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Dragon qui s'étoit venu loger fur le Parnaffe, avoit fait deferter l'Oracle de Delphes; qu'on croyoit communément que c'étoit la folitude qui y avoit fait venir le Dragon; mais qu'il y avoit plus d'apparence que le Dragon y avoit caufé la folitude; que depuis la Gréce s'étoit rempli de Villes, &c.

Vous voyés que Plutarque vous parle d'un tems affés éloigné. Ainfi l'Òra cle depuis fa naiffance avoit déja été abandonné une fois, enfuite il est sûr qu'il s'étoit merveilleusement bien rétabli.

Après cela le Temple de Delphes effuya diverfes fortunes. Il fut pillé par un Brigand defcendu de Phlegias, par l'Armée de Xerxès, par les Phocenfes, par Pirrhus, par Ñeron, enfin par les Chrétiens fous Conftantin. Tout cela ne faifoit pas de bien à l'Oracle; les Prêtres étoient ou maffacrés, ou difperfés; on abandonnoit le lieu, les uftenciles facrées étoient perdues, il falloit des foins, des frais, & du tems pour remettre l'Oracle fur pied.

Il fe peut donc faire que Ciceron aît pendant fa jeuneffe confulté l'Oracle de Delphes; que pendant la Guerre de

Céfar & de Pompée, & dans ce de fordre general de l'Univers, l'Oracle ait été muet, comme le veut Lucain; qu'enfin après la fin de cette Guerre, forfque Ciceron écrivoit les Livres de Philofophie, il commençât à fe rétablir affes pour donner lieu à Quintus de dire qu'il étoit encore au monde, & affés peu pour donner lieu à Ciceron de fuppofer qu'il n'y étoit plus.

Quand Dorimaque, au rapport de Polibe, brûla les Portiques du Temple de Dodone, renverfa de fond en comble le lieu facré de l'Oracle, pilla ou ruina toutes les Offrandes, un Auteur de ce tems-là auroit bien pû dire que l'Oracle de Dodone ne parloit plus. Cela n'empêcheroit pas que dans le Siecle fuivant on ne trouvât un autre Auteur qui en rapporteroit quel que réponse.

CHAPITRE

CHAPITRE III

Hiftoire de la durée de l'Oracle de Delphes & de quelques autres Oracles.

Nous ne fçaurions mieux prou

ver que vers le tems de la Naiffance de J. C. où l'on parle tant du filence de l'Oracle de Delphes, il n'avoit pas ceffé tout-à-fait, mais étoit feulement interrompu, qu'en rapportant toutes les occafions differentes, où l'on trouve depuis ce tems-là qu'il a parlé.

Suetone, dans la Vie de Neron, dit que l'Oracle de Delphes l'avertit qu'il fe donnât de garde des 73 ans ; que Neron crut qu'il ne devoit mourir qu'à cet âge-là, & ne fongea point au vieux Galba, qui étant âgé de 73 ans lui ôta l'Empire. Cela le perfuada f bien de fon bonheur, qu'ayant perdu par un naufrage des chofes d'un trèsgrand prix, il fe vanta que les poiffons Les lui rapporteroient.

Tome II.

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Il falloit qu'il eût reçû du même Oracle de Delphes quelque réponse qui lui parût moins agréable, ou qu'il ne fe contentât plus d'être destiné à vivre 73 ans, * Îorfqu'il ôta aux Prêtres de Delphes les Champs de Cirrhe pour les donner à des Soldats, qu'il enlevá du Temple plus de soo Statuës. 500 foit d'Hommes, foit de Dieux, toutes de bronze, & que pour prophaner, ou pour abolir à jamais l'Oracle, il fit égorger des Hommes à l'ouverture de la Caverne facrée d'où fortoit l'efprit

Divin.

Que l'Oracle après une telle avanture ait été muet jufqu'au tems de Domitien, enforte que Juvenal ait pû dire alors que Delphes ne parloit plus, cela n'eft pas merveilleux.

Cependant il ne faut pas qu'il ait été tout-à-fait muet depuis Neron jufqu'à Domitien, car voici comme parle Philoftrate dans la Vie d'Apollonius de Tyane qui a vû Domitien. Apollonius vifita tous les, Oracles de la Grece, & celui de Dodone, & celui de Delphes, & celui d'Amphiaraus, &e. Ailleurs il parle encore ainfi. Vous pouvés voir l'Apollón de * Dien Caffius, Paufanias.

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Delphes illuftre par les Oracles qu'il rend au milieu de la Grece. Il répond à ceux qui Le confultent, comme vous le fçavés vous-même, en peu de paroles,& fans accompagner sa réponse de prodiges, quoiqu'il lui fût fort aise de faire trembler le Parnaße, d'arrêter la courfe du Cephife, & de changer les eaux de Caftalie en vin. Il vous dit fimplement la yerité, & ne s'amufe point à faire une montre inutile de fon pouvoir. II eft affès plaifant que Philoftrate prétende faire valoir fon Apollon, parce qu'il n'étoit pas. grand faifeur de miracles. Il pourroit y avoir en cet endroit-là quelque venin contre les Chrétiens.

Nous avons vû comment du tems de Plutarque, qui vivoit fous Trajan, cet Oracle étoit encore fur pied, quoique réduit à une feule Prêtreffe, après en avoir eu deux ou trois. Sous Adrien, Dion Chryfoftome dit qu'il consulta F'Oracle de Delphes, & il en rapporte une réponse qui lui parut affes embaraffee, & qui l'est effectivement.

Sous les Antonins, Lucien dit qu'un Prêtre de Tyane alla demander à ce faux Prophete Alexandre fi les Oracles qui fe rendoient alors à Didime, Claros, & à Delphes, étoient vérita

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