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PUBLICOLA.

S

fignifie, Qui

Peuple

Publicola

OLON ayant été tel que nous venons de le représenter, nous lui comparerons Publicola, à qui le Publico Peuple Romain donna ce nom honore le par honneur & par reconnoiffance fur la fin de fon premier Confulat; auparavant il s'appelloit Publius Valerius. Il étoit Origine de defcendu de cet ancien Valerius, qui contribua plus que perfonne à mettre la paix entre les Romains & les Sabins, & à les faire deve nir un même Peuple; car ce fut lui qui porta les deux Rois à une entrevue & qui les obligea d'écouter des propofitions d'accommodement. Publius Valerius donc iffu de ces Ancêtres, quoi que Rome fût encore alors fous

2

la

1. Il étoit defcendu de cet ancien Valerius, qui contribua plus que perfonne à mettre la paix entre les Romains & les Sabins. Il defcendoit de ce Volefus Valerius, qui étoit un des trois perfonnages les plus confiderables qui fuivirent Tatius à Rome.

2. Quoique Rome fût encore alors fous la domination des Rais, ne laiffa pas de fe rendre confiderable par fon éloquence. ] Cela eft fondé fur cette opinion affez generale, qu'il n'y a rien de plus contraire à l'éloquence que la domination des Rois; car un efprit accoûtumé à la fervitude ne peut rien produire de noble, ni de grand, la fervitude étant comme une prifon où l'ame decroît & fe rapetif

X 4

Leg

chie contrai

quence.

Chofe très

La Monar la domination des Rois, ne laiffa pas de fe rendre confiderable par fon éloquence 3 & par fes richeffes. Il fe fervoit de l'une avec autant de droiture que de liberté pour le maintien de are fous un la Juftice, & il employoit genereufement les Тугац. autres au fecours de ceux qui en avoient befoin; de maniere qu'il étoit vifible que, fi l'Etat fe changeoit en Republique, il y tiendroit le premier rang.

s Tarquin le Superbe, qui étoit parvenu à l'Empire en foulant aux pieds tous les droits divins & humains, & qui fe fervoit de fon pouvoir, non en Roi, mais en Tyran, s'étant rendu infuportable, & le Peuple ayant pris pour le prétexte & l'occasion de fa revolte, la

mort

fe. Et ce qui femble le prouver, c'est que l'Eloquence a le plus fleuri dans les Etats qui ont été agités de troubles & de guerres civiles, & que ceux qui ont été bien policez, comme ceux de Lacedemone & de Crete, n'ont pas porté de grands Orateurs non plus que les Etats Monarchiques, où tout dépendant de la volonté d'un feul les affaires fe décident plus par le confeil, que par l'éloquence. Philippe n'a jamais pu trouver dans fes Etats un Orateur à oppofer à Demofthene; & à Rome on a vû mourir l'Eloquence avec la Liberté. Mais je crains bien que nous n'aimions à rejetter fur une caufe étrangere un vice qui ne vient que de nous. Ce n'eft nullement le Gouvernement Monarchique qui énerve notre efprit; ce font nos paffions, c'eft le defir infatiable des richeffes; c'eft l'amour des plaifirs; c'eft la pareffe. On peut voir le dernier chapitre de Longin, qui examine à fond les caufes de la Décadence des efprits. Cependant il faut remarquer que Plutarque écrivoit ceci Tous le Gouvernement Monarchique; & fi cette liberté fait honneur à celui qui écrit, elle en fait encore davantage au Prince qui la fouffre. Je croi que c'étoit Trajan.

3. Et par fes richeffes. 1 Cela étoit fort extraordinaire & fort remarquable; car Tarquin avoit abaiffé toutes les plus grandes Maifons de Rome, & dépouillé les plus ri

ches.

mort de Lucrece, qui s'étoit tuée elle-même, pour avoir été violée par le Fils aîné de Tarquin, Lucius Brutus, qui s'étoit mis à la tête de ce parti, s'en alla d'abord chez Valerius, pour lui communiquer fon deffein. Il le trouva très-difpofé à le feconder de toutes fes forces, & il s'en fervit fort utilement pour chaffer les Rois. Veritablement pendant qu'il y eut quelque apparence que le Peuple établiroit, au lieu d'un Roi, un General, Valerius Equité de fe tint en repos, & ceda volontiers à Brutus cette premiere place, qui lui appartenoit à plus jufte titre, puisqu'il avoit été le Chef de cette entreprise & l'auteur de la liberté. Mais dès qu'il parut que le nom de Monarque étoit odieux,

4. Que fi l'Etat fe changeoit en Republique. ] Comme cela arrive presque toûjours à tous les Etats Tyranniques. Ils fe changent en Democratie, en Gouvernement populaire. Ariftote en a expliqué les raifons dans le v. Liv. de fes Politiques.

s. Tarquin le Superbe, qui étoit parvenu à l'Empire en foulant. Il y a dans le texte, non par les bonnes voyes, C'eft-à-dire non par le decret du Senat, par les fuffrages du Peuple, par des facrifices & par la faveur du Ciel, qui devoit approuver l'élection par des fignes favora bles.

6. En foulant aux pieds tous les droits divins & humains. ] Car non feulement il méprifa les voyes ordinaires, mais il fe fit un degré au thrône du propre corps du Roi Servius Tullus fon beaupere, qu'il tua.

7. Non en Roi, mais en Tyran. ] Car il abaiffoit les Nobles, dépouilloit les riches, ôtoit au Peuple fes privile ges, & les Loix, lui défendoit les Affemblées tant facrées que politiques, & l'accabloit par des ouvrages ferviles qui n'avoient point de fin.

8. S'en alla d'abord chez Valerius pour lui communiquer fen deffein.] Denys d'Halicarnaffe & Tite-Live écrivent que Lucrece les avoit fait appeller avec fon pere, qu'elle fe tua en leur prefence, & que dans le même temps k deffein fut pris de chaffer les Rois.

Valerius.

Rus qui le

propofa,

Il s'appel

Tarquinius

étoit de la

odieux, & que le Peuple fouffriroit plus volontiers une autorité partagée, & que même Ce fut Bru- on propofoit de nommer deux Confuls, alors il ne douta pas qu'on ne le choisît avec Brutus, & il fe trompa, car malgré tout ce que Brutus pût faire, on lui donna pour ColleJoit Lucius gue Collatin, mari de Lucrece. Ce n'eft pas Collatinus & que Collatin eût plus de merite & plus de vertu que Valerius; mais c'eft que les plus puiffans de la Ville, craignant les Tarquins, qui de déhors faifoient encore des brigues, & tâchoient par toutes fortes de flatteries & de foûmiffions d'adoucir le Peuple, voulurent avoir pour leur Géneral l'ennemi le plus irreconciliable de la Maifon Royale, comme celui qui ne fe laifferoit jamais fléchir.

Famille des

Tarquins.

offenfé de ce

qu'on lui

Valerius Valerius, très-faché de ce qu'on ne le crovoit préfere yoit pas capable de tout faire pour l'amour de setiades la patrie, parce qu'il n'avoit reçu aucune inaffaires. jure particuliere des Tyrans, fe retira du Se

Collatin, fe

nat, abandonna le Barreau, & renonça entierement à toutes les affaires publiques. Cela fit de la peine au Peuple, qui apprehenda que le reffentiment ne le portât à rétablir les Rois, & à ruiner les fondemens de la Republique enarer le se. core affermis. Mais quand Brutus, qui en foupçonnoit encore d'autres, voulut faire jurer le Senat fur les facrifices, & qu'il eût affigné un jour pour recevoir ce ferment, Vale

Brutus fait

10

rius

On lui donna pour Collegue Collatin.] Lucius Tarqui nius, fils d'Egerius, neveu de l'ancien Tarquin. Il étoit appellé Collatin, parce qu'il étoit Gouverneur de Collatia. Tarquin le Superbe, & Egerius pere de Collatin étoient coufins germains.

10. Qui en foupçonnoit d'autres.] Car non feulement par mi le Peuple, mais auffi parmi les Nobles, il y en avoit

beau

mier,

pic

rius defcendit dans la place avec un vifage gai, Valerius in & jura le premier qu'il n'écouteroit jamais aucune propofition de Tarquin, & qu'il lui feroit une guerre immortelle pour la défenfe de leur liberté, ce qui fit grand plaifir au Senat, & donna courage aux Confuls.

Les effets répondirent même bien-tôt à ses paroles, car presque dans le même tems il arriva à Rome de la part de Tarquin des Ambaffadeurs, qui portoient des Lettres très-propres à gagner le Peuple, & qui étoient chargés de lui tenir des difcours fort humbles, par lesquels ils efperoient de corrompre la multitude, en lui faifant entendre que c'étoit le Roi même qui parloit par leur bouche, qu'il avoit dépouillé toute fa fierté, & qu'il ne demandoit que des chofes juftes & raisonnables. Les Confuls étoient d'avis de les faire parler au Peuple; Valerius s'y oppofa & empêcha qu'on ne donnât cette occafion de remuer à une populace accablée de pauvreté, & qui craignoit encore. plus la guerre, que la tyrannie.

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Valerius,

"Bien-tôt après on vit arriver d'autres Am- Prudence baffadeurs, qui dirent que le Roi renonçoit à la Royauté, qu'il quittoit le deffein de leur faire la guerre, & qu'il demandoit feulement qu'on lui rendît fon argent & fon bien, & celui Tarquin fait de fes amis & de fes parens, afin qu'au moins fon argent de ils cuffent de quoi vivre dans leur fuite. La

plû

beaucoup à qui le degoût de leur fortune prefente & l'ef perance d'une meilleure, faifoient fouhaiter de vivre plâ tôt fous un Tyran que dans un Etat populaire.

11. Bientôt après on vit arriver d'autres Ambassadeurs.} Denys d'Halicarnaffe dit que c'étoient les mêmes, qui n'a yant pû obtenir leurs premieres demandes, fe reduitirent à ceci pour gagner du temps.

demander aux RomaiDS

fon bien.

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