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prison le débiteur qui porte leur nom. Ainsi la coaction réfléchit sur ceux qui n'ont rien à se reprocher, et, s'il faut employer une expression familière, l'emprisonnement peut devenir un moyen de chantage.

Tous ces défauts peuvent être reprochés à la contrainte par corps obligatoire, et, sous ce rapport, la loi aurait besoin de profondes et radicales modifications. Mais le projet de loi qui a été présenté au Corps législatif dans la dernière session ne dépasse-t-il pas le but? Pour rester dans la juste mesure, il aurait fallu supprimer la contrainte obligatoire et conserver la contrainte par corps facultative. Nous avons des rentes insaisissa bles et des valeurs au porteur qu'il est très-facile de dissimuler et de soustraire aux poursuites des créanciers. La contrainte corporelle est le seul moyen qui puisse forcer à faire paraître ces valeurs cachées. Pourquoi renoncer à cette coercition contre les débiteurs de mauvaise foi, qui se servent du principe de l'insaisissabilité des rentes pour frustrer les créanciers, et vivent dans le luxe, sous les yeux de leurs créanciers spoliés, avec les fruits que produit cette fortune secrète ? Aucune considération ne s'élève en faveur de ces débiteurs frauduleux; ils ressemblent aux voleurs ou escrocs; leur conduite est moralement aussi répréhensible que la soustraction frauduleuse. Pourquoi renoncer à ce moyen d'agir qui permet de forcer indirectement le débiteur à montrer ce qu'il cache pour racheter la liberté de sa personne? Je suis peu touché des renseignemments statistiques qui ont été présentés pour démontrer l'inutilité de la contrainte. Si elle ne saisit qu'un petit nombre de personnes, si elle a surtout frappé des fils de

famille dévorés par l'usure, personne ne pourrait dire quels effets elle a produits en menaçant les débiteurs et les retenant sur la pente de la mauvaise foi. Pour juger des mérites d'une institution, il ne faut pas seulement considérer le mal qu'elle réprime, mais aussi celui qu'elle empêche préventivement. Or, la contrainte par corps est propre à inspirer une crainte salutaire, et son influence est suffisante pour forcer à s'exécuter des débiteurs qui, sans cela, auraient ri des poursuites de leurs créanciers. L'appréciation des tribunaux peut être ici employée très-utilement. Qu'on leur confie le pouvoir de prononcer la contrainte par corps dans les cas où ils auront acquis la conviction que le débiteur à des ressources secrètes *. Ainsi réduite, cette voie d'exécution sur la personne échappera à toutes les objections qui lui ont été adressées: 1o. Elle ne frappera que le débiteur de mauvaise foi; 20. elle n'atteindra pas la famille, qui ne se croira pas obligée d'intervenir si le débiteur a des ressources personnelles; 30. elle ne sera pas inhumaine, puisque l'indélicatesse du contraignable mérite une véritable peine.

Je termine ici cette revue critique, qui est loin d'être complète, mais qui suffit pour démontrer la nécessité d'une révision du Code Napoléon. L'idée n'est assurément pas nouvelle, et la plupart d'entre vous ont pu entendre la lecture de quelques pages remarquables où M. Rossi a développé la même idée avec une grande élévation de pensée et de style. Son travail, qui était parfait pour

C'est l'opinion qui a été soutenue dans un discours de rentrée devant la Cour impériale de Toulouse par M. Paul, alors premier avocat général, et aujourd'hui premier président de la Cour de Douai.

les idées générales, n'entrait pas assez dans les détails. J'ai voulu prendre le côté qu'avait négligé cet homme éminent, dont je suis heureux de suivre les traces et effrayé d'avoir reçu la succession dans l'enseignement. Je partage l'admiration que Rossi a exprimée pour le Code Napoléon comme ceuvre politique et sociale; en demandant sa révision je ne cède à aucun désir de dénigrer les institutions de mon pays; je n'ai pas dessein de porter atteinte à l'admiration dont a joui jusqu'à pré. sent cette œuvre qui a été souvent imitée à l'étranger. Convaincu que rien n'est parfait, et que les oeuvres les meilleures sont perfectibles, je me suis permis une excursion critique dans le Code Napoléon, avec la confiance que personne ne trouvera extraordinaire la demande que je fais pour la loi civile d'une révision analogue à celle qui a été faite à plusieurs reprises de la loi pénale. L'économie politique a démontré que notre Code était fort réglementaire; qu'il restreignait souvent la liberté des conventions; qu'il limitait la propriété privée dans

qu'elles doivent avoir, et dont le principe a été reconnu par l'article 1134. Mettons la loi d'accord avec la science, les détails avec la règle générale; le respect pour le Code, loin d'être atteint par ces modifications, ne peut que gagner à ce perfectionnement. L'autorité du Code pénal n'a pas été diminuée par les révisions de 1832 et 1863; il est sûr que celle du Code Napoléon sera au moins intacte, si elle n'est pas augmentée par les remaniements que votre bienveillance m'a permis d'exposer, et que je réclame de ceux qui ont l'initiative des lois. J'ose espérer que vous prêterez à mes réclamations l'autorité de vos noms et le concours de votre institution; car vous pourriez provoquer sur cette question quelque travail spécial où seraient approfondi et complété les parties du programme que je n'ai pu qu'effleurer*.

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BATBIE.

-Le Correspondant.

des circonstances trop nombreuses. plusieurs reprises l'article de M. Batbie

Une révision facile à faire rendrait aux conventions la liberté

Les lecteurs ont dû remarquer qu'à suppose qu'il s'adresse à un auditoire. En effet, ce travail a été lu à l'Académie des sciences morales et politiques, dans les séances des 23 et 30 décembre 1865.

FIN DU PREMIER VOLUME.

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L'ECHO

DE

LA FRANCE

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