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voir vûë, nous la décrit affés au long.

On creufoit une foffe affés profonde, où celui pour qui fe devoit faire la céremonie defcendoit avec des Bandelettes facrées à la tête, avec une Couronne, enfin avec tout un équipage myfterieux. On mettoit fur la foffe un Couvercle de bois percé de quantité de trous. On amenoit fur ce Couvercle un Taureau couronné de Fleurs, & ayant les Cornes & le Front orné de petites lames d'or.Onl'égorgeoit avec un Coû teau facré; fon fang couloit par ces trous dans la foffe, & celui qui y étoit, le recevoit avec beaucoup de refpect; il y préfentoit fon front, fes joues, fes bras, fes épaules, enfin toutes les parties de fon corps, & tâchoit à n'en laiffer pas tomber une goutte ailleurs que fur lui. Enfuite il fortoit de-là hideux à voir, tout fouillé de ce fang, fes cheveux, fa barbe, fes habits tout. dégoutans, mais auffi il étoit purgé de tous fes crimes, & regeneré pour l'Eternité; car il paroît pofitivement par les Infcriptions, que ce Sacrifice étoit pour ceux qui le recevoient, une Rege neration mystique & éternelle.

Il falloit le renouveller tous les vingt

ans; autrement il perdoit cette force qui s'étendoit dans tous les Siecles à venir.

Les Femmes recevoient cette Regeneration auffi bien que les Hommes. On y affocioit qui l'on vouloit, & ce qui eft encore plus remarquable, des Villes entieres la recevoient par Députés.

Quelquefois on faifoit ce Sacrifice pour le falut des Empereurs. Des Provinces faifoient leur cour d'envoyer un Homme fe barboüiller, en leur nom, de Sang de Taureau, pour obtenir à l'Empereur une longue & heureuse vie. Tout cela eft clair par les Infcrip

tions.

Nous voici enfin fous Theodofe & fes Fils, à la ruine entiere du Paganif

me.

Theodofe commença par l'Egypte où il fit fermer tous les Temples. Enfuite il alla jufqu'à faire abattre celui de Serapis le plus fameux de toute l'Egypte.

Selon Strabon, il n'y avoit rien de plus gay dans toute la Religion Payenne que les Pelerinages qui fe faifoient à Serapis. Vers le tems de certaines Fêtes,

dit-il, on ne fçauroit croire la multitude de Gens qui defcendent fur un Canal d'Alexandrie à Canope, où eft ce Temple. Jour & nuit ce ne font que Bateaux pleins d'Hommes & de Femmes, qui chantent & qui dansent avec toute la liberté imaginable. A Canope il y a fur le Canal une infinité d'Hôtelleries qui fervent à retirer ces Voyageurs, & à favorifer leurs divertiffe

mens.

Auffi le Sophifte Eunapius, Payen, paroît avoir grand regret auTemple de Serapis, & nous en décrit la fin malheureufe avec affés de bile. Il dit que des Gens qui n'avoient jamais entendu parler de la Guerre, fe trouverent pourtant fort vaillans contre les pierres de ce Temple, & principalement contre les riches Offrandes dont il étoit plein; que dans ces lieux Saints on y plaça des Moines, gens infames & inutiles, qui pourvû qu'ils cuffent un habit noir & mal propre, prenoient une autorité tyrannique fur l'efprit des Peuples, & que ces Moines au lieu des Dieux que l'on voyoit par les lumieres de la raison, donnoient à adorer des Têtes de Brigands punis pour leurs cri

mes, qu'on avoit falées afin de les con ferver. C'eft ainfi que cet Impie traite les Moines & les Reliques, il falloit que la licence fût encore bien grande du tems qu'on écrivoit de pareilles chofes fur la Religion des Empereurs. Ruffin ne manque pas de nous marquer qu'on trouva le Temple de Serapis tout plein de Chemins couverts, & de Machines difpofées pour les Fourberies des Prêtres. Il nous apprend entre autres chofes qu'il y avoit à l'Orient du Temple une petite fenêtre par où entroit à certain jour un rayon du Soleil qui alloit donner fur la bouche de Serapis. Dans le même tems on apportoit un Simulacre du Soleil qui étoit de fer, & qui étant attiré par de l'Aiman caché dans la voûte, s'élevoit vers Serapis. Alors on difoit que le Soleil faluoit ce Dieu; mais quand le Simulacre de fer retomboit, & que le rayon fe retiroit de deffus la bouche de Serapis, le Soleil lui avoit affés fait fa cour, & il alloit à fes affaires.

Après que Theodofe eut défait le rebelle Eugene, il alla à Rome où tout le Senat tenoit encore pour le Paganisme. La grande raifon des Payens étoit que

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depuis douze cens ans Rome s'étoit fort bien trouvée de fes Dieux, & qu'elle en avoit reçû toutes fortes de profperités. L'Empereur harangua le Senat, & l'exhorta à embraffer le Chriftianifme; mais on lui répondit toujours que par l'ufage & l'experience on avoit reconnu le Paganisme pour une bonne Religion, & que fi on le quittoit pour le Chriftianifme; on ne fçavoit ce qui en arriveroit. Voilà quelle étoit la Theologie du Senat Romain. Quand Theodofe vit qu'il ne gagnoit rien fur ces Gens-là, il leur déclara que le Fife étoit trop chargé des dépenfes qu'il falloit faire pour les Sacrifices, & qu'il avoit befoin de cet argent là pour payer fes Troupes. On eut beau lui reprefenter que les Sacrifices n'étoient point legitimes s'ils ne fe faifoient de l'argent public, il n'eut point d'égard à cet inconvenient. Ainsi les Sacrifices & les anciennes Ceremonies cefferent, & Zozime ne manque pas de remarquer que depuis ce temslà toutes fortes de malheurs fondirent fur l'Empire Romain.

Le même Auteur raconte qu'à ce voyage que Theodofe fit à Rome

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