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chaffa les jéfuites de fon empire, comme le czar les
en avait chaffés en 1718, conclut avec Pierre un traité,
par lequel les caravanes ruffes ne commerceraient plus
que
fur les frontières des deux empires. Il n'y a que
les facteurs dépêchés au nom du fouverain, ou de la
fouveraine de la Ruffie, qui aient la permiffion
d'entrer dans Pékin; ils y font logés dans une vafle
maison que l'empereur Cam-hi avait affignée autrefois
aux envoyés de la Corée. Il y a long-temps qu'on n'a
fait partir ni de caravanes ni de facteurs de la couronne
pour la ville de Pékin. Ce commerce eft languiffant,
mais prêt à fe ranimer.

merce de Pétersbourg et

ports de

l'empire.

On voyait dès-lors plus de deux cents vaiffeaux Du cométrangers aborder chaque année à la nouvelle ville impériale. Ce commerce s'eft accru de jour en jour, des autres et a valu plus d'une fois cinq millions (argent de France) à la couronne. C'était beaucoup plus que l'intérêt des fonds que cet établiffement avait coûté. Ce commerce diminua beaucoup celui d'Archangel : et c'eft ce que voulait le fondateur, parce qu'Archangel eft trop impraticable, trop éloigné de toutes les nations, et que le commerce qui fe fait fous les yeux d'un fouverain appliqué eft toujours plus avantageux. Celui de la Livonie refta toujours fur le même pied. La Ruffie en général a trafiqué avec fuccès; mille à douze cents. vaiffeaux font entrés tous les ans dans fes ports, et Pierre a fu joindre l'utilité à la gloire.

CHAPITRE XIII.

Des lois.

On fait que les bonnes lois font rares,

mais que

leur exécution l'eft encore davantage. Plus un Etat eft vafte et compofé de nations diverfes, plus il est difficile de les réunir par une même jurifprudence. Le père du czar Pierre avait fait rédiger un code fous le titre d'Oulogénie; il était même imprimé, mais il s'en fallait beaucoup qu'il pût fuffire.

Pierre avait, dans fes voyages, amaffé des matériaux pour rebâtir ce grand édifice qui croulait de toutes parts: il tira des inftructions du Danemarck, de la Suède, de l'Angleterre, de l'Allemagne, de la France, et prit de ces différentes nations ce qu'il crut qui convenait à la fienne.

Il y avait une cour de boyards qui décidait en dernier reffort des affaires contentieuses: le rang et la naissance y donnaient féance, il fallait que la fcience la donnât cette cour fut caffée.

Il créa un procureur général, auquel il joignit quatre affeffeurs dans chacun des gouvernemens de l'empire ils furent chargés de veiller à la conduite des juges, dont les fentences reffortirent au fénat qu'il établit chacun de ces juges fut pourvu d'un exemplaire de l'Oulogénie, avec les additions et les changemens néceffaires, en attendant qu'on pût rédiger un corps complet de lois.

Il défendit à tous ces juges, fous peine de mort, de recevoir ce que nous appelons des épices: elles font médiocres chez nous, mais il ferait bon qu'il n'y en eût point. Les grand frais de notre justice font les falaires des fubalternes, la multiplicité des écritures, et fur-tout cet ufage onéreux dans les procédures de composer les lignes de trois mots, et d'accabler ainsi sous un tas immenfe de papiers les fortunes des citoyens. Le czar eut foin que les frais fuffent médiocres et la juftice prompte. Les juges, les greffiers eurent des appointemens du tréfor public, et n'achetèrent point leurs charges.

Ce fut principalement dans l'année 17 18, pendant qu'il inftruifait folennellement le procès de fon fils, qu'il fit ces règlemens. La plupart des lois qu'il porta furent tirées de celles de la Suède, et il ne fit point de difficulté d'admettre dans les tribunaux les prifonniers fuédois inftruits de la jurisprudence de leur pays, et qui, ayant appris la langue de l'empire, voulurent refter en Ruffie.

Les causes des particuliers reffortirent au gouverneur de la province et à fes affeffeurs; enfuite on pouvait en appeler au fénat; et fi quelqu'un après avoir été condamné par le fénat en appelait au czar même, il était déclaré digne de mort, en cas que fon appel fût injufte; mais pour tempérer la rigueur de cette loi, il créa un maître général des requêtes, qui recevait les placets de tous ceux qui avaient au fénat, ou dans les cours inférieures, des affaires fur lefquelles la loi ne s'était pas encore expliquée.

Enfin il acheva, en 1722, fon nouveau code, et il défendit, fous peine de mort, à tous les juges de

s'en écarter, et de fubftituer leur opinion particulière à la loi générale. Cette ordonnance terrible fut affichée, et l'eft encore dans tous les tribunaux de l'empire.

Il créait tout. Il n'y avait pas jufqu'à la fociété qui ne fût fon ouvrage. Il régla les rangs entre les hommes fuivant leurs emplois, depuis l'amiral et le maréchal jufqu'à l'enfeigne, fans aucun égard pour la naissance.

Ayant toujours dans l'efprit, et voulant apprendre à fa nation que des fervices étaient préférables à des aïeux, les rangs furent auffi fixés pour les femmes, et quiconque dans une assemblée prenait une place qui ne lui était pas affignée, payait une amende.

Par un règlement plus utile, tout foldat qui deve⚫nait officier devenait gentilhomme, et tout boyard flétri par la juftice devenait roturier.

Après la rédaction de ces lois et de ces règlemens, il arriva que l'augmentation du commerce, l'accroiffement des villes et des richeffes, la population de l'empire, les nouvelles entreprifes, la création de nouveaux emplois amenèrent néceffairement une multitude d'affaires nouvelles et de cas imprévus, qui tous étaient la fuite des fuccès mêmes de Pierre dans la réforme générale de fes Etats.

L'impératrice Elifabeth acheva le corps des lois que fon père avait commencé, et ces lois fe font reffenties de la douceur de fon règne.

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CHAPITRE XIV.

De la religion.

DANS ce temps-là même, Pierre travaillait plus

que jamais à la réforme du clergé. Il avait aboli le patriarchat, et cet acte d'autorité ne lui avait pas gagné le cœur des eccléfiaftiques. Il voulait que l'adminiftration impériale fût toute puiffante, et que l'administration eccléfiaftique fût respectée et obéiffante. Son deffein était d'établir un confeil de religion toujours fubfiftant, qui dépendît du fouverain et qui ne donnât de lois à l'Eglife que celles qui feraient approuvées par le maître de l'Etat, dont l'Eglife fait partie. Il fut aidé dans cette entreprife par un archevêque de Novogorod, nommé Théophane Procop ou Procopvitz, c'eft-à-dire, fils de Procop.

Ce prélat était favant et fage; fes voyages en diverses parties de l'Europe l'avaient inftruit des abus qui y règnent; le czar, qui en avait été témoin lui-même, avait dans tous fes établiffemens ce grand avantage, de pouvoir, fans contradiction, choisir l'utile et éviter le dangereux. Il travailla lui-même, en 17 13 et 17 19, avec cet archevêque. Un fynode perpétuel fut établi, compofé de douze membres, foit évêques, foit archimandrites, tous choifis par le fouverain. Ce collége fut augmenté depuis jufqu'à quatorze.

Les motifs de cet établiffement furent expliqués par le czar dans un difcours préliminaire le plus

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