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vrai et du faux honneur; et je l'ai composée avec le même soin que tous mes autres écrits. Je ne saurois pourtant dire si elle est bonne ou mauvaise; car je ne l'ai encore communiquée qu'à deux ou trois de mes plus intimes amis, à qui même je n'ai fait que la réciter fort vîte, dans la peur qu'il ne lui arrivât ce qui est arrivé à quelques autres de mes pieces, que j'ai vues devenir publiques avant même que je les eusse mises sur le papier, plusieurs personnes à qui je les avois dites plus d'une fois les ayant retenues par cœur et en ayant donné des copies. C'est donc au public à m'apprendre ce que je dois penser de cet ouvrage, ainsi que de plusieurs autres petites pieces de poésie qu'on trouvera dans cette nouvelle édition, et qu'on y a mêlées parmi les épigrammes qui y étoient déja. Ce sont toutes bagatelles, que j'ai la plupart composées dans ma plus tendre jeunesse, mais que j'ai un peu rajustées pour les rendre plus supportables au lecteur. J'y ai fait aussi ajouter deux nouvelles lettres ; l'une que j'écris à M. Perrault, et où je badine avec lui sur notre démêlé poétique, presque aussitôt éteint qu'allumé; l'autre est un remerciement à M. le comte d'Ericeyra, au sujet de la traduction de mon Art poétique faite par lui en vers portugais, qu'il a eu la bonté de m'envoyer de Lisbonne, avec une lettre et des vers françois de sa com. position, où il me donne des louanges très délicates, et auxquelles il ne manque que d'être appliquées à

un meilleur sujet. J'aurois bien voulu pouvoir m'acquitter de la parole que je lui donne à la fin de ce remerciement, de faire imprimer cette excellente tra duction à la suite de mes poésies: mais malheureusement un de mes amis, à qui je l'avois prêtée, m'en a égaré le premier chant; et j'ai eu la mauvaise honte de n'oser récrire à Lisbonne pour en avoir une autre copie. Ce sont là à-peu-près tous les ouvrages de ma façon, bons ou méchants, dont on trouvera ici mon livre augmenté. Mais une chose qui sera sûrement agréable au public, c'est le présent que je lui fais, dans ce même livre, de la lettre que le célebre M. Ar nauld a écrite à M. Perrault à propos de ma dixieme satire, et où, comme je l'ai dit dans l'épître à mes Vers, il fait en quelque sorte mon apologie. Je ne doute point que beaucoup de gens ne m'accusent de témérité, d'avoir osé associer à mes écrits l'ouvrage d'un si excellent homme; et j'avoue que leur accusa tion est bien fondée. Mais le moyen de résister à la tentation de montrer à toute la terre, comme je le montre en effet par l'impression de cette lettre, que ce grand personnage me faisoit l'honneur de m'esti 'mer, et avoit la bonté meas esse aliquid putare nugas! (1)

(1) Nous observerons ici que notre dessein est de réunir dans cette nouvelle édition de Boileau les seuls ouvrages de ce grand poëte. S'il falloit y joindre toutes les

Au reste, comme, malgré une apologie si authentique, et malgré les bonnes raisons que j'ai vingt fʊis alléguées en vers et en prose, il y a encore des gens qui traitent de médisance les railleries que j'ai faites de quantité d'auteurs modernes, et qui publient qu'en attaquant les défauts de ces auteurs je n'ai pas rendu justice à leurs bonnes qualités, je veux bien, pour les convaincre du contraire, répéter encore ici les mêmes paroles que j'ai dites sur cela dans la préface de mes deux éditions précédentes. Les voici :

« Il est bon que le lecteur soit averti d'une chose, • c'est qu'en attaquant dans mes ouvrages les défauts « de plusieurs écrivains de notre siecle je n'ai pas

prétendu pour cela ôter à ces écrivains le mérite et ⚫ les bonnes qualités qu'ils peuvent avoir d'ailleurs. « Je n'ai pas prétendu, dis-je, nier que Chapelain, par exemple, quoique poëte fort dur, n'ait fait autre fois, je ne sais comment, une assez belle ode, et

différentes pieces dont Brossette et Saint-Marc ont chargé les leurs, tantôt sous un prétexte et tantôt sous un autre, nous serions obligés de donner un ou deux volumes de plus, ce que nous voulons sur-tout éviter. Il n'y a déja que trop de livres faits avec d'autres livres. C'est cette considération qui nous a déterminés à ne point imprimer cette lettre de M. Arnauld dont Boileau parle ici, et qui d'ailleurs ne peut plus avoir aujourd'hui, à aucun égard, le même intérêt qu'à l'époque de sa publication. Ceux qui seront curieux de la lire la trouveront dans la plupart des éditions de notre poëte, et particulièrement dans celles des deux commentateurs que je viens de nommer.

«qu'il n'y ait beaucoup d'esprit dans les ouvrages ⚫ de M. Quinault, quoique si éloigné de la perfection « de Virgile. J'ajouterai même sur ce dernier, que, « dans le temps où j'écrivis contre lui, nous étions tous deux fort jeunes, et qu'il n'avoit pas fait alors beaucoup d'ouvrages qui lui ont dans la suite acquis une juste réputation. Je veux bien aussi avouer qu'il y a du génie dans les écrits de Saint-Amand, « de Brébeuf, de Scuderi, de Cotin même, et de plu

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sieurs autres que j'ai critiqués. En un mot, avec «la même sincérité que j'ai raillé de ce qu'ils ont de blâmable, je suis prêt à convenir de ce qu'ils peuvent avoir d'excellent. Voilà, ce me semble, leur • rendre justice, et faire bien voir que ce n'est point un esprit d'envie et de médisance qui m'a fait écrire

contre eux. »

Après cela, si on m'accuse encore de médisance, je ne sais point de lecteur qui n'en doive aussi être accusé, puisqu'il n'y en a point qui ne dise librement son avis des écrits qu'on fait imprimer, et qui ne se croie en plein droit de le faire du consentement même de ceux qui les mettent au jour. En effet, qu'est-ce que mettre un ouvrage au jour? N'est-ce pas en quel que sorte dire au public, Jugez-moi? Pourquoi donc trouver mauvais qu'on nous juge? Mais j'ai mis tout ce raisonnement en rimes dans ma neuvieme satire, et il suffit d'y renvoyer mes censeurs.

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