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fans répondre, mais à la troifiême il répondit. La Voix lui commanda que que quand il feroit arrivé à un certain lieu, il criât que le grand Pan étoit mort. Il n'y eut perfonne dans le Navire qui ne fût faifi de frayeur & d'épouvante. On déliberoit fi Thamus devoit obeïr à la Voix, mais Thamus conclut que fi quand ils feroient arrivés au lieu marqué, il faifoit affes de vent pour paffer outre, il ne falloit rien dire; mais que fi un calme les arrêtoit-là, il falloit s'acquitter de l'ordre qu'il avoit reçû. Il ne manqua point d'être furpris d'un calme à cet endroit-là & auffi-tôt ilfe mit à crier de toute fa force que le grand Pan étoit mort. A peine avoit-il ceffé de parler, que l'on entendit de tous côtés des plaintes & des gemiffemens, comme d'un grand nombre de perfonnes furprises & affligées de cette nouvelle. Tous ceux qui étoient dans le Vaiffeau furent témoins de l'avanture. Le bruit s'en répandit en peu de tems jufqu'à Rome, & l'Empereur Tibere ayant voulu voir Thamus lui-même, affembla des gens Sçavans dans la Theologic Payene, pour apprendre d'eux qui étoit ce grand Pan, & il fut conclu

que

que c'étoit le Fils de Mercure & de Penelope. C'est ainfi que dans le Dialogue où Plutarque traite des Oracles qui ont ceffé, Cleombrote conte cette Hiftoire, & dit qu'il la tient d'Epitherfés fon Maître de Grammaire, qui étoit dans le Vaiffeau de Thamus lorfque la chofe

arriva.

Thulis fut un Roi d'Egypte dont l'Empire s'étendoit jufqu'à l'Ocean. c'est lui, à ce qu'on dit, qui donna le nom de Thulé à l'Ifle qu'on appelle prefentement Islande. Comme fon Empire alloit apparemment jufques-là, il étoit d'une belle étendue. Ce Roi enflé de fes fuccès & de fa profperité, alla à l'Oracle de Serapis ; & lui dit.

Toi qui es le maître du feu, & qui gouvermes le cours du Ciel, dis-moi la verité. Y a-til jamais eu & y aura-t-il jamais quelqu'un auffi puißant que moi ? L'Oracle lui répondit.

Premierement Dieu, enfuite la Parole & l'Esprit avec eux, tous s'affemblans en un, dont le pouvoir ne peut finir. Sors d'ici promptement, Mortel, dont la vie eft toujours incertaine.

Au fortir de-là, Thulis fut égorgé.

* Suidas.

Tome II.

T

Eufebe a tiré des Ecrits mêmes de Por phire, ce grand ennemi des Chrétiens, les Oracles fuivans.

1. Gemiffés, Trépiés. Apollon vous quitte; il vous quitte, forcé par une lumiere celefte. Jupiter a été, il eft, & il fera. O grand Jupiter! Helas! mes fameux Oracles ne font plus.

2. La voix ne peut revenir à la Prêtreffe. Elle eft déja condamnée au filence depuis longtems. Faites toujours à Apollon des Sacrifices dignes d'un Dieu.

3. Malheureux Prètre, difoit Apollon à fon Prêtre, ne m'interroge plus fur le divin Pere, ni fur fon Fils unique, ni fur l'Efprit qui eft l'ame de toutes chofes. C'eft cet Efprit qui me chasse à jamais de ces lieux.

Augufte* déja vieux, & fongeant à fe choifir un Succeffeur, alla confulter l'Oracle de Delphes. L'Oracle ne répondoit point, quoiqu'Augufte n'épar gnât pas les Sacrifices. A la fin cependant il en tira cette réponse.

L'Enfant Hebreu, à qui tous les Dieux obéiffent, me chaffe d'ici, & me renvoye dans les Enfers. Sors de ce Temple fans panler. Il eft aifé de voir que fur de pareilles Hiftoires, on n'a pas pû douter que les *Suidas, Nicephore, Cedrenus,

Demons ne fe mêlaffent des Oracles. Ce grand Pan qui meurt fous Tibere, auffibien que Jefus-Chrift, eft le Maître des Demons, dont l'Empire eft ruiné par cette mort d'un Dieu fi falutaire à l'Univers; ou fi cette explication ne vous plaît pas, car enfin on peut fans impieté donner des fens contraires à une même chofe, quoiqu'elle regarde la Religion, ce grand Pan eft Jefus-Chrift lui-même, dont la mort caufe une douleur & une confternation generale parmi les Demons, qui ne peuvent plus exercer leur tyranie fur les Hommes. C'eft ainfi qu'on a trouvé moyen de donner à ce grand Pan deux faces bien differentes.

L'Oracle rendu au Roi Thulis, un Oracle fi pofitif fur la Sainte Trinité, peut-il être une fiction humaine? Comment le Prêtre de Serapis auroit-il deviné un fi grand Myftere, inconnu alors à toute la Terre, & aux Juifs mêmes ?

Si ces autres Oracles euffent été rendus par des Prêtres Imposteurs, qui obligeoit ces Prêtres à fe décrediter eux-mêmes, & à publier la ceffation de leurs Oracles? N'eft-il pas vifible que c'étoient des Demons que Dieu même forçoit à rendre témoignage à la Verité?

De plus, pourquoi les Oracles ceffoientils, s'ils n'étoient rendus que par des

Prêtres ?

CHAPITRE II.

Seconde Raifon des Anciens Chrétiens pour croire les Oracles furnaturels.Convenance de cette opinion avec le Siftême du Chriftianifme.

LEs Demons étant une fois conftans

par le Chriftianifme, il a été affés naturel de leur donner le plus d'emploi qu'on pouvoit, & de ne les pas épargner pour les Oracles, & les autres miracles Payens qui fembloient en avoir befoin, Par-là on fe difpenfoit d'entrer dans la difcuffion des faits qui eût été longue & difficile, & tout ce qu'ils avoient de furprenant & d'extraordinaire, on l'attribuoit à ces Demons que l'on avoit en main. II fembloit qu'en leur rapportant ces évenemens, on confirmât leur existence, & la Religion même qui nous la révéle,

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