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beaucoup plus grande & plus magnifique que ne fut jamais celle du Roi, qu'il a rafée lui-même?

partie du

mont Pala

Quel avan tage c'eft

Il eft vrai auffi qu'il habitoit une maison trop élevée & trop fuperbe; elle étoit fur la croupe de Velia, d'où elle commandoit la place publi- étoit une que, & d'où l'on voyoit tout ce qui s'y paffoit, & fes avenues étoient fi difficiles, qu'on n'en approchoit qu'avec beaucoup de peine, de forte que quand il en defcendoit avec cette pompe cela paroiffoit à ceux qui le voyoient d'en bas la chofe du monde la plus faftueufe, & moins la marche d'un Conful, que celle d'un Roi. Mais il fit bien voir en cette rencontre quel a vantage c'est pour ceux qui font dans les pre- pour les premieres places & qui ont le maniement des Etat, d'écou gran- ter leurs ades affaires d'un Etat, d'avoir l'oreille plus ou- mis & non verte au langage fincere des amis, qu'aux cajoleries des flatteurs, & à la verité, qu'au menfonge; Car fes amis ne lui eurent pas plûtôt rapporté que le Peuple étoit mécontent & fe plaignoit de lui, que, fans difputer ni se fâcher, il affembla un grand nombre d'ouvriers, & la nuit même il démolit fa maison jufqu'à la derniere pierre.

miers d'un

pas leurs flatteus

Le lendemain les Romains voyant ces ruines ne purent s'empêcher d'admirer la grandeur d'ame de Valerius; 26 mais ils furent bien fâ- Bel exemple

de la legere: té du Peu

chez ple.

cet avantage, qu'ils y obfervoient plus d'équité & plus de juftice. Car en Grece on n'honoroit de cet éloge public, que ceux qui étoient morts en combattant pour leur patrie; au lieu que les Romains l'accordoient à tous les grands hommes, de quelque maniere qu'ils euffent servi leur païs, jugeant avec raifon que toutes les vertus meri1ent cette récompenfe.

26. Mais ils furent bien fâchez que l'envie eût fait abattre.] Ils en étoient fâchez, & ils l'auroient encore conTome I

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dan

chez que l'envie eût fait abbattre dans un moment contre toute forte de raison & de justice une maison fi belle & fi magnifique, & ils la regrettoient comme on regretteroit un homme qu'on auroit fait mourir fur le champ fans aucune formalité. D'ailleurs ils avoient de la confufion de voir leur premier Magiftrat logé par emprunt, comme un vagabond qui n'a ni feu ni lieu, car fes amis le reçurent chez eux, Au pied du jusqu'à ce que le Peuple lui eût donné une place, où il fit bâtir une maison plus modeste que la premiere, 7 dans le lieu où est aujourd'hui le Temple de la Victoire.

anont Velia.

Non content de s'être rendu lui-même a· greable au Peuple, il voulut encore rendre fa charge douce & familiere, de farouche & de Valerius ôte formidable qu'elle étoit. 28 Il ôta donc les hais fifceaux. ches à fes faisceaux, & toutes les fois qu'il alloit aux Affemblées, il mettoit fes faisceaux aux pieds du Peuple, comme un hommage qu'il

les haches a

ren

damnée, fi elle n'eût pas été abattuë. Cela peint admirablement le Peuple, dont Platon a fort bien dit, qu'il condamne & fe repent, qu'il fait mourir quelqu'un & voudroit le reffufciter enfuite.

27. Dans le lieu où est aujourd'hui le Temple de la Vic toire.] Plutarque dit, où eft aujourd'hui le Temple appellé Vicus Publicus; mais qui peut s'imaginer qu'il y ait eu à Rome un Temple de ce nom? Il faut, ou que ce paffage foit corrompu, ou que Plutarque fe foit trompé lui-même, & qu'ayant lu dans les Hiftoriens Latins, ubi nunc eft Templum Vica pota, & ne l'ayant pas entendu, il ait mis à la place vicus publicus. Mais il y a plus d'apparence que c'eft une faute du texte. Voici les propres termes de Tite-Live: Delata confeftim materia omnis infra Veliam, &, ubi nunc Vica pota eft, domus in infimo clivo adificata. » Tous les materiaux furent portés fur l'heure même» fous le mont Velia, au pied duquel on lui bâtit une » autre maifon où eft prefentement le Temple de Vica "pota": c'est-à-dire, de la Victoire; car les anciens appelloiënt la Victoire, de ce nom, qui fignifie, non feule

ment

par fon ha

quiert à fai perfoane

qu'il femble

rendoit à fon Souverain; & c'est ce que les Confuls obfervent encore. Le Peuple ne prit pas garde que par-là il ne s'abaiffoit pas luimême, comme on le penfoit, au contraire Le Mag ftrat qu'il appaifoit & éloignoit l'envie par cette hu-mire acmilité, & qu'il acqueroit autant d'autorité pour Pantorité, fa perfonne, qu'il fembloit en ôter à sa charge. ôter à fa En effet le Peuple fe foûmettoit fi volontaire-charge. ment à lui, lui témoignoit tant d'affection, & en étoit fi content, qu'il lui donna le nom de Publicola, c'est-à-dire, qui honore le Peuple, nom qui effaça tous fes anciens noms, & dont nous nous fervirons toûjours dans la fuite. Auffi lui étoit-il bien dû, 9 car il permit à tout le monde de demander la place qui vacquoit dans le Confulat, mais avant qu'on nommât celui qu'on devoit lui donner pour Collegue, comme il ne favoit pas ce qui pouvoit arriver, & qu'il craignoit que ce nouveau Conful ne s'oppofât peut-être à fes deffeins ou par

envie, ment vaincre mais joutr & tirer tout le fruit de fa victoire, vincere & potiri. Les Victoires ne font plus Victoires, quand on n'en tire pas le fruit.

28. Il ôta donc les haches à fes faisceaux.] Il ordonna que les Confuls ne feroient porter devant eux dans la ville que les faisceaux fans hâches, & qu'on ne porteroit les haches qu'à la campagne.

29. Car il permit à tout le monde de demander la place qui vacquoit dans le Confulat. ] Je ne fai d'où Plutarque a tiré cette particularité. Publicola put donner alors cette permiffion pour plaire au Peuple, mais elle n'eut point de lieu. Le Confulat fut refervé pour les feuls Patriciens, & les Plebeiens ne commencerent que tard à y être admis. Lucius Sextius fut le premier du Peuple à qui on accorda cet honneur cent - quarante-cinq ans après le tems dont Plutarque parle. Et cela même ne dura qu'onze ans ; car la douzième année enfuite, c'eft-à-dire, l'an de Rome 401. les deux Confuls furent pris parmi les Patriciens. On peut voir Tite-Live, v11. 18.

Publicola remplit le Senat.

Loix en ta

ple.

blit extre

mement le pouvoir Con

les Tribuns

envie, ou par ignorance, il fe fervit du pouvoir abfolu, qu'il avoit feul, pour faire de trèsgrands & très-beaux établissemens.

Il remplit d'abord le Senat qui étoit fort diminué par les cruautez de Tarquin, & par la derniere bataille, & il fuppléa, dit-on, jusqu'au nombre de cent foixante-quatre Senateurs. Il fait des fit enfuite des Loix qui augmenterent infiniveur du Feu- ment la puiffance du Peuple. Par la premiere, Cela affoi il permit d'appeller au Peuple des jugemens des Magiftrats; 30 par la feconde, il établit la peine Sulaire que de mort contre ceux qui prendroient des characheverent ges fans le confentement du Peuple, & par la troifième, qui fut d'un grand fecours pour les La décharge pauvres, 31 il déchargea tous les Citoyens de pôts favo toutes fortes de tailles & d'impôts, ce qui les aufactures. porta tous à s'appliquer plus volontiers aux Arts & aux Manufactures. La Loi même, qu'il fit contre ceux qui desobeïroient aux ordres des Confuls, paffa pour auffi populaire que les autres, & l'on eftima qu'elle favorifoit encore plus les pauvres & les foibles, que les riches & les puiffants, 32 car l'amende, qu'il établit contre cette desobeïffance, étoit de la valeur

des tailles &

sable aux

Arts & Ma

de

30. Par la feconde il établit la peine de mort. ] Il ordonna que perfonne ne pourroit exercer aucune charge fans le confentement du Peuple, & permit à tout le monde de tuer ceux qui désobeïroient à cette Loi.

31. Il déchargea tous les Citoyens de toutes fortes de tailles & d'impôts.] Il ne fit cette Loi que dans fon troisieme Confulat, lorsque Porfenna alla affieger Rome, & il la fit, de peur que les pauvres, attirez par l'efperance d'avoir quelque foulagement, n'allaffent fe rendre à l'ennemi, & ne trahiffent leur patrie. Den. liv. v. & Tite-Live

29.

32. Car l'amende, qu'il établit contre cette desobeïssance étoit de la valeur de cinq boeufs & de deux moutons.] Pourquoi Plutarque tire-t-il de-là cette confequence, que cette Loi

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Huit livres

deniers.

de cinq bœufs & de deux moutons. Or un Seize fols mouton valoit dix oboles, & un boeuf, cent, huit deniers. les Romains ne fe fervant pas encore beau- fix fols huir coup d'argent monnoyé, & tout leur bien confiftant en troupeaux. D'où vient qu'encore aujourd'hui, tout ce qu'un homme poffede eft appellé parmi eux peculium, du mot pecus, qui fignifie un mouton. La plus ancienne même de leurs monnoyes portoit la marque d'un Moutoye mouton, d'un pourceau, ou d'un boeuf, 33 & ils Romains. donnoient à leurs enfans des noms tirez de ces plicité fur animaux, car ils les appelloient Suillios & Por- bien oppofée cios,Porchers; Bubulcos, Bouviers; & Capra- des Greca... rios, Chevriers.

des anciens

Leur fim.

les noms

à la vanité

Loi remar

Publicola

Quoique Publicola fût fi populaire & fi modere dans fes Ordonnances, il ne laiffa pas d'étendre quelquefois la rigueur des peines. Il fit une Loi qui permettoit de tuer fans autre for- quable de me de juftice celui qui auroit voulu fe faire Roi, & déclaroit abfous l'Auteur du meurtre, pourvû qu'il donnât des preuves de l'attentat qu'il auroit puni. Car il eft impoffible que celui qui afpire à de fi grandes chofes, le faffe fi fecrettement qu'il ne foit apperçu de perfonne;

mais

étoit plus pour les pauvres que pour les riches? c'eft fans
doute, parce que cette amende étant modique, & pou-
vant être payée, ou en argent, ou en bétail, elle n'étoit
pas au deffus de la portée du Peuple. Publicola l'avoit
proportionnée à leur foibleffe, cat l'amende entiere n'al-
loit qu'à quarante-trois livres fix fols huit deniers de no-
tre monnoye, à vingt deniers l'obole, ce qui étoit fort
peu confiderable par rapport au crime & aux peines dont
on le puniffoit auparavant.

33. Et ils donnoient à leurs enfans des noms tirez de ces ani-
maux.] Les noms ont toûjours été la marque de la mo-
deftie & de la fimplicité des hommes, où de leur luxe
& de leur orgueil.

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