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fait rien contre moi, s'il laiffe le mot d'Ora cle dans fa fignification ordinaire & naturelle, tant ancienne que moderne.

La feconde chofe que j'ai à dire, c'eft que l'on m'a averti que le R. P. Thomaffin, Prêtre de l'Oratoire, fameux par tant de beaux Livres, où il a accordé une pieté folide avea une profonde érudition, avoit enlevé à ce Livre-ci l'honneur de la nouveauté du Paradoxe, en traitant les Oracles de pures fourbevies dans fa Méthode d'étudier & d'enfeigner Chrétiennement les Poëtes. J'avoue que j'en ai été un peu faché; cependant je me fuis confolé par la lecture du Chap. XXI. du Livre II. de cette Méthode, où je n'ai trouvé que dans l'Article XIX. en affes peu de paroles, ce qui me pouvoit être commun avec lui. Voici comme il parle. La véritable raifon du filence impofé aux Oracles, étoit que par l'Incarnation du Verbe Divin la Vérité éclairoit le Monde, & y répandoit une abondance de lumieres tout autres qu'auparavant. Ainfi on fe détrompoit des illufions des Augures des Aftrologues, des Obfervations des entrailles des Bêtes, & de la plûpart des Oracles, qui n'étoient effectivement que des impoftures, où les Hommes fe trompoient les uns les autres par

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des paroles obfcures, & à double fens. Enfin, s'il y avoit des Oracles où les Démons donnoient des réponses, l'avenement de la Vérité incarnée avoit condamné à un filence éternel le Pere du menfonge. Il eft au moins bien certain qu'on confultoit les Démons lorfqu'on avoit recours aux Enchantemens & à la Magie, comme Lucain le rapporte du jeune Pompée, & comme I'Ecriture l'affure de Saül. Je conviens que dans un gros Traité où l'on ne parle des Oracles que par occafion, très-brievement, & fans aucun deffein d'approfondir la matiere c'est bien en dire affés que d'attribuer la plûpart des Oracles à l'impofture des Hommes, de revoquer en doute s'il y en a eu où les Démons ayent eu part, de ne donner une fonction certaine aux Démons que dans les Enchantemens & dans la Magie, & enfin de faire ceffer les Oracles, non pas précisément parce que le Fils de Dieu leur impofa filence tout d'un coup, mais parce que les Esprits plus éclairés par la publication de l'Evangile se défabuferent, ce qui fuppofe encore des fourberies humaines, & ne s'eft pû faire fi promptement. Cependant il me paroît qu'une queftion décidée en fi peu de paroles, peut être traitée de nouveau dans toute fon étendue natu

relle, fans que le Public ait droit de fe plaindre de la repetition; c'est lui remettre en grand ce qu'il n'a encore vu qu'en petit, & tellement en petit, que les objets en étoient quafi imperceptibles.

Je ne fçai s'il m'eft permis d'allonger encove ma Préface par une petite Observation fur le Stile dont je me fuis fervi. Il n'est que do Converfation, je me fuis imaginé que j'entretenois mon Lecteur ; j'ai pris cette idée d'autant plus aisément qu'il falloit en quelque forte difputer contre lui, & les Matieres que j'avois en main étant le plus fouvent affés fufcep tibles de ridicule, m'ont invité à une maniere d'écrire fort éloignée du Sublime. Il me femble qu'il ne faudroit donner dans le Sublime qu'à fon corps defendant. Il eft fi peu naturel ! J'avoue que le ftile bas eft encore quelque chofe de pis; mais il y a un milieu, & même plufieurs, C'est ce qui fait l'embaras ; on a bien de la pei ne à prendre jufte le ton que l'on veut, & à s'en point fortir.

HISTOIRE

HISTOIRE

DES

ORACLES.

M

On deffein n'eft pas de traiter directement l'Hiftoire des Oracles; je ne me propofe que de combattre l'opinion commune qui les attribue aux Démons, & les fait ceffer à la venuë de JESUS-CHRIST; mais en la combattant, il faudra néceffairement que je faffe toute l'Hiftoire des Oracles, & que j'explique leur origine, leurs progrès, les différentes manieres dont ils fe rendoient, & enfin leur décadence, avec la même exactitude que fi je fuivois dans ces matieres l'ordre naturel & hiftorique.

Tome II.

S

Il n'eft pas furprenant que les effets de la Nature donnent bien de la peine aux Philofophes. Les principes en font fi cachés que la raifon humaine ne peut prefque fans témerité fonger à les découvrir; mais quand il n'eft question que de fçavoir fi les Oracles ont pû être un jeu & un artifice des Prêtres Payens, où peut être la difficulté ? Nous qui fommes Hommes, nc fçavons-nous pas bien jufqu'à quel point d'autres Hommes ont pû être ou Impofteurs, ou Dupes? für-tout, quand il n'eft question que de fçavoir en quel tems les Oracles ont ceffe, d'où peut naître le moindre fujet de douter ? Tous les Livres font pleins d'Oracles. Voyons en quel tems ont été rendus les derniers dont nous ayons connoiffance.

Mais nous n'avons garde de permettre que la décifion des chofes foit fi facile; nous y faifons entrer des préjugés, qui y forment des embarras bien plus grands que ceux qui s'y fuffent trouvés naturellement, & ces difficultés, qui ne viennent que de notre part, font celles dont nous avons nous-mêmes le plus de peine à nous démêler.

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