Soleil, & tout s'y portera bien. Il est vrai que la plus grande partie des Etoiles Fixes n'ont pas ce mouvement par lequel elles s'éloignent de nous; car en d'autres tems elles devroient s'en rapprocher, & nous les verrions tantôt plus grandes tantôt plus petites, ce qui n'arrive pas. Mais nous fuppoferons qu'il n'y a que quelques petits Tourbillons plus legers & plus agiles qui fe gliffent entre les autres, & font de certains tours, au bout defquels ils reviennent, tandis que le gros des Tourbillons demeure immobile, mais voici un étrange malheur. Il y a des Etoiles Fixes qui viennent fe montrer à nous, qui paffent beaucoup de tems à ne faire que paroître & difparoître,& enfin difparoiffent entierement. Des demi-Soleils reparoîtroient dans des tems reglés, des Soleils qui s'enfonceroient dans le Ciel,ne difparoîtroient qu'une fois,pour ne reparoître de long-tems. Prenés votre résolution, Madame, avec courage; il faut que ces Etoiles foient des Soleils qui s'obfcurciffent affés pour ceffer d'être vifibles à nos yeux, & enfuite fe rallument, & à la fin s'éteignent toutà-fait. Comment un Soleil peut-il s'obf curcir & s'éteindre, dit la Marquife, lui qui eft en lui-même une fource de lumiere ? Le plus aifêment du monde, felon Descartes, répondis-je. Il fuppofe que les Taches de notre Soleil, étant ou des écumes ou des brouillards, elles peuvent s'épaiffir, fe mettre plufieurs enfemble, s'accrocher les unes aux autres, enfuite elles iront jusqu'à former autour du Soleil une croûte qui s'augmentera toujours, & adieu le Soleil. Si le Soleil eft un feu attaché à une matiere folide qui le nourrit, nous n'en fommes pas mieux, la matiere folide fe confumera. Nous l'avons déja même échappé belle, dit-on. Le Soleil a été très-pâle pendant des années cntieres, pendant celle, par exemple, qui fuivit la mort de Céfar. C'étoit la croûte qui commençoit à fe faire; la force du Soleil la rompit & la diffipa, mais fi elle eût continué, nous étions perdus. Vous me faites trembler, dit la Marquife. Prefentement que je fçai les confequences de la pâleur du Soleil, je croi qu'au lieu d'aller voir les matins à mon miroir fi je ne fuis point pâle, j'irai voir au Ciel fi le Soleil ne l'eft point lui-même. Ah! Madame, répondis-je, raffurés-vous, il· faut du tems pour ruiner un Monde. Mais enfin, dit-elle, il ne faut que du tems? Je vous l'avoue, repris-je. Toute cette maffe immenfe de matiere qui compofe l'Univers, eft dans un mouvement perpetuel, dont aucune de fes parties n'eft entierement exempte, & dès qu'il y a du mouvement quelque part, ne vous y fiés point, il faut qu'il arrive des changemens, foit lents, foit prompts, mais toujours dans des tems proportionnés à l'effet. Les Anciens étoient plaifans de s'imaginer que les Corps céleftes étoient de nature à ne changer jamais; parce qu'ils ne les avoient pas encore vû changer. Avoientils eu le loifir de s'en affurer par l'experience? Les Anciens étoient jeunes auprès de nous. Si les Rofes qui ne durent qu'un jour faifoient des Hiftoires & fe laiffoient des Memoires les unes. aux autres, les premieres auroient fait le portrait de leur Jardinier d'une certaine façon, & de plus de quinze mille âges de Rofes, les autres qui l'auroient encore laiffé à celles qui les devoient fuivre, n'y auroient rien changé. Sur cela elles diroient, Nous avons toujours v le même Jardinier, de memoire de Rofe on n'a vû que lui, il a toujours été fait comme il eft, affurément il ne meurt point comme nous, il ne change feulement pas. Le raisonnement des Roses feroit-il bon? Il auroit pourtant plus de fondement que celui que faifoient les Anciens fur les Corps céleftes; & quand même il ne feroit arrivé aucun changement dans lesCieux jufqu'à aujourd'hui, quand ils paroîtroient marquer qu'ils feroient faits pour durer toujours fans aucune alteration, je ne les en croirois pas encore, j'attendrois une plus longue experience. Devons-nous établir notre durée, qui n'eft que d'un inftant, pour la mesure de quelque autre? Seroit-ce à dire que ce qui auroit duré cent mille fois plus que nous, dut toujours durer? On n'est pas fi aifément éternel. Il faudroit qu'une chofe eût paffé bien des âges d'Homme mis bout à bout, pour commencer à donner quelque figne d'immortalité. Vraiment, dit la Marquife, je voi les Mondes bien éloignés d'y pouvoir prétendre. Je ne leur ferois feulement pas l'honneur de les comparer à ce Jardinier qui dure tant à l'égard des Rofes, ils ne font que comme les Rofes mêmes qui naiffent & qui meuTome II. P rent dans un Jardin les unes après les autres ; car je m'attens bien que s'il dif paroît des Etoiles anciennes, il en paroît de nouvelles, il faut que l'efpece fe repare. Il n'eft pas à craindre qu'elle periffe, répondis-je. Les uns vous diront que ce ne font que des Soleils qui fe rapprochent de nous, après avoir été long-tems perdus pour nous dans la profondeur du Ciel. D'autres vous diront que ce font des Soleils qui fe font dégagés de cette croûte obfcure qui commençoit à les environner. Je crois aifément que tout cela peut être, mais je crois auffi que l'Univers peut avoir été fait de forte qu'il s'y formera de tems en tems des Soleils nouveaux. Pourquoi la matiere propfe à faire un Soleil ne pourra-t-elle pas, après avoir été difperfée en plufieurs endroits differens, fe ramaffer à la longue en un certain lieu, & y jetter les fondemens d'un nouveau Monde ? J'ai d'autant plus d'inclination à croire ces nouvelles productions, qu'elles répondent mieux à la haute idée que j'ai des Ouvrages de la Nature. N'auroit-elle le pouvoir de faire naître & mourir des Plaque netes ou des Animaux par une révolu |