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,, forceront à les violer....... Ces gens-là ne s'appuient 17 17. " que fur vous. Vous n'avez aucune reconnaissance " pour celui qui vous a donné la vie. L'affiftez-vous dans fes travaux depuis que vous êtes parvenu à ,, un âge mûr? ne blâmez-vous pas, ne déteftez-vous "pas tout ce que je puis faire pour le bien de mes ❞ peuples? J'ai fujet de croire que, fi vous me furvivez, ,, vous détruirez mon ouvrage. Corrigez-vous, rendez,, vous digne de la fucceffion, ou faites-vous moine. Répondez, foit par écrit, foit de vive voix, finon 'j'agirai avec vous comme avec un malfaiteur.,

Cette lettre était dure; il était aifé au prince de répondre qu'il changerait de conduite; mais il fe contenta de répondre en quatre lignes à fon père qu'il voulait fe faire moine.

Cette réfolution ne paraissait pas naturelle; et il paraît étrange que le czar voulût voyager en laiffant dans fes Etats un fils fi mécontent et fi obstiné: mais auffi ce voyage même prouve que le czar ne voyait pas de confpiration à craindre de la part de fon fils.

Il alla le voir avant de partir pour l'Allemagne et pour la France; le prince malade, ou feignant de l'être, le reçut au lit, et lui confirma par les plus grands fermens qu'il voulait fe retirer dans un cloître. Le czar lui donna fix mois pour fe confulter, et partit avec fon épouse.

A peine fut-il à Copenhague qu'il apprit (ce qu'il pouvait préfumer) qu'Alexis ne voyait que des mécon tens qui flattaient fes chagrins. Il lui écrivit qu'il eût à choisir du couvent ou du trône, et que voulait un jour lui fuccéder, il fallait qu'il vînt le trouver à Copenhague.

s'il

Te

1717.

Les confidens du prince lui perfuadaient qu'il ferait dangereux pour lui de fe trouver loin de tout confeil, entre un père irrité et une marâtre. Il feignit donc d'aller trouver fon père à Copenhague; mais il prit le chemin de Vienne, et alla fe mettre entre les mains de l'empereur Charles VI, fon beau-frère, comptant y demeurer jufqu'à la mort du czar.

C'était à peu-près la même aventure que celle de Louis XI, lorfque, étant encore dauphin, il quitta la cour du roi Charles VII, fon père, et fe retira chez le duc de Bourgogne. Le dauphin était bien plus coupable que le czarovitz, puifqu'il s'était marié malgré fon père, qu'il avait levé des troupes, qu'il fe retirait chez un prince naturellement ennemi de Charles VII, et qu'il ne revint jamais à sa cour, quelque instance que fon père pût lui faire.

Alexis au contraire ne s'était marié que par ordre du czar, ne s'était point révolté, n'avait point levé de troupes, ne fe retirait point chez un prince ennemi, et retourna aux pieds de fon père fur la première lettre qu'il reçut de lui. Car dès que Pierre fut que fon fils avait été à Vienne, qu'il s'était retiré dans le Tirol et enfuite à Naples qui appartenait alors à l'empereur Charles VI, il dépêcha le capitaine aux gardes Romanzoff et le confeiller privé Tolstoy, chargés d'une lettre écrite de fa main, datée de Spa, du 21 juillet, n. ft. 1717. Ils trouvèrent le prince à Naples dans le château Saint-Elme, et lui remirent la lettre : elle était conçue

en ces termes :

Je vous écris pour la dernière ,, fois, pour vous dire que vous ayez à exécuter ma " volonte que Tolstoy et Romanzoff vous annonceront

,, mais

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,, de ma part. Si vous m'obéiffez, je vous affure, et je 1717. ,, promets à DIEU que je ne vous punirai pas, et que ,, fi vous revenez, je vous aimerai plus que jamais; que fi vous ne le faites pas, je vous donne, comme père, en vertu du pouvoir que j'ai reçu de " DIEU, ma malédiction éternelle; et comme votre ,, fouverain, je vous affure que je trouverai bien les › moyens de vous punir; en quoi j'espère que DIEU ,, m'affiftera, et qu'il prendra ma jufte cause en ,, main.

,,Au refte fouvenez-vous que je ne vous ai violenté ,, en rien. Avais-je besoin de vous laiffer le libre choix du parti que vous voudriez prendre? Si j'avais voulu vous forcer, n'avais-je pas en main la puif,, fance? Je n'avais qu'à commander, et j'aurais été

,, obéi.,,

Le vice-roi de Naples perfuada aifément Alexis de retourner auprès de fon père. C'était une preuve incontestable que l'empereur d'Allemagne ne voulait prendre avec ce jeune prince aucun engagement dont le czar eût à fe plaindre. Alexis avait voyagé avec sa maîtreffe Afrofiné; il revint avec elle.

On pouvait le confidérer comme un jeune homme mal confeillé qui était allé à Vienne et à Naples, au lieu d'aller à Copenhague. S'il n'avait fait que cette feule faute, commune à tant de jeunes gens, elle était bien pardonnable. Son père prenait DIEU à témoin que non-feulement il lui pardonnerait, mais qu'il l'aimerait plus que jamais. Alexis partit fur cette affurance; mais par l'inftruction des deux envoyés qui le ramenèrent, et par la lettre même du czar, il paraît que le père exigea que le fils déclarât ceux qui l'avaient

118 confeillé, et qu'il exécutât fon ferment de renoncer à la fucceffion.

Il femblait difficile de concilier cette exhérédation avec l'autre ferment que le czar avait fait dans fa lettre d'aimer fon fils plus que jamais. Peut-être que le père, combattu entre l'amour paternel et la raison du fouverain, fe bornait à aimer fon fils retiré dans un cloître; peut-être espérait-il encore le ramener à fon devoir, et le rendre digne de cette fucceffion même, en lui fesant sentir la perte d'une couronne. Dans des conjonctures fi rares, fi difficiles, fi douloureuses, il est aifé de croire que ni le cœur du père, ni celui du fils, également agités, n'étaient d'abord bien d'accord avec eux-mêmes.

Le prince arrive, le 13 février 1718, n. ft. à Mofcou, où le czar était alors. Il fe jette le jour même aux genoux de fon père; il a un très-long entretien avec lui le bruit se répand auffitôt dans la ville que le père et le fils font réconciliés, que tout eft oublié ; mais le lendemain on fait prendre les armes aux régimens des gardes, à la pointe du jour; on fait fonner la groffe cloche de Mofcou. Les boyards, les confeillers privés font mandés dans le château; les évêques, les archimandrites et deux religieux de Saint-Bafile, profeffeurs en théologie, s'affemblent dans l'église cathédrale. Alexis eft conduit fans épée et comme prifonnier dans le château, devant fon père. Il fe profterne en fa préfence, et lui remet en pleurant un écrit par lequel il avoue fes fautes, fe déclare indigne de lui fuccéder, et pour toute grâce lui demande la vie.

Le czar, après l'avoir relevé, le conduisit dans un cabinet, où il lui fit plufieurs queftions. Il lui déclara

que s'il célait quelque chofe touchant fon évafion, il
y
allait de fa tête. Enfuite on ramena le prince dans
la falle où le confeil était affemblé; là on lut publi-
quement la déclaration du czar déjà dreffée.

Le père dans cette pièce reproche à fon fils tout ce que nous avons détaillé, fon peu d'application à s'inftruire, fes liaisons avec les partisans des anciennes mœurs, fa mauvaise conduite avec fa femme. Il a violé, dit-il, la foi conjugale en s'attachant à une fille de la plus baffe extraction, du vivant de fon épouse. Il eft vrai que Pierre avait répudié fa femme en faveur d'une captive; mais cette captive était d'un mérite fupérieur, et il était justement mécontent de fa femme, qui était fa fujette. Alexis, au contraire, avait négligé fa femme pour une jeune inconnue qui n'avait de mérite que fa beauté. Jufque-là on ne voit que des fautes de jeune homme qu'un père doit reprendre, et qu'il peut pardonner.

Il lui reproche enfuite d'être allé à Vienne se mettre fous la protection de l'empereur. Il dit qu'Alexis a calomnié fon père, en fefant entendre à l'empereur Charles VI qu'il était perfécuté, qu'on le forçait à renoncer à fon héritage; qu'enfin il a priè l'empereur de le protéger à main armée.

On ne voit pas d'abord comment l'empereur aurait pu faire la guerre au czar pour un tel fujet, et comment il eût pu interpofer autre chofe que des bons offices entre le père irrité et le fils défobéissant. Aussi Charles VI s'était contenté de donner une retraite au prince, et on l'avait renvoyé quand le czar inftruit de fa retraite l'avait redemandé.

1718

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