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grand efpace. Qu'ils ne s'inquietent plus, nous en avons trouvé l'ufage, c'est l'appartement des Planetes étrangères qui entrent dans notre Monde.

J'entens, dit-elle. Nous ne leur permettons pas d'entrer jufque dans le cœur de notre Tourbillon, & de fe mêler avec nos Planetes, nous les recevons comine le Grand Seigneur reçoit les Ambaffadeurs qu'on lui envoye. Il ne leur fait pas l'honneur de les loger à Conftantinople, mais feulement dans un Fauxbourg de la Ville. Nous avons encore cela de commun avec les Ottomans, repris - je, qu'ils repris-je, reçoivent des Ambaffadeurs fans en renvoyer, & que nous ne renvoyons point de nos Planetes aux Mondes voifins.

A en juger par toutes ces chofes repliqua-t-elle, nous fommes bien fiers. Cependant je ne fçai pas trop encore ce que j'en dois croire. Ces Planetes étrangeres ont un air bien menaçant avec leurs queues & leurs barbes, & peut-être on nous les envoyè pour nous infulter; au lieu que les nôtres qui ne font pas faites de la même maniere ne feroient pas fi propres à fe faire

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craindre, quand elles iroient dans les autres Mondes.

Les queues & les barbes, répondisje, ne font que de pures apparences. Les Planetes étrangeres ne différent en rien des nôtres; mais en entrant dans notre Tourbillon, elles prennent la queue ou la barbe par une certaine forte d'illumination qu'elles reçoivent du Soleil, & qui entre-nous n'a pas encore été trop bien expliquée, mais toujours on eft für qu'il ne s'agit que d'une cfpéce d'illumination; on la devinera quand on pourra. Je voudrois donc bien, reprit-elle, que notre Saturne allât prendre une queue ou une barbe dans quelque autre Tourbillon, & y répandre l'effroi, & qu'enfuite ayant mis bas cet accompagnement terrible, il revînt fe ranger ici avec les autres Planetes à fes fonctions ordinaires. II vaut mieux pour lui, répondis-je, qu'il ne forte point de notre Tourbillon. Je vous ai dit le choc qui fe fait à l'endroit où deux Tourbillons fe pouffent, & fe repouffent l'un l'autre, je croi que dans ce pas-là une pauvre Planete eft agitée affés rudement, & que fes Habitans ne s'en portent pas mieux.

Nous croyons nous autres être bien malheureux quand il nous paroît une Comete; c'est la Comete elle-même qui eft bien malheureufe. Je ne le croi point, dit la Marquife, elle nous apporte tous fes Habitans en bonne fanté. Rien n'eft fi divertiffant que de changer ainfi de Tourbillon. Nous qui ne fortons jamais du nôtre, nous menons une vie affés ennuyeufe. Si les Habitans d'une Comete ont affes d'efprit pour prévoir le tems de leur paffage dans notre Monde, ceux qui ont déja fait le voyage, annoncent aux autres par avance ce qu'ils y verront. Vous découvrirés bientôt une Planete qui a un grand Anneau autour d'elle, difentils peut-être, en parlant de Saturne. Vous en verrés une autre qui en a quatre petites qui la fuivent Peut-être méme y a-t-il des gens deftinés à obferver le moment où ils entrent dans notre Monde, & qui crient auffi-tôt, Nouveau Soleil, Nouveau Soleil, comme ces Matelots qui crient, Terre, Terre.

Il ne faut donc plus fonger, lui disje à vous donner de la pitié pour les Habitans d'une Comete; mais j'efpere du moins que vous plaindrés ceux qui

vivent dans un Tourbillon dont le SoIeil vient à s'éteindre & qui demeurent dans une nuit éternelle. Quoi? s'écria-telle, des Soleils s'éteignent? Oui, fans doute, répondis-je. Les Anciens ont vû dans le Ciel des Etoiles Fixes que nous n'y voyons plus. Ces Soleils ont perdu leur lumiere; grande défolation affurément dans tout le Tourbillon, mortalité generale fur toutes les Planetes; car que faire fans Soleil Cette idée eft trop funefte, reprit-elle. N'y auroit-il pas moyen de me l'épargner? Je vous dirai, fi vous voulés, répondis-je, ce que difent de fort habiles gens, que les Étoiles Fixes qui ont difparu ne font pour cela éteintes, que ce font des Soleils qui ne le font qu'à demi, c'est-àdire, qui ont une moitié obfcure, & l'autre fumineufe; que comme ils tournent fur eux-mêmes, tantôt ils nous prefentent la moitié lumineufe, tantôt la moitié obfcure & qu'alors nous ne les voyons plus. Selon toutes les apparences la cinquiéme Lune de Saturne est faite ainsi, car pendant une partie de fa revolution, on la perd abfolument de vûë, & ce n'eft pas qu'elle foit alors plus éloignée de la

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pas.

Terre, au contraire elle en eft quelque fois plus proche que dans d'autres tems où elle fe laiffe voir. Et quoique cette Lune foit une Planete, qui naturellement ne tire pas à confequence pour un Soleil, on peut fort bien imaginer un Soleil qui foit en partie couvert de Taches fixes, au lieu que le nôtre n'en a que de paffageres. Je prendrai bien, pour vous obliger, cette opinion-là, qui est plus douce que l'autre; mais je ne puis la prendre qu'à l'égard de certaines Etoiles qui ont des tems reglés pour paroître & pour difparoître, ainfi qu'on a commencé à s'en appercevoir, autrement les demi-Soleils ne peuvent pas fubfifter. Mais que dirons nous des Etoiles qui difparoiffent, & ne fe remontrent pas après le tems pendant lequel elles auroient dû affurément achever de tourner fur elles-mêmes? Vous êtes. trop équitable pour vouloir m'obliger à croire que ce foient des demi-Soleils; cependant je ferai encore un effort en. votre faveur. Ces Soleils ne fe feront pas éteints; ils fe feront feulement enfoncés dans la profondeur immenfe du Ciel, & nous ne pourrons plus les voir en ce cas le Tourbillon aura fuivi fon

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