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Mourses, Tartares, Morduates et autres,
foit païens, foit grecs, employés aux
travaux de l'amirauté.
Tartares contribuables appelés 'tepteris
et bobilitz, &c.

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Serfs de plufieurs marchands et autres privilégiés, lefquels fans pofféder de terres peuvent avoir des efclaves. Payfans des terres deftinées à l'entretien

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de la cour. Payfans des terres appartenantes en propre à fa majefté, indépendamment du droit de la couronne.

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Serfs des gentilshommes.

Serfs appartenans à l'affemblée du clergé et qui défrayent fes dépenfes.

Serfs des évêques.

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Serfs des couvens que Pierre avait beaucoup diminués.

Serfs des églifes cathédrales et paroiffiales. Payfans travaillans aux ouvrages de l'amirauté ou aux autres ouvrages publics, environ.

7800.

28900.

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9100.

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418000.

60500.

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13600.

3550000.

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116400.

721500.

Travailleurs aux mines et fabriques des particuliers.

23700,

4000.

16000.

6626650.

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Voilà en nombre rond fix millions fix cents quarante mille mâles payant la capitation. Dans ce dénombrement les enfans et les vieillards font comptés; mais les filles et les femmes ne le font point, non plus que les garçons qui naiffent depuis l'établiffement d'un cadaftre jufqu'à la confection d'un autre cadaftre. Triplez feulement le nombre des têtes taillables, en y comptant les femmes et les filles, vous trouverez près de vingt millions d'ames.

Il faut ajouter à ce nombre l'état militaire, qui monte à trois cents cinquante mille hommes. Ni la nobleffe de tout l'empire, ni les ecclefiaftiques, qui font au nombre de deux cents mille, ne font foumis à cette capitation. Les étrangers dans l'empire font tous exempts, de quelque profeffion et de quelque pays qu'ils foient. Les habitans des provinces conquises, favoir la Livonie, l'Estonie, l'Ingrie, la Carélie, et une partie de la Finlande; l'Ukraine et les Cofaques du Tanaïs, les Calmouks et d'autres tartares, les Samoïèdes, les Lapons, les Oftiaks et tous les peuples

idolâtres de la Sibérie, pays plus grand que la Chine, ne font pas compris dans le dénombrement.

Par ce calcul, il eft impoffible que le total des habitans de la Ruffie ne montât au moins à vingt-quatre millions d'habitans en 1759, lorfqu'on m'envoya de Pétersbourg ces mémoires tirés des archives de l'empire. A ce compte il y a huit personnes par mille quarré. L'ambaffadeur anglais dont j'ai parlé n'en donne que cinq; mais il n'avait pas fans doute des mémoires auffi fidèles que ceux dont on a bien voulu me faire part.

Le terrain de la Ruffie eft donc, proportion gardée, précisément cinq fois moins peuplé que l'Efpagne, mais il a près de quatre fois plus d'habitans: il eft à peu-près auffi peuplé que la France et que l'Allemagne mais en confidérant fa vafte étendue, le nombre des peuples y eft trente-trois fois plus petit.

Il y a une remarque importante à faire fur ce dénombrement; c'est que de fix millions fix cents quarante mille contribuables, on en trouve environ neuf cents mille appartenans au clergé de la Ruffie, en n'y comprenant ni le clergé des pays conquis ni celui de l'Ukraine et de la Sibérie.

Ainfi fur fept perfonnes contribuables le clergé en avait une; mais il s'en faut bien qu'en poffédant ce feptième, ils jouiffent de la feptième partie des revenus de l'Etat, comme en tant d'autres royaumes, où ils ont au moins la feptième partie de toutes les richesses; car leurs paysans payaient une capitation au fouverain; et il faut compter pour beaucoup les autres revenus de la couronne de Ruffie, dont le clergé ne touche rien.

Cette évaluation eft très-différente de celle de tous les écrivains qui ont fait mention de la Ruffie; les miniftres étrangers, qui ont envoyé des mémoires à leurs fouverains, s'y font tous trompés. Il faut fouiller dans les archives de l'empire.

Il est très-vraisemblable que la Ruffie a été beaucoup plus peuplée qu'aujourd'hui, dans les temps où la petite vérole venue du fond de l'Arabie, et l'autre venue d'Amérique, n'avaient point encore fait de ravages dans ces climats où elles fe font enracinées. Ces deux fléaux, par qui le monde eft plus dépeuplé que par la guerre, font dus l'un à Mahomet, l'autre à Chriftophe Colomb. La pefte, originaire d'Afrique, approchait rarement des contrées du Septentrion. Enfin les peuples du Nord, depuis les Sarmates jufqu'aux Tartares qui font au-delà de la grande muraille, ayant inondé le monde de leurs irruptions, cette ancienne pépinière d'hommes doit avoir étrangement diminué.

Dans cette vafte étendue de pays, on compte environ fept mille quatre cents moines, et cinq mille fix cents religieufes, malgré le foin que prit Pierre le grand de les réduire à un plus petit nombre; foin digne d'un légiflateur dans un empire où ce qui manque principalement eft l'espèce humaine. Ces treize mille perfonnes cloîtrées et perdues pour l'Etat avaient, comme le lecteur a pu le remarquer, fept cents vingt mille ferfs pour cultiver leurs terres, et c'est évidemment beaucoup trop. Cet abus fi commun et si funeste à tant d'Etats, n'a été corrigé que par l'impératrice Catherine II. Elle a ofé venger la nature et la religion en ôtant au clergé et aux moines des richeffes odieuses; elle les a payés du tréfor public,

et

et a voulu les forcer d'être utiles en les empêchant d'être dangereux.

Je trouve, par un état des finances de l'empire en 1725, en comptant le tribut des Tartares, tous les impôts et tous les droits en argent, que le total allait à treize millions de roubles, ce qui fait foixante-cinq millions de nos livres de France, indépendamment des tributs en nature. Cette fomme modique fuffifait alors pour entretenir trois cents trente-neuf mille cinq cents hommes, tant fur terre que fur mer. Les revenus et les troupes ont augmenté depuis.

Les ufages, les vêtemens, les mœurs en Ruffie avaient toujours plus tenu de l'Afie que de l'Europe chrétienne: telle était l'ancienne coutume de recevoir les tributs des peuples en denrées, de défrayer les ambassadeurs dans leurs routes et dans leur féjour, et celle de ne fe présenter ni dans l'église ni devant le trône avec une épée, coutume orientale oppofée à notre usage ridicule et barbare d'aller parler à DIEU, aux rois, à fes amis et aux femmes avec une longue arme offenfive qui defcend au bas des jambes. L'habit long dans les jours de cérémonie semblait plus noble que le vêtement court des nations occidentales de l'Europe. Une tunique doublée de peliffe avec une longue fimarre enrichie de pierreries, dans les jours folennels, et ces espèces de hauts turbans qui élevaient la taille, étaient plus impofans aux yeux que les perruques et le juftaucorps, et plus convenables aux climats froids : mais cet ancien vêtement de tous les peuples paraît moins fait pour la guerre et moins commode pour les travaux. Prefque tous les autres ufages étaient groffiers; mais il ne faut pas fe figurer Hift. de Ruffie.

E

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