LIVRE II. I. CONTRE CEUX QUI ONT LE GOÛT DIFFICILE. QUAND j'aurais en naissant reçu de Calliope De cinq ou six contes d'enfant. Censeurs, en voulez-vous qui soient plus authentiques N'avaient pu mettre à bout cette fière cité, D'un rare et nouvel artifice, Dans ses énormes flancs reçut le sage Ulysse, 5 ΙΟ 15 20 25 Le vaillant Diomède, Ajax l'impétueux, Que ce colosse monstrueux Avec leurs escadrons devait porter dans Troie, Paya la constance et la peine... C'est assez, me dira quelqu'un de nos auteurs: Vos héros avec leurs phalanges, Qu'un renard qui cajole un corbeau sur sa voix. 30 35 40 45 Remettez, pour le mieux, ces deux vers à la fonte... 50 Ne saurais-je achever mon conte? Les délicats sont malheureux : 55 II. CONSEIL TENU PAR LES RATS. UN chat, nommé Rodilardus, Que l'on n'en voyait presque plus, Tant il en avait mis dedans la sépulture. Non pour un chat, mais pour un diable. Le galant alla chercher femme, Pendant tout le sabbat qu'il fit avec sa dame, Dès l'abord, leur doyen, personne fort prudente, Qu'ainsi, quand il irait en guerre, De sa marche avertis, ils s'enfuiraient sous terre; Chacun fut de l'avis de monsieur le doyen: 5 IO 15 20 L'un dit: Je n'y vas point, je ne suis pas si sot; Chapitres, non de rats, mais chapitres de moines, Ne faut-il que délibérer, La cour en conseillers foisonne : Est-il besoin d'exécuter, L'on ne recontre plus personne, 30 III. LE LOUP PLAIDANT CONTRE LE RENARD PAR DEVANT LE SINGE. UN loup disait que l'on l'avait volé : Un renard, son voisin, d'assez mauvaise vie, Devant le singe il fut plaidé, Non point par avocats, mais par chaque partie. De mémoire de singe, à fait plus embrouillé. Répliqué, crié, tempêté, Le juge, instruit de leur malice, Leur dit: Je vous connais de longtemps, mes amis; Car toi, loup, tu te plains, quoiqu'on ne t'ait rien pris ; Le juge prétendait qu'à tort et à travers On ne saurait manquer, condamnant un pervers. 5 ΙΟ 15 Quelques personnes de bon sens ont cru que l'impossibilité et la contradiction qui est dans le jugement de ce singe était une chose à censurer: mais je ne m'en suis servi qu'après Phèdre; et c'est en cela que consiste le bon mot, selon mon avis. IV. LES DEUX TAUREAUX ET UNE GRENOUILLE. DEUX taureaux combattaient à qui posséderait Une génisse avec l'empire. Une grenouille en soupirait. Qu'avez-vous? se mit à lui dire Quelqu'un du peuple coassant. Eh! ne voyez-vous pas, dit-elle, Sera l'exil de l'un; que l'autre, le chassant, Il ne régnera plus sur l'herbe des prairies, Et, nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux, Cette crainte était de bon sens. L'un des taureaux en leur demeure Il en écrasait vingt par heure. Helas! on voit que de tout temps Les petits ont pâti des sottises des grands. V. LA CHAUVE-SOURIS ET LES DEUX 5 IO 15 20 BELETTES. UNE chauve-souris donna tête baissée Dans un nid de belette; et, sitôt qu'elle y fut, Quoi! vous osez, dit-elle, à mes yeux vous produire, Ce n'est pas ma profession. Moi, souris des méchants vous ont dit ces nouvelles. Je suis oiseau; voyez mes ailes : Vive la gent qui fend les airs! 5 ΙΟ |