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Jnillet

1719.

1720.

monnaie aux officiers de l'efcadre, des médailles d'or, et fur-tout des marques d'honneur.

Dans ce temps-là même la flotte anglaife, fous le commandement de l'amiral Norris, entra dans la mer Baltique pour favorifer les Suédois. Pierre eut affez de confiance dans fa nouvelle marine pour ne fe pas laiffer imposer par les Anglais; il tint hardiment la

et envoya demander à l'amiral anglais s'il venait fimplement comme ami des Suédois, ou comme ennemi de la Ruffie. L'amiral répondit qu'il n'avait point encore d'ordre pofitif. Pierre, malgré cette réponse équivoque, ne laiffa pas de tenir la mer.

Les Anglais en effet n'étaient venus que dans l'intention de fe montrer, et d'engager le czar par ces démonftrations à faire aux Suédois des conditions de paix acceptables. L'amiral Norris alla à Copenhague, et les Ruffes firent quelques defcentes en Suède dans le voifinage même de Stockholm ; ils ruinèrent des forges de cuivre ; ils brûlèrent près de quinze mille maisons, et causèrent affez de mal pour faire souhaiter aux Suédois que la paix fût inceffamment conclue.

En effet, la nouvelle reine de Suède preffa le renouvellement des négociations; Ofterman même fut envoyé à Stockholm: les chofes reftèrent dans cet état pendant toute l'année 1719.

L'année fuivante, le prince de Heffe, mari de la reine de Suède, devenu roi de fon chef, par la ceffion de fa femme, commença fon règne par l'envoi d'un miniftre à Pétersbourg, pour hâter cette paix tant défirée mais au milieu de ces négociations la guerre durait toujours.

La flotte anglaise se joignit à la fuédoise, mais

fans commettre encore d'hoftilités; il n'y avait point de rupture déclarée entre la Ruffie et l'Angleterre ; l'amiral Norris offrait la médiation de fon maître, mais il l'offrait à main armée; et cela même arrêtait les négociations. Telle eft la fituation des côtes de la Suède et de celles des nouvelles provinces de Ruffie fur la mer Baltique, que l'on peut aifément infulter celles de Suède, et que les autres font d'un abord très-difficile. Il y parut bien, lorsque l'amiral Norris, ayant levé le mafque, fit enfin une defcente, conjoin- Juin. tement avec les Suédois, dans une petite île de l'Eftonie, nommée Narguen, appartenante au czar: ils brûlèrent une cabane: mais les Ruffes, dans le même temps, defcendirent vers Vafa, brûlèrent quarante et un villages et plus de mille maifons, et causèrent dans tout le pays un dommage inexprimable. Le prince Gallitzin prit quatre frégates fuédoifes à l'abordage; il femblait que l'amiral anglais ne fût venu que pour voir de fes yeux à quel point le czar avait rendu fa marine redoutable. Norris ne fit prefque que fe montrer à ces mêmes mers fur lesquelles on menait les quatre frégates fuédoifes en triomphe au port de Cronflot devant Pétersbourg. Il paraît que les Anglais en firent trop s'ils n'étaient que médiateurs, et trop peu s'ils étaient ennemis.

172 0.

Enfin le nouveau roi de Suède demanda une fuf- Novembre penfion d'armes ; et n'ayant pu réuffir jusqu'alors par les menaces de l'Angleterre, il employa la médiation du duc d'Orléans, régent de France : ce prince, allié de la Ruffie et de la Suède, eut l'honneur de la conciliation : il envoya Campredon plénipotentiaire à Pétersbourg et de là à Stockholm. Le congrès s'affembla Fev. 1721.

dans Neuftadt, petite ville de Finlande; mais le czar ne voulut accorder l'armiftice que quand on fut fur le point de conclure et de figner. Il avait une armée en Finlande prête à fubjuguer le refte de cette province; ses escadres menaçaient continuellement la Suède : il fallait que la paix ne fe fît que fuivant fes volontés. On souscrivit enfin à tout ce qu'il voulut: on lui céda à perpétuité tout ce qu'il avait conquis, depuis les frontières de la Courlande jufqu'au fond du golfe de Finlande, et par-delà encore, le long du pays de Kexholm, et cette lifière de la Finlande même qui fe prolonge des environs de Kexholm au nord: ainfi il refta fouverain reconnu de la Livonie, de l'Eftonie, de l'Ingrie, de la Carélie, du pays de Vibourg et des îles voifines qui lui affuraient encore la domination de la mer, comme les îles d'Oefel, de Dago, de Mône et beaucoup d'autres. Le tout formait une étendue de trois cents lieues communes fur des largeurs inégales, et compofait un grand royaume, qui était le prix de vingt années de peines. Cette paix de Neuftadt fut fignée, le 10 septembre 1721, n. ft. par fon miniftre Oferman et le général

Bruce.

Pierre eut d'autant plus de joie, que, fe voyant délivré de la néceffité d'entretenir de grandes armées vers la Suède, libre d'inquiétude avec l'Angleterre et avec fes voifins, il fe voyait en état de fe livrer tout entier à la réforme de fon empire, déjà fi bien commencée, et à faire fleurir en paix les arts et le commerce introduits par fes foins avec tant de travaux.

Dans les premiers transports de fa joie, il écrivit à fes plénipotentiaires: Vous avez dressé le traité

,, comme fi nous l'avions rédigé nous-mêmes, et fi ,, nous vous l'avions envoyé pour le faire figner aux ,, Suédois; ce glorieux événement fera toujours présent " à notre mémoire. ››

Des fêtes de toute espèce fignalèrent la fatisfaction des peuples dans tout l'empire, et fur-tout à Pétersbourg. Les pompes triomphales que le czar avait étalées pendant la guerre, n'approchaient pas des réjouiffances paifibles au devant defquelles tous les citoyens allaient avec transport: cette paix était le plus beau de fes triomphes; et ce qui plut bien plus encore que toutes ces fêtes éclatantes, ce fut une rémiffion entière pour tous les coupables détenus dans les prisons, et l'abolition de tout ce qu'on devait d'impôts au tréfor du czar dans toute l'étendue de l'empire, jufqu'au jour de la publication de la paix. On brifa les chaînes d'une foule de malheureux : les voleurs publics, les affaffins, les criminels de lèfemajefté furent feuls exceptés.

Ce fut alors que le fénat et le fynode décernèrent 1721. à Pierre les titres de grand, d'empereur et de père de la patrie. Le chancelier Golofkin porta la parole au nom de tous les ordres de l'Etat dans l'églife cathédrale: les fénateurs crièrent enfuite trois fois : Vive notre empereur et notre père ! et ces acclamations furent fuivies de celles du peuple. Les miniftres de France, d'Allemagne, de Pologne, de Danemarck, de Hollande le félicitèrent le même jour, le nommèrent de ces titres qu'on venait de lui donner, et reconnurent empereur celui qu'on avait déjà défigné publiquement par ce titre en Hollande, après la bataille de Pultava. Les noms de père et de grand étaient des noms glorieux

que perfonne ne pouvait lui difputer en Europe; celui d'empereur n'était qu'un titre honorifique décerné par l'ufage à l'empereur d'Allemagne, comme roi titulaire des Romains; et ces appellations demandent du temps pour être formellement ufitées dans les chancelleries des cours, où l'étiquette eft différente de la gloire. Bientôt après, Pierre fut reconnu empereur par toute l'Europe, excepté par la Pologne, que la difcorde divifait toujours, et par le pape, dont le fuffrage eft devenu fort inutile, depuis que la cour romaine a perdu fon crédit à mefure que les nations fe font éclairées.

LA

CHAPITRE XVI.

Des conquêtes en Perfe.

A fituation de la Ruffie eft telle, qu'elle a néceffairement des intérets à ménager avec tous les peuples qui habitent vers le cinquantième degré de latitude. Quand elle fut mal gouvernée, elle fut en proie tour à tour aux Tartares, aux Suédois, aux Polonais; et fous un gouvernement ferme et vigoureux, elle fut redoutable à toutes les nations. Pierre avait commencé fon règne par un traité avantageux avec la Chine, Il avait à la fois combattu les Suédois et les Turcs: il finit par conduire des armées en Perfe.

La Perfe commençait à tomber dans cet état déplorable où elle eft encore de nos jours. Qu'on fe figure la guerre de trente ans dans l'Allemagne, les temps de

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