Chassant devant lui l'autre bête, Car, au bout de quelques nagées, Que le baudet ne sentit rien Sur ses épaules soulagées. Camarade épongier prit exemple sur lui, Comme un mouton qui va dessus la foi d'autrui. Tous trois burent d'autant: l'ânier et le grison Celle-ci devint si pesante, Et de tant d'eau s'emplit d'abord, Que l'âne succombant ne put gagner le bord. D'une prompte et certaine mort. Quelqu'un vint au secours : qui ce fut, il n'importe; Agir chacun de même sorte. J'en voulais venir à ce point. 15 20 25 30 35 XI. LE LION ET LE RAT. soi. Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde : Un rat sortit de terre assez à l'étourdie. 5 Ce bienfait ne fut pas perdu. Dont ses rugissements ne le purent défaire. Patience et longueur de temps 10 15 XII. LA COLOMBE ET LA FOURMI. L'AUTRE exemple est tiré d'animaux plus petits. Le long d'un clair ruisseau buvait une colombe, S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive. Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté, Elle se sauve. Et là-dessus Passe un certain croquant qui marchait les pieds nus: Dès qu'il voit l'oiseau de Vénus, Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête. Le vilain retourne la tête : La colombe l'entend, part, et tire de long. 5 IO 15 XIII. L'ASTROLOGUE QUI SE LAISSE TOMBER DANS UN PUITS. UN astrologue un jour se laissa choir Au fond d'un puits. On lui dit: Pauvre bête, Penses-tu lire au-dessus de ta tête? Cette aventure en soi, sans aller plus avant, Ne se plaisent d'entendre dire Qu'au livre du Destin les mortels peuvent lire. Et parmi nous, la Providence? Or, du hasard il n'est point de science; S'il en était, on aurait tort De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort; Quant aux volontés souveraines De celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein, Qui les sait, que lui seul? Comment lire en son sein? 20 Aurait-il imprimé sur le front des étoiles Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles? A quelle utilité? Pour exercer l'esprit De ceux qui de la sphère et du globe ont écrit ? 25 30 Tous les jours sa clarté succède à l'ombre noire, Sans que nous en puissions autre chose inférer Charlatans, faiseurs d'horoscope, Quittez les cours des princes de l'Europe: Soit pour eux, soit pour leurs affaires. XIV. LE LIÈVRE ET LES GRENOUILLES. UN lièvre en son gîte songeait, (Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe?) Dans un profond ennui ce lièvre se plongeait : Cet animal est triste, et la crainte le ronge. Les gens de naturel peureux Sont, disait-il, bien malheureux ! Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite: Eh! la peur se corrige-t-elle ? Et cependant faisait le guet. 35 40 45 5 IO 15 Il était douteux, inquiet : Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre. Le mélancolique animal, En rêvant à cette matière, Entend un léger bruit: ce lui fut un signal Il s'en alla passer sur le bord d'un étang. Qu'on m'en fait faire ! Ma présence Effraie aussi les gens! je mets l'alarme au camp! Comment! des animaux qui tremblent devant moi! Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la terre XV. LE COQ ET LE RENARD. SUR la branche d'un arbre était en sentinelle Frère, dit un renard, adoucissant sa voix, Nous ne sommes plus en querelle : Paix générale cette fois. Je viens te l'annoncer; descends, que je t'embrasse: Ne me retarde point, de grâce: Je dois faire aujourd'hui vingt postes sans manquer. Sans nulle crainte, à vos affaires; Ami, reprit le coq, je ne pouvais jamais 20 25 30 5 ΙΟ 15 Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle |