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C'est ici que souvent, errant dans les prairies,
Ma main des fleurs les plus chéries

Lui faisoit des présents si tendrement reçus.
Que je l'aimois alors! que je la trouvois belle!
Mon cœur, vous soupirez au nom de l'infidele :
Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus?

Chanson à boire, que je fis au sortir de mon cours de philosophie, à l'âge de dix-sept ans.

PHILOSOPHES rêveurs, qui pensez tout savoir,
Ennemis de Bacchus, rentrez dans le devoir:
Vos esprits s'en font trop accroire.
Allez, vieux fous, allez apprendre à boire.
On est savant quand on boit bien :
Qui ne sait boire ne sait rien.

S'il faut rire ou chanter au milieu d'un festin,
Un docteur est alors au bout de son latin :
Un goinfre en a toute la gloire.
Allez, vieux fous, allez apprendre à boire.
On est savant quand on boit bien :
Qui ne sait boire ne sait rien.

Chanson à boire, faite à Báville, où étoit le
P. Bourdaloue.

QUE Bâville me semble aimable,
Quand des magistrats le plus grand
Permet que Bacchus à sa table
Soit notre premier président!

Trois muses, en habit de ville,
Y président à ses côtés :
Et ses arrêts par Arbouville (1)
Sont à plein verre exécutés.

(1) Gentilhomme, parent de M. le premier président.

Si Bourdaloue un peu severe
Nous dit, Craignez la volupté ;
Escobar, lui dit-on, mon Pere,
Nous la permet pour la santé.
Contre ce docteur authentique
Si du jeûne il prend l'intérêt,
Bacchus le déclare hérétique,
Et janséniste, qui pis est.

Sur Homere.

QUAND, la derniere fois, dans le sacré vallon,
La troupe des neuf sœurs, par l'ordre d'Apollon,
Lut l'Iliade et l'Odyssée ;

Chacune à les louer se montrant empressée :
Apprenez un secret qu'ignore l'univers,
Leur dit alors le dieu des vers:

Jadis avec Homere, aux rives du Permesse,
Dans ce bois de lauriers où seul il me suivcit,
Je les fis toutes deux, plein d'une douce ivresse.
Je chantois, Homere écrivoit.

Vers pour mettre sous le buste du roi, fait par M. Girardon l'année que les Allemands prirent Belgrade.

C'EST ce roi si fameux dans la paix, dans la guerre,
Qui seul fait à son gré le destin de la terre.
Tout reconnoît ses lois, on brigue son appui.
De ses nombreux combats le Rhin frémit encore;
Et l'Europe en cent lieux a vu fuir devant lui
Tous ces héros si fiers que l'on voit aujourd'hui
Faire fuir l'Ottoman au-delà du Bosphore.

Vers pour mettre au bas d'un portrait de mon= seigneur le duc du Maine, alors encore enfant, et dont on avoit imprimé un petit volume de lettres, au-devant desquelles ce prince étoit peint en Apollon, avec une cou ronne sur la téte.

QUEL est cet Apollon nouveau Qui, presque au sortir du berceau, Vient régner sur notre Parnasse? Qu'il est brillant! qu'il a de grace! Du plus grand des héros je reconnois le fils: Il est déja tout plein de l'esprit de son pere; Et le feu des yeux de sa mere

A passé jusqu'en ses écrits.

Vers pour mettre au bas du portrait de
mademoiselle de Lamoignon.

Aux sublimes vertus nourrie en sa famille,
Cette admirable et sainte fille

En tous lieux signala son humble piété;
Jusqu'aux climats où naît et finit la clarté (1),
Fit ressentir l'effet de ses soins secourables;
Et, jour et nuit pour Dieu pleine d'activité,
Consuma son repos, ses biens et sa santé,
A soulager les maux de tous les misérables.

(1) Mademoiselle de Lamoignon, sœur de M. le premier président, faisoit tenir de l'argent à beaucoup de missionnaires jusques dans les Indes orientales et occidentales.

A madame la présidente de Lamoignon, sur le portrait du P. Bourdaloue qu'elle m'avoit envoyé.

Du plus grand orateur dont la chaire se vante
M'envoyer le portrait, illustre presidente,
C'est me faire un présent qui vaut mille présents.
J'ai connu Bourdaloue; et dès mes jeunes ans
Je fis de ses sermons mes plus cheres délices.
Mais lui, de son côté, lisant mes vains caprices,
Des censeurs de Trévoux n'eut point pour moi les
yeux.

Ma franchise sur-tont gagna sa bienveillance.
Enfin, après Arnauld, ce fut l'illustre en France
Que j'admirai le plus et qui m'aima le mieux.

Vers pour mettre au bas du portrait de
Tavernier, le célebre voyageur.

D£ Paris à Delli (1), du couchant à l'aurore,
Ce fameux voyageur courat plus d'une fois :
De l'Inde et de l'Hydaspe (2) il fréquenta les rois ;
Et sur les bords du Gange on le révere encore.
En tous lieux sa vertu fut son plus sûr appui;
Et, bien qu'en nos climats de retour aujourd'hui
En foule à nos yeux il présente

Les plus rares trésors que le soleil enfante (3),
Il n'a rien rapporté de si rare que lui.

(1) Ville et royaume des Indes.

(2) Fleuve du même pays.

(3) Il étoit revenu des Indes avec près de trois millions en pierreries.

Vers pour mettre au bas du portrait de mon pere, greffier de la grand chambre du parle= ment de Paris.

CE greffier doux et pacifique
De ses enfants au sang critique
N'eut point le talent redouté:
Mais, fameux par sa probité,
Reste de l'or du siecle antique,
Sa conduite, dans le palais
Par-tout pour exemple citée,
Mieux que leur plume si vantee
Fit la satire des Rolets.

Epitaphe de la mere de l'auteur.

C'est elle qui parle.

EPOUSE d'un mari doux, simple, officieux,
Par la même douceur je sus plaire à ses yeux:
Nous ne sûmes jamais ni railler ni médire.
Passant, ne t'enquiers point si de cette bonté
Tous mes enfants ont hérité;
Lis seulement ces vers, et garde-toi d'écrire.

Sur un

frere aîné que j'avois, et avec qui j'étois

brouillé.

De mon frere, il est vrai, les écrits sont vantés ;
Il a cent belles qualités :

Mais il n'a point pour moi d'affection sincere.
En lui je trouve un excellent auteur,
Un poëte agréable, un très bon orateur :
Mais je n'y trouve point de frere.

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