gie publia le Programme, où l'on exposoit le plan du fujet qu'elle donnoit à traiter. Il miten oeuvre les matériaux qu'il avoit déja raffemblés, les rangea fuivant le plan propofé par l'Académie, & en forma la Differtation dont il eft ici question. C'est la coutume de rendre publiques ces fortes de pieces,&il a cru devoir s'y conformer. On montre toujours avec plaifir l'inftrument de fa victoire, & il est bien permis de chercher à jouir des aplaudiffemens qu'elle mérite. Sans cette forte de reconnoiflance de la part du Public, les Arts & les Sciences languiroient, perfonne ne voudroit travailler pour des ingrats. Louer un homme qui fe facrifie pour l'avantage du Genre humain, c'eft lui fournir de nouveaux motifs de bien faire,

Ce fut Mr van Hoey, Ambaffadeur de leurs Hautes Puiffances en France,quiaprit à M. Grashuis, qu'il avoit été de Vainqueur. Illai écrivit à ce fujet une Lettre fort polie, & luiannonça en même tems à la prière de Mr Morand, que le Prix qu'il venoit de remporter l'affocioit de droit à l'Acadé mie. Cette Lettre étoit accompagnée d'un petit Mémoire remis à Son Excellence par le même Mr Morand, & dont voici la teneur.

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,, Le Mémoire qui a remporté le Prix de l'Académie Royale de Chirurgie de Paris, de cette année 1746,eft de Mr Jean Grashuis, Docteur en Medecine à Amfterdam, Affocié de l'Aca,,démie des curieux de la Nature. Son Excel

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lence Mr l'Ambaffadeur de Hollande eft fup,, plié de donner fes ordres à ce que Mr Grashuis ,, en foit informé, afin qu'aux termes du Pro,,gramme, qui a été publié, il envoie à Mr Morand ou autre, une Copie nette de fon Mémoire, pour faire preuve; & une Procuration de fa ,, part, pour recevoir la Médaille d'or, & la lui faire tenir en Hollande par quelque voie commode.

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"9 La Differtation de Mr Grashuis eft écrite avec beaucoup d'ordre,beaucoup de clarté, & une grande précision. Point d'écarts, point de digreffions: tout a un rapport immédiat au fujet qu'il traite. Il a divifé fa matière en quatre Chapitres, dont le premier conduit naturellement à l'intelligence du fecond, le fecond à l'intelligence du troisième, & ainfi de fuite. Tout ce qui mérite d'être défini, est défini,& en peu de mots:tout ce qui a befoin dé preuves, eft prouvé, & toujours folidement. Y atilquelque phénomène difficile à comprendre, il l'explique,& même d'une manière à faire trouver du moins beaucoup de probabilité dans ce qu'il dit. Ce feroit trop exiger, que de vouloir que tout fût rigoureusement démontré dans des opérations où la Nature ne laiffe apercevoir qu'une très petite partie de ce qu'elle fait, tant elle eft fecrete & cachée dans les démarches.

LeTitre de l'ouvrage de Mr Grashuis n'annonce rien de fort intéreflant pour bien des Lecteurs: c'eft un fujet qui appartient uniquement à la Faculté, & qui par cela même ne peut être lu avec quelque agrément que par des Médecins & des Chirurgiens, ou peut-être encore par ceux d'entre les Naturaliftes qui font entrer dans leur Tome XL Partie I.

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plan

plan d'étude tout ce qui concerne l'économie du Corps humain. Cette raifon doit nous déterminer à ne donner qu'une légere idée de cette production. Nous abandonnerons donc les détails, pour ne faire remarquer que ce qui peut être du goût & à la portée du plus grand nombre de nos Lecteurs. Il eft bon qu'on en foit averti pour qu'on ne nous reproche pas d'avoir traité cette matière un peu fuperficiellement.

Lorfqu'une partie du corps humain eft attaquée de quelque maladie, il s'y engendre souvent une matière liquide, graffe, & tenace, laquelle fe mêlange avec l'eau, & fe précipite enfuite au fond. C'eft à cette matière qu'on donne le nom de Pus. L'action du corps qui produit cette matière, s'appelle Suppuration ; & on nomme Suppuratif, tout Médicament qui fait naître cette action, ou qui la facilite. Lorfque le Pus s'engendre chaque jour dans un Ulcère, cela s'appelle Digeftion, & les Médicamens qui la procurent fe nomment Diges tifs. Ces Définitions étoient néceffaires pour l'intelligence de ce qui fuit.

La formation du Pus eft un effet de la Nature, l'Art ne fauroit jamais le produire;il ne peut même l'imiter que très imparfaitement. Cet effet de laNature, ou comme l'Auteur l'appelle, cette action Spontanée du corps vivant, ne fauroit jamais avoir lieu,s'il n'y a dans le Corps même une difpofition particulière qui rende la partie malade fufceptible de Suppuration. Que le chimifte le plus habile difpofe à fon gré des humeurs du Corps humain, on lui défie d'en former jamais du Pus; fon Art ne va pas jufque-là. La Nature, au contraire, produit fouvent feule & d'elle-même, cet effet merveil

leux, quelque effort que l'on faffe pour l'en empêcher. Combien de fois n'a-t-on pas vu des ab fcès fe former dans des parties où l'on avoit mis tout en oeuvre pour les en préferver ! Et n'y a-t-il pas des cas fans nombre où l'on a employé fans fuccès les Suppuratifs les plus puiffans! La Na ture fait tout fans nous, nous ne faifons rien fans elle: nous pouvons bien l'aider, mais nous ne fau rions la forcer à agir malgré elle. Avec toutes nos lumières, avec toutes les facultés de notre efprit & de notre corps, avec tous les fecours que nous tirons d'ailleurs, nous fommes infiniment au-def fous de ce puiffant Agent, dont l'empire eft immenfe, & que nous traitons cependant d'aveugle, quoique nous ne fachions ce qu'il eft.

Jamais il ne fe forme de Pus, que dans la partie où il refte encore quelque mouvement vital, Dans un Cadavre tout le change en pourriture, rien ne fetourne en Pus. Que le mouvement d'une partie foit fuffoqué, la Gangrene y vient, mais il ne s'y fait aucune Suppuration. Dans les grandes Contufions la Suppuration ne s'obtient qu'avec bien de la peine, parce que la plupart des parties fe trous vent fans vie & fans action: elle fe fait auffi lente ment dans les parties brulées, ou dans celles que la gelée a mortifiées, encore même doit on l'attribuer à l'action des parties voifines qui font plei nes de vie.

Il eft donc démontré que le mouvement vital eft abfolument néceffaire pour la formation du Pusi C'eft la première affertion de l'Auteur : en voici une autre. Vous ne verrez jamais qu'il fe faffe de Suppuration dans une partie faine. A-t-on en effet observé qu'une partie qui n'étoit attaquée d'au

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cune maladie, vînt tout-à-coup à fuppurer? La Suppuration est toujours précédée de quelque dérangement, foit dans la partie où elle fe manifefte, foit dans quelque autre endroit du corps. On voit quelquefois paroître affez fubitement des abfcès douloureux dans des parties, où l'on ne reffentoit auparavant nulle incommodité; mais ce n'eft alors qu'un dépôt de quelque matière purulente qui tire d'ailleurs fon origine. Comment du Pus fe manifesteroit il dans un inftant, fi quelque partie du Corps n'avoit fouffert quelque dérange

ment.

Autre principe non moins conftant que les précédens: Il n'y a nulle Suppuration qui ne foit précédée d'une Inflammation. La chaleur, la douleur, la rougeur, la tenfion, le battement & la fièvre, que l'on reffent longtems avant la manifeftation d'un Abfcès à quelque partie externe, marquent clairement que cet Abfcès ne s'est formé qu'après l'Inflammation, puifqu'elle est toujours accompagnée de ces fymptômes, & qu'on juge par eux de fa préfence. Lorfqu'on remarque ces mêmes phénomènes dans une grande bleffure, on peut affurer que le Pus commence à s'y former; ils en font les avantcoureurs. Mr Grashuis entre fur tout cela dans d'autres détails, qui fervent à confirmer ou à éclaircir ce point important.

Une autre vérité qui n'a prefque pas befoin de preuve, tant elle eft évidente, c'eft que l'Inflammation ne produit pas toujours la Suppuration. Lorfque l'Inflammation n'eft pas violente, elle fe diffipe alors comme d'elle-même,fans être fuivie de Suppuration; & c'eft ce qu'on nomme Réfolution. Ce cas eft fort fréquent, & il n'y a pref

que

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